‘‘The Birds’’

Par Josée Pilotte

La première fois j’étais assise à mon bureau, je parlais au téléphone, j’ai dû dire au client d’attendre une minute puisque le bruit à l’extérieur était si fort que j’avais de la difficulté à me concentrer sur ce qu’il me disait. C’était il y a trois semaines environ. J’estime qu’ils étaient environ 200.

Quand je me suis retournée pour voir ce qui faisait un tel vacarme, tous les arbres de mon champ de vision étaient noir-

corbeau de ces volatiles volants. Étrange moment, ce nuage, cette nuée à ma fenêtre quelques jours avant le printemps.

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Suis-la seule à constater que nos villages se dépersonnalisent à chaque battement d’ailes? Les évènements des dernières semaines font plus que le confirmer. Ado poignardé dans une station de ski, jeune homme frappé et abandonné par un chauffard sur le bord de la route, invasion de domicile qui se termine dans le sang, vandalisme et vol à main armé chez les commerçants.

Montréal? Toronto? Vancouver?

Non: Sainte-Adèle, Saint-Sauveur, Val-David.

T’as une business au coin de la rue, tu crois aller répondre à un client… la dernière chose que tu entends, c’est la détonation du revolver qui vient de t’assassiner.

New York?

Non: Sainte-Anne-des-Lacs.

Il y a quelque chose qui s’effrite, non? Le coté rassurant d’un village se désagrège au contact de l’expansion. Je dis ça de même, je ne sais pas trop…

Mais messemble qu’on abandonne toujours quelque chose quand on veut aller plus haut, plus gros, enfin… j’crois. Mais. Comme disait l’autre: tu ne fais pas d’omelette sans casser d’oeufs.

Dans la masse, comment maintenant reconnaître le fils de Léo, Madame Filion de la rue Lafleur, Madame Lafleur de la rue Filion, et le vieux crisse de la rue de l’Église? On a tous nos raisons d’avoir fait le choix d’être ici, dans nos villages champêtres, dans l’air pur de nos décors alpins.

Étrange moment, ce nuage, cette nuée à ma fenêtre quelques jours avant le printemps.

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Je ne veux pas dire que la violence était absente des villages d’autrefois. Je sais combien de souffrances et de douleurs pouvaient être abritées dans certaine chaumières, recouvertes d’une loi du silence souvent violente elle aussi. Mais pourtant l’impression de sécurité était réelle. Avant, tout le monde se connaissaît; maintenant le fou du village peut-être n’importe qui.

On a beau dire, mais le monde change et il nous rattrape ici. Hier on dévalait les pentes de ski avec notre suit fluo pis nos 205 de long, aujourd’hui on dévale toujours nos pentes oui, mais avec un p’tit buzz de marijuana en prime!

***

Dans ton village, tu vas à la même station-service tous les matins faire le plein d’essence, de café et de muffins, le propriétaire salue la jolie blonde que tu es… depuis le temps qu’il te connaît!… Dire qu’il a vu ton petit dernier grandir! Et un soir, en entrant chez toi, tu reçois l’appel de la police parce que tu as oublié de payer ton gaz; le proprio, suspicieux, ne fait plus la différence entre la jolie blonde qu’il voit tous les matins et les p’tits bums de la sortie des bars.

On est loin des «running bills» de Madame Chartier!

Oui!, le monde change, et ça change le monde.

Étrange moment, ce nuage, cette nuée sur nos Laurentides quelques jours avant le printemps.

Ces oiseaux-là, c’est pas supposé juste tourner au-dessus des dépotoirs des grandes villes?

Comment vous dites?

Le film The Birds c’est de Hitchcock? Ah! bon, je croyais que c’était de Coppola.

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