FEMME DU MOIS –
Par Martine Laval
Prendre soin des gens différents est le moteur de sa vie
Résiliente au plus haut point, le chemin douloureux parcouru par Louise Tremblay s’est transformé en une vie emplie d’amour, d’aide et de partage. Dès les premiers instants de vie, l’existence de la petite Louise est souffrante. Mise en adoption, son tout petit cœur connaît déjà la détresse de l’abandon et le besoin incommensurable de tendresse et d’amour. Bien qu’ayant trouvé «parents preneurs», Louise vit une douleur profonde insurmontable pour laquelle la seule solution pour elle sera de se faire violence pour tenter d’étouffer ce qu’elle ressent.
Alors que ni son cœur ni son corps ne trouvent place en ce monde, elle gardera toutefois un souvenir impérissable de ses années d’études durant lesquelles, pensionnaire, elle s’est sentie aimée et soutenue par la communauté religieuse. Elle trouvera sa bouée de sauvetage dans le dessin et la peinture et fera ses Beaux-Arts à l’Université Concordia. Son talent est indéniable, et ses aquarelles magnifiques.
Au travers d’une vie intérieure tourmentée et d’épreuves de vie qui auraient pu faire en sorte que Louise veuille en finir avec cette existence insupportable, elle s’accrochera à la vie en offrant ses services aux personnes handicapées intellectuellement. Celle qui rêvait de devenir missionnaire s’implique tôt et donne au suivant de façon tout à fait naturelle. Elle suivra des formations, travaillera dans le milieu de l’entraide et du soutien familial, apprendra à faire le nécessaire auprès de ces gens différents, comme une vraie professionnelle. Pour elle, ça passe par le cœur… et de l’amour, Louise en a à revendre.
Elle travaillera dans le monde de l’édition, du graphisme, du cinéma et de la télévision. Elle continuera son dessin, son aquarelle, son théâtre et trouvera le temps de partager son savoir autour d’elle. Elle exposera même ses œuvres. Puis le monde de la bande dessinée s’ouvre à elle. (C’est d’ailleurs lors du 1er Festival BD de Prévost que j’ai rencontré cette femme exceptionnelle.) «La BD est une passion qui rejoint mon imaginaire. Elle me permet de rêver dans ce monde qui pour moi n’a pas toujours été rose». Elle déploiera les efforts nécessaires pour faire connaître les bédéistes québécois à l’étranger en participant à l’organisation des festivals à Québec et à Montréal. Elle donnera des conférences dans le milieu. Sa connaissance de la BD et la collection qu’elle s’est bâtie au fil des ans sont toutes deux impressionnantes. Elle partagera cette passion avec ses trois filles.
Dans ce qu’elle a baptisé L’eau-jour-d’oui (eau pour son amour de l’aquarelle, jour pour un jour à la fois dans le processus de la guérison du cœur, et oui pour la décision qu’elle a prise de dire «oui à la vie»), Louise a fait de sa maison, son havre de paix, lieu d’accueil et de soins pour les personnes « différentes » et leur famille. Elle donne des soins à domicile, propose du répit aux parents d’enfants handicapés intellectuellement ou physiquement, autistes ou atteints de maladies dégénératives incurables ou méconnues, demandant une attention de tous les instants. Son havre de paix devient une oasis de calme et de
réconfort, où les parents peuvent laisser en toute confiance leurs êtres chers demandant une immense énergie et une surveillance constante. Les précieux services que Louise offre, ses soins attentifs, son
attention dénuée de tout jugement devient un
cadeau de la vie précieux pour ces personnes
dévouées qui ont toutefois besoin de respirer un peu pour eux-mêmes. Heureuse dans son travail et sa mission de vie, sa source est comblée. «C’est dans cette voie que je me sens bien. Ça me rend heureuse» exprime celle qui a transposé ses douleurs personnelles en don de soi pour autrui.
Femme admirable, être d’exception sensible,
dévouée et aimante, Louise a trouvé dans son désir d’aider, son ancre à la vie.