Le torchon brûle au sein du conseil municipal
Par Thomas Gallenne
Bilan du festival Sainte-Agathe-en-Feux
Depuis plusieurs semaines, des rumeurs circulent à l’effet que le bilan du Festival Sainte-Agathe-en-Feux présenterait un déficit rocambolesque. Lors du dernier conseil municipal, le 18 octobre, la question est revenue sur la table, à la suite de la lecture d’une lettre ouverte d’un citoyen, publiée dans un journal local. Un conseiller a même fait une sortie en règle contre le conseil et le promoteur du projet.
Selon différentes sources, le déficit pourrait s’élever entre 900 000$ et 1,5 millions de dollars. En mai dernier, Accès faisait le point sur les nombreuses avances consenties par la Ville à l’OBNL Sainte-Agathe-en-Feux. Qui va éponger ce déficit? Était-il évitable? Est-il le résultat d’un projet mal ficelé et mal géré comme certains l’avance? Michel Charette a son opinion la-dessus. «Quand Pierre Legault est venu nous voir en décembre 2009 avec son projet clé en main, on parlait d’un festival sur deux semaines, se rappelle le conseiller municipal qui a été maire de Sainte-Agathe de 1994 à 1999, avant les fusions. Mais par la suite, tous les plans ont changé, et les coûts sont devenus exorbitants.» Pierre Legault a une toute autre version des faits: «Je n’ai jamais sollicité la Ville, se défend le promoteur. C’est le maire qui m’a contacté et je l’ai rencontré
le 12 décembre 2009.» Denis Chalifoux confirme que Pierre Legault lui a été référé et qu’il l’a invité à le rencontrer pour la première fois en décembre 2009. «Il souhaitait un événement d’envergure, poursuit le promoteur et il m’a demandé de lui soumettre des idées. J’ai fait plus, en montant un plan d’affaires avec des thématiques, des possibilités de revenu, un plan marketing pour la visibilité.» M. Legault soumet donc le fruit de ses recherches à la Ville début mars 2010. Le maire lui demande alors s’il est intéressé à mettre en œuvre ce plan, ce qu’il accepte. Un organisme à but non lucratif ainsi qu’un conseil d’administration sont formés dans la foulée, ce dernier entérinant l’embauche du promoteur, dans un contrat en bonne et due forme. Le projet est présenté aux médias en juin 2010.
Que répond-il aux critiques qui remettent en question ses compétences à mener à bien un tel projet? «Cela fait 31 ans que je suis dans le métier, rétorque le promoteur d’événement. Et j’avais avec moi Daniel Gélinas qui est quand même le directeur général du festival d’été de Québec.» De plus, selon M. Legault, la recette de ce genre d’événement est bien connue et il existe de nombreux exemples probants.
Show de boucane?
Le report de la Ville à dévoiler le bilan de cet événement ne fait qu’amplifier les rumeurs sur un déficit d’une ampleur considérable. Et le conseiller Charette ne décolère pas. «On s’en va vers un très gros déficit, affirme celui qui rappelons-le, avait démissionné du comité Finances de la Ville en mai 2010. Et je parle de plus d’un million de dollars! Quand on sait que M. Legault a reçu près de 44 000$ en commissions en plus de son salaire de 100 000$, quant à moi, il a reçu un bien trop gros salaire pour un »flop » que les citoyens vont devoir éponger avec leur taxe.» Pierre Legault se défend de s’être graissé la patte et de ne pas avoir répondu aux attentes: «Sur le marché des événements, généralement, les honoraires professionnels correspondent entre 4 et 5% du budget d’opération, estimé alors autour de trois millions de dollars pour Sainte-Agathe-en-Feux. Pour les commissions, un pourcentage est prélevé sur chaque commandite qu’on va chercher. Et je n’ai pas tout perçu! Quant à l’événement, je pense que j’ai livré la marchandise à 100%.»
D’autres voix s’élèvent à l’effet que l’administration n’aurait pas géré les dépenses de la Ville en «bon père de famille». «Le maire a la responsabilité de protéger les deniers publics, poursuit Michel Charette. D’autant plus que le plan d’affaires était mince.» Et quand le maire a fait un tour de table pour parler de »l’an deux » du festival au dernier caucus, la réponse du conseiller a été cinglante: «Vous êtes en déficit et vous nous demandez un second chèque en blanc? a demandé M. Charette. Il faudra un nouveau comité plus sérieux et la preuve que le promoteur a tous les fonds requis.»
Le maire ne voit pas les choses de la même manière. «Il y a différentes façons d’être un bon père de famille, répond Denis Chalifoux. Il y a celui qui est plus protecteur et l’autre qui est plus loose. L’argent qui a été mis dans le festival, je vois ça comme un investissement à long terme.» Le maire est conscient qu’un événement de cette ampleur ne peut pas être rentable dans la première année. Et le conseiller Charette l’admet lui aussi. «C’est le chemin à parcourir si on veut être une ville du futur, poursuit M. Chalifoux. Et c’était dans ma vision lors des élections. Selon moi, ça passe par le culturel et l’événementiel. Mon but est de remettre Sainte-Agathe sur la »map ».» Le maire juge que certaines personnes font un procès d’intention: «Il y en a qui parlent d’énorme déficit, mais il faut voir tout ce qui s’est fait en terme de retombées économiques, et la visibilité qu’on a eu, rappelle-t-il. J’avais le choix de faire un festival comme il s’en fait 300 autres ailleurs ou de me démarquer. On a eu des artistes en exclusivité. J’ai des gens qui m’en parlent encore!» Denis Chalifoux admet cependant certaines erreurs: «Là où j’ai erré, c’est dans l’évaluation des subventions. C’est difficile d’aller en chercher la première année.» Semble-t-il que l’aide fédérale n’aurait pas été à la hauteur de ses espérances. Quant à la polémique engendrée par ses opposants, et au dénigrement qui a été fait à l’endroit de Pierre Legault, le maire croit que les «nonistes cherchent des poux». «Je trouve que c’est grave de dire que quelqu’un est un zéro, poursuit le maire en référence aux propos tenus par le conseiller Charette lors du dernier conseil. Mais je ne veux pas faire un show de boucane!» Il dévoilera le bilan du festival dans le courant de la semaine prochaine, par voie de communiqué et non en point de presse comme il était prévu initialement. De plus Denis Chalifoux a confirmé au Journal que pour le prochain festival Sainte-Agathe-en-Feux, un nouveau conseil d’administration sera composé et qu’il se retirera de la vice-présidence.