Linda Fortier, mairesse de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson
Par Thomas Gallenne
Un Perrier avec…
Un Perrier avec Thomas… Un rendez-vous mensuel. Une rencontre avec une personnalité de la région, pour une discussion à bâtons rompus, sur l’air du temps, pour refaire le monde, le temps d’une rencontre.
TG: Linda Fortier, vous vous considérez de quelle génération?
LF: Je m’inclue dans la génération «sandwich». À 46 ans, ma seule famille, c’est ma mère de 71 ans et ma fille de 20 ans. Bien qu’elle soit encore en forme, ma mère est vieillissante. Et ma fille de 20 ans est relativement autonome mais a encore besoin de moi. En étant fille unique, cette responsabilité repose sur mes seules épaules. Avec une vie très active, exigeante au niveau de mes fonctions, où tu veux faire aussi de la place à tes amis, je vis un certain déchirement. Tu essaies d’avoir un certain contrôle sur ton agenda et tu te dis que tu n’y arriveras jamais! Et le plus attristant c’est que je vis constamment un sentiment de culpabilité car tu manques de temps pour tes amis, ta famille.
Comme la majorité des femmes, on fait trois millions de choses et on essaie d’être parfaites en tout et on n’y arrive pas.
TG: Pourquoi vouloir être parfaite? Est-ce une caractéristique plus féminine?
LF: Je pense que c’est dans nos gènes. En plus de travailler, les femmes assument en bonne partie l’éducation des enfants, bien que les nouvelles générations de pères s’impliquent de plus en plus. Les femmes ont la responsabilité de l’éducation, des tâches ménagères. La femme a toujours ce sentiment de responsabilité, de vouloir être la meilleure mère, la meilleure épouse, la meilleure amie, la meilleure employée, la meilleure boss.
TG: En parlant de pression, dans le dernier documentaire de Hugo Latulippe, République, un abécédaire populaire, l’anthropologue Serge Bouchard avance que le cerveau de l’Homme moderne, qui n’a pas évolué depuis l’Homme de Cro-Magnon, ne serait pas apte à gérer la vitesse et le volume d’information engendrés par les nouvelles technologies de l’information.
LF: C’est tellement vrai sur les conséquences. On n’a qu’à voir les effets sur nos états de santé – tout le monde a des bobos – sur le taux de séparation, de divorce car les gens sont à bout de souffle, car on vit tous à un rythme effréné. Le premier mot que ma fille a appris c’est « grouille! » On met beaucoup de pression sur nos enfants, très tôt. On vit à une telle cadence qu’on finit par ne plus avoir de patience. Et on est dans une société de « consommé-jeté » qui affecte nos relations interpersonnelles, particulièrement dans nos relations de couple. Ça marche plus? Bien. Go! Next! Je ne sais pas si on est vraiment mieux en 2011 qu’on pouvait l’être en 1940. L’émancipation de la femme a fait qu’on est dix fois plus occupée, surchargée de travail car on continue de faire les tâches que faisaient nos grand-mères, avec des jobs à plein temps. On est épuisée. À force de courir, on passe à côté du bonheur, alors qu’il se trouve souvent dans les toutes petites choses. Il faut juste se donner le temps. Moi chaque matin, si c’est pas nuageux, je vais regarder le lever du soleil et je l’apprécie car la vie ça file comme ça. Un ami est décédé récemment du cancer. Je suis allée le voir avant qu’il soit transféré aux soins palliatifs. La sérénité de cet homme, la façon dont il m’a parlé, c’est lui qui m’a fait du bien. Les personnes en fin de vie tiennent un discours tellement serein, tellement juste, qu’ils nous calment, nous réconfortent. En prenant le temps d’aller le voir, je me suis fait un cadeau. La vie est belle et on n’en profite pas.
TG: Selon vous, quelle est la meilleure qualité d’un politicien?
LF: En partant, je pense qu’il faut aimer les gens, s’intéresser à eux. La plus belle qualité, outre le fait de savoir communiquer, est de savoir écouter. Quelquefois, il est plus important de se taire et d’écouter que de tenter de convaincre les gens. Souvent si tu prends le temps d’écouter la personne qui te pose une question, laisse-la s’exprimer, elle va t’apporter la réponse. Les personnes veulent juste que tu les écoutes. Il faut juste être patient et prendre le temps…
… Et ma job de mairesse, c’est de prendre des décisions. C’est pas évident car souvent ça déplaît, mais je fais pas ça pour plaire aux gens. Je vais m’assurer qu’à plus ou moins long terme, ils vont comprendre que c’était pour leur bien. Et je le fais surtout pas pour me faire réélire. Et le jour où tous les politiciens auront la même attitude que moi, qui est de mener à terme leur mandat et d’agir sans penser aux votes, maudit que la politique va changer.