Seule au monde

Par Josée Pilotte

La première fois nous étions sur la Côte d’Azur. Je sais, ça fait un peu «fraîche-pette», mais que voulez-vous, c’est ça. Donc, la première fois avec Nathalie, nous étions en voiture, les cheveux au vent, le soleil nous aveuglait. On se souriait malgré nos cœurs torturés par nos amours de l’époque. C’est là qu’on l’a fait, vous auriez dû nous voir et nous entendre crier… chanter je veux dire… les vitres baissées. C’était du Corneille. C’était Seul au monde.

C’était il y a huit ans.

C’était avant. Avant tout ça.

La semaine dernière j’ai assisté au Gala des Grands Chefs pour la Société canadienne du cancer. C’est là que je me suis souvenue de notre fameuse balade en voiture sur la Côte d’Azur. Je m’en suis souvenue quand elle, Nathalie, s’est levée comme seule une femme déterminée sait le faire, devant tous ces gens pour parler du combat qui lui aura appris la résilience, la créativité, la foi: celui du cancer. J’étais fière, j’étais émue, j’étais partagée face à la haine de ce mal qui l’a un jour rongée, mais qui a aussi façonné la femme qu’elle est devenue, cette femme pleine d’audace, de prestance et d’humour.

C’est à ses côtés que j’aurais appris à relativiser mes petits bobos, à comprendre aussi que nos combats on les mène souvent seul, comme elle l’était ce soir-là, invitée à témoigner sur cette scène devant sa famille, quelques amis et de tout un public suspendu à ses lèvres.

Oui, c’est là, assise dans cette salle, regardant mon amie, que je nous ai vues, que je nous ai revues chanter comme des déchaînées… Je suis seule au monde, les vitres baissées sur la route qu’on croyait à cette époque être la route du bonheur!

Je nous ai revues chanter Seul au monde. Nous avions raison: dans nos petits comme dans nos grands combats, même si la terre entière nous applaudit, même si la terre entière pleure avec nous, quand tu te couches le soir, même contre ton amoureux, tu restes seul avec tes combats, tes cancers, tes petites morts. Y’aura toujours un espace qui n’appartiendra qu’à toi, une partie de la guerre que seul toi peut mener, peut comprendre. C’est ce qui fait la grandeur d’une personne.

Oui, on a tous nos combats à mener. Il n’existe pas d’échelle du malheur dans la vie. Même avec tous les malheurs du monde, on a aussi tous le droit à notre cinq minutes par jour de baboune, de braillage sur son sort, de k’sé-que-j’ai-faite-au-bon-Dieu-pour-mériter-ça, et de je-câlisserais-toute-ça-là-estie!

Mais bon que voulez-vous, ainsi va la vie qui va…

Assis dans cette salle, regardant mon amie, je nous ai vues, je nous ai revues déconner comme de vraies folles, riant aux éclats, parlant de tout et de rien mais surtout de rien jusqu’aux petites heures du matin. Moi quelques fêlures en plus, elle ses seins en moins mais, si heureuses d’être qui nous sommes.

Ça c’était hier.

C’était après. Après tout ça.

Et puis, si les épreuves font grandir, on doit être grandes en maudit!

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