«On est à la pointe du iceberg», prévient un électrosensible

Par nathalie-deraspe

Dangers du cellulaire

Le 18 octobre dernier, l’ancien curé de Terrebonne témoignait pour avoir procédé à l’installation d’antennes-relais dans le clocher de l’église St-Louis-de-France sans avoir obtenu au préalable d’autorisation de la ville. En 1997, les gens faisaient peu de cas des dangers reliés aux micro-ondes.

«On n’est pas des criminels, s’insurge l’adjointe administrative de la paroisse, Diane Garceau, qui fut également appelée à témoigner. On n’a pas fait ça en cachette. Y’a eu des consultations. Et à cette époque, il n’y avait pas d’interdiction.»

Mme Garceau insiste pour dire que la paroisse tient à ce joyau datant de 1882. Mais il faut trouver 250 000$ par année pour faire fonctionner l’église et seuls 10% des citoyens participent à la dîme. Après avoir obtenu 4 000$ au départ, la paroisse en récolte désormais 9 800$ par an. «Au Collège Saint-Sacrement (situé en face de l’église), il y a 40 fours micro-ondes et chaque enfant a son cellulaire, se défend-t-elle. C’est bien pire que ça! Industrie Canada a fait des expertises et quand on éteignait les signaux de nos antennes, on captait ceux du Mont-Royal.»

À l’instar de ses collègues de la paroisse de Terrebonne, Mgr Morrissette, évêque du diocèse de Saint-Jérôme, banalise les effets des antennes-relais qui, rappelons-le, sont essentielles pour le bon fonctionnement de nos cellulaires. Un contrat de 10 ans a été signé pour des installations semblables dans le clocher de la Cathédrale. «Dès qu’on a eu des plaintes, on s’est informé auprès d’Industrie Canada.» L’évêque admet que la France procède à des retraits, mais indique que les scientifiques demeurent divisés sur la question. «Quand les normes changeront, les compagnies vont s’ajuster.»

Un cas révélateur

José Lévesque est père de deux adolescents. Cet ancien installateur de systèmes téléphoniques a pris du temps à comprendre que son travail le rendait malade. En télécommunications depuis 2001, celui-ci installait des bases d’antennes sans fil et des systèmes de téléphonie interne pour des magasins à grande surface. Début 2006, il sent un pincement à l’oreille dès qu’il s’apprête à lancer un appel sur son cellulaire. À chaque fois qu’il répète l’exercice, le mal apparaît. Le temps passe et la situation s’aggrave. Les pincements se traduisent par des étourdissements. «En dernier, l’oreille me pinçait avant que ça sonne.»

M. Lévesque décide de s’installer une oreillette pour tenir le téléphone à distance et minimiser les impacts. Quelques semaines plus tard, il commence tout de même à sentir des vertiges et des maux de tête. Le manque de sommeil et la fatigue s’ajoutent aux symptômes. Il obtient un arrêt de travail de trois mois. «Je n’avais pas fait le lien avec mon cellulaire. Mais j’avais des collègues qui travaillaient avec le Bluetooth qui ressentaient les mêmes maux que moi.

Après avoir passé une batterie de tests, les médecins en viennent aux mêmes conclusions : Le patient «dit ressentir» des symptômes d’électrosensibilité. Un seul spécialiste a bien voulu lui témoigner son appui, mais de façon informelle. Celui-ci craignait devoir se défendre devant l’Organisation mondiale de la santé et l’industrie des télécommunications, qui dispose de moyens faramineux pour entamer des poursuites à son égard. «Ça été la même chose avec le tabac, l’amiante et le plomb, soutient José Lévesque. Ça a pris 40 ans et des millions de morts pour obtenir gain de cause.»

Même s’il sème le doute autour de lui, José Lévesque est maintenant convaincu que les symptômes qu’il connaît sont dûs à une trop grande exposition aux micro-ondes. «En cherchant sur Internet, je me suis rendu compte qu’il y avait des milliers de personnes électrosensibles comme moi. Aujourd’hui si je vais au Centre Bell, j’en ai pour une demi-journée à m’en remettre. Si je passe une journée à Montréal, j’ai des saignements de nez et des vaisseaux sanguins qui éclatent dans mes yeux.»

Afin de sensibiliser la population, José Lévesque tient un blogue et nourrit les pages Facebook de toutes ses trouvailles. Il aimerait bien pouvoir offrir des conférences dans les écoles, mais le wi-fi est partout. Après deux heures, les maux de tête et les acouphènes débutent. Par moment, ceux-ci sont tellement fort, dit-il, qu’ils s’apparentent aux sons aiguës des détecteurs de fumées. «Dès que j’entre dans un endroit, je peux dire si un I-Phone est en fonction. Si c’est le cas, je ressens tout de suite de la douleur.»

Sa plus grande crainte se situe maintenant du côté d’Hydro-Québec, qui compte installer pas moins de 3,6 millions de compteurs «intelligents» dans la province. Dotés de radio-fréquences, ceux-ci seront connectés directement à la centrale, ce qui permettra d’avoir une lecture directe et immédiate des données. «C’est comme installer du wi-fi sur chaque maison. S’ils mettent ça sur ma rue, je n’aurai pas le choix de déménager. Le pire, c’est que je suis un fan fini d’Internet. Si je dois m’isoler loin du monde, c’est la chose qui va me manquer le plus.»

À Terrebonne, une pétition de près de 900 noms pour demander le retrait des antennes-relais à proximité des garderies et d’écoles a été acheminée à la ville au nom du principe de précaution face aux micro-ondes utilisé par la technologie sans-fil. Des scientifiques internationaux ont témoigné au comité de la santé de la Chambre des communes à Ottawa lors des auditions sur l’impact sur la santé humaine des micro-ondes 27 et 29 avril 2010 et c’est en décembre 2008 que Terrebonne a pris le relais des citoyens mécontents. Les prochaines auditions auront lieu le 31 janvier.

Durant ce temps à Ottawa, le Comité permanent de la Chambre des Communes se penche sur la question. Un rapport est attendu d’ici Noël. Les représentants de Rogers n’ont pas voulu émettre de commentaire dans le dossier.

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