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Les enfants sont « brûlés! »… Déjà ?

Par Martine Laval

Dans un monde où tout va vite et une société dans laquelle on prône la performance et la rentabilité en tout, comment vivent et réagissent les enfants forcés de suivre le rythme? Leur cerveau et leurs émotions sont-ils à la hauteur de la demande d’être des petits humains adaptés au système dans toutes les sphères de leur jeune vie? Qu’en pensent le neuroscientifique Joël Monzée et la coach de vie familiale Manon Vicky Gauthier?

 

Parents speedés. Enfants brûlés!… Déjà?

Le stress chez les enfants est un sujet que s’évertue à explorer, expliquer et vulgariser le réputé neuroscientifique Joël Monzée. Source de tant de maux chez les enfants et les adolescents qui sont soignés à coup de médication qui les déséquilibre, comment mieux comprendre leur mécanisme cérébral pour favoriser leur développement affectif et ainsi vivre de façon plus harmonieuse entre les différentes générations? « Les enfants ne sont plus capables de tolérer ce que la génération adulte a accepté, et on les médicamente parce qu’ils ne sont plus capables d’en prendre!, explique Joël Monzée. La vie va tellement vite pour les parents et les défis sont si importants au niveau des familles – finances, séparation, reconstruction de familles, conjoints de passage, attachement/détachement -, que le système de l’enfant n’est plus apte à gérer les adaptations qu’on lui demande de faire. Bien que dans les écoles il y ait d’excellents pédagogues, ils n’ont pas nécessairement les outils nécessaires pour comprendre l’affectivité des enfants, si bien qu’on force parfois les choses sur le plan de l’apprentissage sans tenir compte de la disponibilité émotionnelle de l’enfant. Comme il y a de plus en plus d’adultes en difficulté (pour plein de bonnes raisons), ou de moins en moins d’adultes solides autour d’eux, l’un dans l’autre, les enfants ne sont plus capables d’en prendre! »

La maturité du cerveau

« Le cerveau n’arrive à pleine maturité qu’entre 40 et 45 ans, rappelle le neuroscientifique. On comprendra donc que les professeurs, éducateurs, parents qui sont dans la vingtaine et la trentaine, vivent eux-mêmes une adaptation importante qui peut les amener à un état de détresse personnelle ou un surmenage qui malheureusement les fait se comporter bien involontairement de façon inadéquate auprès des enfants (agressivité, abus de pouvoir, manque de compassion, contrôle, critique, violence, narcissisme, etc.), faisant en sorte que les enfants ne savent plus où se déposer. De plus, les habitudes de vie empreintes de performance scolaire et sportive, et l’usage des jeux vidéo qui modifient de façon bien regrettable le cerveau des enfants, font en sorte qu’on a de plus en plus d’enfants en surmenage. »

Quelles sont les conséquences pour nos enfants en pleine croissance?

Si on ne réagit pas adéquatement rapidement, on risque de se retrouver avec des diagnostics psychiatriques de plus en plus alarmants. Il y a déjà un trop grand nombre de jeunes sous lithium parce qu’incapables de gérer le degré d’angoisse dans lequel ils sont. Le problème est que leur environnement n’est pas adéquat et qu’on ne peut pas agir sur le parent ou qu’on n’a pas de prise sur le comportement de certains professionnels qui les accompagnent dans leur développement.

L’exigence d’une vie qui tourne trop vite!

Manon Vicky Gauthier, coach de vie familiale dans les Laurentides, rapporte qu’on en met épais sur les épaules de certains enfants dès leur plus jeune âge, et que le cumul des situations affectant leur équilibre les entraîne à vivre la détresse. Alors qu’ils ont besoin de continuité et de stabilité, les tout-petits qui fréquentent un Centre de la petite enfance (CPE) doivent s’adapter à un grand nombre de nouvelles personnes entre 0 et 5 ans, ce qui trouble le lien d’attachement dont ils ont besoin pour confier leur bien-être, explique celle qui soutient les familles de près en les coachant en situation d’aide. Un autre facteur est aussi la séparation des parents et l’adaptation que ça demande. En garde partagée, continuellement dans les valises pour certains, le manque de constance et de régularité pèse très lourd pour l’enfant. Et puis, on est pressé! Combien de fois par jour l’enfant entend-il les mots Vite! Dépêche-toi! entre la maison, l’école et la garderie! Exigeant et surtout stressant, non!?

Évacuer le trop-plein

« Au retour de la garderie ou de l’école, beaucoup d’enfants sont bougonneurs, chialeurs ou font des crises. Peut-on imaginer l’effort émis tout au long de la journée pour gérer ses émotions, pour faire «comme il faut» devant l’autorité du moment?, explique Manon Vicky Gauthier. Est-ce qu’une fois rendu à la maison auprès des personnes avec lesquelles il est à l’aise et que le lien d’attachement n’est pas menacé, il ne pourrait pas déverser son trop-plein accumulé durant la journée au lieu d’être une fois de plus bousculé dans la routine des choses à faire? »
Accueillir l’enfant et s’offrir un moment comme parent de sortir de sa tête pour descendre dans son cœur le temps d’une décompression de part et d’autre, prévoir une période tampon entre la garderie ou l’école et la maison au cours de laquelle l’enfant peut évacuer le trop-plein en parlant, en bougeant ou même en pleurant est un investissement qui porte fruit, car il n’en sera que plus disponible par la suite, suggère la coach de vie familiale.

Et si on niaisait un peu!

Dans la société de performance dans laquelle nous vivons, ne rien faire de pertinent est aussi important que la scolarisation et tout le reste, s’accordent à dire les deux spécialistes. Les enfants de nos jours manquent de périodes d’oisiveté dans leur cerveau. C’est pourtant pendant ces moments que l’information se classe et que les émotions se placent. On a besoin d’être lunatique dans la vie, de ne rien faire et de regarder les nuages. Ce sont de grands moments de ressourcement que les enfants ne connaissent plus. On ne peut être occupé et stimulé constamment. Il faut savoir niaiser aussi. C’est une question d’équilibre.
Informations :
www.youtube.com/c/joelmonzee
www.coupdepouce-education.com/

 

Joël Monzée, l’éminent docteur en neurosciences, s’intéresse particulièrement au développement des enfants.


 


Quand les parents démissionnent!

Quant aux TES (techniciens en enseignement spécialisé) qui œuvrent dans les écoles, ce n’est plus seulement l’aide aux enfants éprouvant des difficultés d’adaptation, ou atteints d’une déficience physique ou intellectuelle afin de permettre leur intégration sociale ou de faciliter leur réadaptation dont ils sont responsables, c’est carrément de l’éducation de base, révèle Annie Ranger, TES dans une école primaire de Saint-Jérôme.
« Il y a des bases qui ne sont même pas là, raconte Annie. Les parents trop pressés et stressés ne voient même pas à la base de l’éducation pour certains enfants! Les enfants n’ont plus peur de l’autorité de nos jours et dépassent les limites. Ils savent en plus qu’ils pourront manipuler leurs parents qui, se sentant coupables pour toutes sortes de raison – trop occupés donc pas assez disponibles, séparés, en famille reconstituée et autres -, « achètent » la paix, et le bon comportement ne dure pas, en fait, parce qu’il y manque la constance. L’enfant n’apprend pas. Si les parents démissionnent, soulève la TES, comment peut-on agir de notre côté pour nous consacrer à la vraie mission de notre travail? »


 

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