Vincent Lemay-Thivierge fait le grand saut
Par Thomas Gallenne
Investiture pour Québec Solidaire dans le comté de Prévost
Souverainiste convaincu, Vincent Lemay-Thivierge fait finalement le grand saut en politique. Le chanteur du groupe Les Belvédères représentera Québec Solidaire dans le comté de Prévost aux prochaines élections. Dans ce contexte de tourmente politique qui balaie le Québec, qu’est-ce qui peut bien pousser un jeune à se lancer en politique?
L’artiste de 34 ans, originaire de Prévost avoue candidement se lancer en politique par idéalisme et conviction. «J’ai milité pour le Parti Québécois pendant longtemps, raconte Vincent Lemay-Thivierge. Le PQ s’est approprié l’idéal d’indépendance alors que cela appartient à tous les Québécois. Là ça fait deux référendums qui passent et je pense maintenant que le PQ n’est plus le bon »véhicule » pour nous conduire vers l’indépendance.»
Le jeune musicien dit s’appuyer sur sa conscience citoyenne, son expérience politique – certes embryonnaire comme il le reconnaît lui-même – et sur sa connaissances des enjeux, pour proposer sa candidature. «J’aime les gens, c’est ma motivation première, poursuit-il. Je ame lance en politique pour redonner de la crédibilité au système parlementaire. Les gens veulent s’impliquer mais n’ont pas l’impression que les politiciens comprennent leurs besoins.»
Et pourquoi Québec Solidaire? «C’est le parti qui me rejoint le plus au niveau des valeurs environnementale, sociale et économique.»
Parlant d’environnement, on se souviendra de sa sortie contre le projet d’exploration minière à Saint-Hippolyte où il demeure. «Au Québec, on est rendu qu’on se fait piller nos ressources naturelles, avec peu en retour, dénonce-t-il. Les profits vont à des compagnies étrangères, on se fait exploiter et notre indépendance financière est mise en danger!»
Nationaliser nos ressources naturelles
Plusieurs lectures et rencontres ont forgé la pensée de Vincent Lemay-Thivierge, en plus de l’exemple de ses parents. «Parmi les lectures qui m’ont marqué, il y a Contes et Comptes, tome IV, de Léo-Paul Lauzon, ainsi que La reconquête du Québec, Esdras Minville et le modèle gaspésien, de Roméo Bouchard, confie le sociodémocrate. Déjà dans les années 1920, Esdras Minville parlait du pillage de nos ressources naturelles et préconisait une prise de contrôle, comme on l’a fait en développant l’hydroélectricité.» Selon lui, l’indépendance d’un peuple transcende le débat politique; elle passe également par son indépendance énergétique et l’exploitation de ses ressources: «Le gouvernement devrait se réapproprier les grands secteurs de notre économie en devenant actionnaire majoritaire.» Et cette reprise en main de l’économie par le peuple québécois devrait toucher tous les secteurs, y compris celui de la santé. «Le lobby des grandes compagnies pharmaceutiques a un impact direct sur l’augmentation des dépenses de santé. Même si ce lobby est extrêmement puissant, il y a certainement moyen de prendre des arrangements», conclut-il.
Les jeunes en politique
Y a-t-il une relève au Québec?
La classe politique vit une crise actuellement. Une crise de confiance, une crise structurelle, une crise de valeurs même. Avec les scandales qui ont frappé le monde municipal depuis quelques années maintenant, on peut se demander ce qui motive la nouvelle génération à se lancer en politique.
Thomas Gallenne
À 41 ans, Tim Watchorn est le plus jeune maire de la MRC des Pays-d’en Haut. Quelle a été la motivation pour ce jeune ingénieur, père de famille ayant consacré déjà beaucoup de temps et d’énergie à sa communauté, d’accepter le poste de maire de Morin-Heights? «Ma famille a toujours été très impliquée dans la communauté, raconte celui dont le grand-père a été maire durant près de 20 ans. J’entendais souvent parler politique autour de la table. De plus, j’ai toujours œuvré dans le monde municipal, à Saint-Sauveur puis à Sainte-Adèle.»
De son côté, Linda Fortier, 46 ans, mairesse de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson dit avoir eu la piqûre de la politique en 2003. «Je me suis présentée à la commission scolaire des Laurentides (CSL) car j’étais très impliquée en tant que bénévole à l’école primaire de mon enfant, raconte-t-elle. J’étais dans une période de réflexion par rapport à ma carrière.» L’humanitaire lui avait également traversé l’esprit après avoir vécu quelque temps en Afrique. «Avant d’accepter le poste de commissaire, j’ai discuté avec une collègue, ancienne missionnaire au Pérou. Elle m’a expliqué que je n’avais pas besoin d’aller à l’étranger pour m’accomplir pleinement dans ma volonté d’aider les autres. Je pouvais le faire dans mon milieu. C’est pour ça que je suis rendue là.»
Ni gloire, ni fortune
Selon Tim Watchorn, deux facteurs pourraient expliquer la désertion des jeunes en politique municipale. «Les salaires sont trop bas pour que ce soit une job à plein temps, pense-t-il. De plus, j’observe un certain cynisme dans la population, particulièrement chez les jeunes. Ils pensent être impuissants à faire changer les choses. On rencontre des jeunes lors d’activités ponctuelles, mais pour des réunions de comité, pour la gestion quotidienne de la communauté, ce surtout des aînés qui s’impliquent.» Il note également un taux d’abstention beaucoup plus important chez les jeunes lors d’élections.
Linda Fortier ajoute que le mépris et la critique envers les élus locaux dissuadent les jeunes à vouloir entrer en politique.
Le préfet de la MRC des Pays-d’en-Haut, Charles Garnier abonde dans le même sens et admet qu’il est difficile de motiver les jeunes à s’engager en politique. Le sujet était d’ailleurs à l’ordre du jour du 70e congrès de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), à la fin septembre. «Les élus essaient de mettre en place un système de parrainage pour intéresser les jeunes, mais avec tout ce qui se passe dans le monde municipal, c’est difficile d’aller les chercher», reconnaît le préfet. Il ajoute que les élus locaux ont suivi des cours d’éthiques récemment. «Une grosse brique avec des chinoiseries dedans!, poursuit M. Garnier. Il y a même une blague qui circule: il suffit de donner la brique à un jeune qui voudrait faire de la politique pour qu’il s’enfuit en courant.»
Mais Linda Fortier demeure optimiste. Celle qui se qualifie elle-même de «femme de coeur», dit vivre une véritable passion dans son engagement envers sa communauté: «Ce qui m’allume, c’est quand on peut aider les citoyens. On vit ça comme des petites réussites».
Mais cet altruisme, cet engagement envers la communauté n’ont-il pas un prix? «Effectivement, entre la famille, le travail, et les différentes réunions de comités, de conseils, etc., ça prend beaucoup d’énergie, concède Charles Garnier. Je pense qu’on fait ça par conviction, par passion.» Tim Watchorn reconnaît qu’il réussit à mener de front ses obligations municipales, communautaires, professionnelles et familiales grâce au grand support de sa femme.
«Je travaille à temps double», avance pour sa part Linda Fortier, reconnaissant aussi que sa situation financière et familiale le lui permet. Toutefois, cette
implication n’empiète-t-elle pas trop sur la vie privée? «Il est certain que mes obligations publiques sont très prenantes, admet la jeune mairesse. C’est pourquoi il faut parfois s’obliger à trouver le juste équilibre dans notre vie. On n’en sera que plus efficace.»