Laisse-moi partir…
Par Journal Accès
Laisse-moi partir / S’il te reste assez d’amour / Pour la femme que je suis / Qui voulait t’aimer toujours… / Laisse-moi partir / Et qui sait peut-être un jour, comme avant / J’aurai besoin que tu viennes à mon secours…
Toute petite déjà elle écoutait sans cesse le long-jeu de Nicole Martin sur son pick-up Mickey Mouse. Elle chantait à tue-tête pour l’ensemble du bloc où nous vivions sur la 70e Avenue. Ses envolées vocales volaient du rez-de-chaussée jusqu’au quatrième palier de notre petite habitation de Chomedey Laval. Se mêlaient aux chansons d’amour larmoyantes de Nicole Matin, les odeurs de sauce à spag’ de Madame Turcotte, aussi celles de l’assouplisseur des lessives en série du dimanche matin…
La voie rauque de Nicole Martin répondait aux bruns et aux beiges du hall d’entrée. Les trémolos à jets continus, eux, se confondaient avec l’orange brûlé du sofa de notre appartement. Le tout, amorti par le shag’ vert du tapis de notre salon.
La broue dans le toupet’. Le son dans le tapis, je vous dis!
Déjà toute petite je ne comprenais pas cette hystérie démesurée envers les chanteuses populaires. L’admiration sans borne qu’éprouvait Chantal P., ma voisine de palier, pour Nicole Martin me bouleversait chaque fois. Je me demande encore ce qu’elle lui trouvait tant, à la dame et à ses larmes. Moi c’était plutôt Grease, la trame sonore de mon premier slow collé, la trame sonore de mon premier french mouillé. Je me demande encore ce que je trouvais tant aux kits fuschia d’Olivia Newton-John.
(Mais je sais exactement ce que je trouvais aux jeans moulants de John Travolta…!)
Trente ans plus tard, la voix de Nicole Martin envahit tout l’espace culturel actuel comme elle envahissait tout l’espace de notre immeuble de la 70e Avenue. Trente ans plus tard, je ne comprends toujours pas qu’on ressuscite allégrement des «has-been» de la chanson populaire, qu’on leur donne autant de place au détriment d’une relève qui ne finit plus de chercher sa place au soleil, au détriment de nouvelles voix qui ne demandent qu’à naître, de nouveaux sons qu’on ne demande qu’à connaître. J’aurai besoin que tu viennes à mon secours…
C’est sans doute ailleurs que dans la nostalgie qu’il faut chercher une explication à cet inexplicable succès, à cette façon parfois qu’a la culture populaire d’avancer par en arrière.
C’est sans doute plutôt dans le chaos d’aujourd’hui qu’il faut chercher, dans le chaos qui nous ébranle tous dans nos fondements du monde tel qu’on le connaît: catastrophes écologiques, montée du fondamentalisme, dictature des extrémismes, omniprésence du matérialisme… Oui, c’est sans doute dans le chaos d’aujourd’hui qu’il faut chercher une explication… Et si Nicole Matin était une réponse à cette insécurité ambiante qui nous habite? Si elle était un réconfort à la peur qui nous gagne? Oui, si Nicole Martin était tout simplement un baume sur nos plaies?
Quand tout s’écroule, on aime les cathédrales et le confort des vieilles rengaines.
Quand tout s’écroule, on aime ressusciter les stars déchues.
Comme pour se venger de la mort.
Les Laurentides de rêve
Pour contrecarrer le cynisme ambiant du monde dans lequel on vit, venez prendre place au débat des Laurentides de rêve le 2 juin prochain. Une belle façon de laisser une empreinte positive sur notre environnement d’aujourd’hui et les générations de demain. Vous verrez, ça vaut bien quelques chansons de Nicole Martin… l’odeur de la sauce à spag’ en moins!