Forum Vélo de Montagne Laurentides
Par Thomas Gallenne
Opportunités ou patates chaudes?
Tenu le 13 mars dernier à Saint-Adolphe-d’Howard, le Forum Vélo de Montagne Laurentides a réuni tout près de 100 personnes. Cet événement, organisé en partenariat par la MRC, le CLD des Pays-d’en-Haut et Loisirs Laurentides et animé par Maurice Couture, directeur du créneau d’excellence Tourisme Villégiature 4 Saisons (TV4S), a mis en relief le potentiel cyclable des Laurentides. Mais les enjeux entourant le vélo de montagne ne sont-ils qu’économiques?
Thomas Gallenne
Cette journée avait pour but d’informer et d’outiller les employés municipaux, élus, gestionnaires, administrateurs de groupes de plein air et entrepreneurs touristiques, sur tous les aspects du vélo de montagne: planification des réseaux, aménagement durable des sentiers, aspects juridiques de la planification, gestion des sentiers et la responsabilité, droits de passage, impacts économiques et sociaux.
Des sentiers pour les populations locales ou pour les touristes?
Tous les intervenants, issus de la région ou d’ailleurs, ont reconnu le potentiel des Laurentides pour devenir une destination de vélo de montagne de premier plan à l’échelle régionale, nationale voire internationale. «Le moteur de notre région est l’industrie touristique, a rappelé
François Trudeau, du Comité québécois des sentiers. Mais les régions qui se démarquent en Amérique du nord sont celles qui offrent des activités quatre-saisons.»
Pourtant, au delà de l’attrait touristique et des retombées économiques pouvant en découler, le développement des sentiers ne participe-t-il pas en premier lieu à l’amélioration de la qualité de vie des populations locales? Comme l’illustre M. Trudeau, «Il y a même du monde qui viennent vivre dans les Laurentides pour les sentiers.» Il va plus loin, en avançant que cette activité participe au sentiment d’appartenance des communautés aux territoires: «Quand on fait du vélo de montagne, on se sent intégré à notre milieu, et on est enclin à en prendre soin.»
Opportunités ou secret bien gardé?
Selon le contexte municipal, les élus voient le vélo de montagne comme une opportunité de développement économique et touristique; pour d’autres, la question des droits de passage demeure un écueil à la reconnaissance officielle de sentiers parfois centenaires.
Réjean Gravel, maire de Saint-Adolphe-
d’Howard, voit le vélo de montagne comme une opportunité unique de diversification et de développement économique. «Dans l’ouest de la MRC, on a un terrain de jeu et un environnement exceptionnel, propices à ça, avance le maire Gravel. Le potentiel est énorme.» Après avoir acquis la station de ski Mont-Avalanche, l’administration prévoit finaliser une boucle de six à dix kilomètres autour de la montagne. «Après avoir fait le relevé de nos sentiers existants, il faudra connecter notre réseau de sentiers à Morin-Heights et Wentworth-Nord», ajoute le maire. Ce dernier ne cache pas ses intentions: «On veut devenir le Burke des Laurentides!»
Cette vision, Tim Watchorn, maire de Morin-Heights la partage: «Ce forum a permis aux gens de s’assurer qu’il y a un potentiel de développement économique dans notre région. On a la place pour le faire, on est bien positionné pour en profiter.». Selon lui, l’avantage qu’a sa municipalité est de posséder du terrain pour développer ce genre de sentiers. «On a acquis 33 acres au mont Bellevue et on souhaite se connecter aux 100 acres qui appartiennent à MSSI», précise le maire. D’ici cet été, la municipalité proposera une première boucle de 3,5 kilomètres de sentiers de vélo de montagne accessibles aux familles. «D’ici cinq ans, on souhaite développer un réseau d’environ 25 à 30 kilomètres», ajoute-t-il.
À Sainte-Adèle, on n’est pas en reste. Nadine Brière est conseillère municipale, et présidente de la commission de la famille et plein air à la Ville. «Suite au forum, j’ai contacté l’organisme Plein Air Sainte-Adèle pour les rencontrer, explique-t-elle. La Ville souhaite se doter d’un plan de développement autour d’une vision pour le vélo de montagne. Cependant, on privilégie la qualité plutôt que la quantité. Actuellement, on reconnaît la pratique sur le domaine du Ski Chantecler, où il y a plusieurs pistes avec différents niveaux de difficulté.» La conseillère ajoute que la Ville souhaite à moyen terme bonifier l’entente avec Ski Chantecler pour offrir des services connexes aux cyclistes, et poursuivre les discussions avec les propriétaires terriens: «La question des droits de passage est un frein au développement des sentiers, c’est la réalité des Laurentides, reconnaît l’élue. Et on a un travail de communication à faire auprès des propriétaires.»
La conseillère municipale Monique Monette-Laroche et la directrice des Loisirs Stéphanie Lauzon de la municipalité de Sainte-Anne-des-Lacs ont beaucoup apprécié leur journée. Cependant la question des sentiers de plein air demeure délicate. «On va chercher des parties de terrain qui assurent la continuité du réseau, grâce à la contribution aux fins de parcs, explique Mme Lauzon. On travaille en équipe avec le service d’urbanisme et le Club de plein air.» Et celle des ententes de droits de passage semble au point mort. «Il faudrait identifier tous les terrains où passent des sentiers, et contacter chaque propriétaire avant de leur envoyer une lettre d’entente, explique la conseillère. Mais nos employés ont d’autres priorités comme la finalisation du plan d’urbanisme.»
À Saint-Sauveur, l’administration ne souhaite pas voir son territoire devenir une attraction touristique de vélo de montagne. «On a rencontré les grands propriétaires terriens, tels que ceux du Mont-Habitant ou encore du camp Kanawana, il y a environ un an, raconte le directeur général de la Ville, Jean Beaulieu. Ces derniers ne souhaitent pas que les sentiers deviennent un enjeu économique.» Malgré tout, la Ville possède un relevé GPS de tous les sentiers existants sur son territoire. «Ainsi, dans le futur, lors de projets de lotissements, avant de prendre un terrain pour fins de parc, on veut s’assurer qu’il connecte au réseau existant.» Le maire Michel Lagacé tient à préciser sa position: «Je suis ouvert à la pratique du vélo de montagne, en autant qu’elle se fait aux bons endroits et de manière civilisée.» Il abonde dans les propos de son DG. «Il y a une tolérance de la pratique d’activités de plein air faite localement, été comme hiver. Mais les propriétaires des terrains sur lesquels les sentiers passent ne sont pas intéressés à ce qu’on publicise les sentiers et que cela attire plus de monde.»
Forum Vélo de montagne Laurentides
Les prochaines étapes
D’après les intervenants du Forum vélo de montagne Laurentides, tenu le 13 avril dernier, le potentiel de développement de réseaux de sentiers de vélo de montagne dans les Laurentides est très important. Quelles seraient les prochaines étapes pour faire des Laurentides, une destination vélo de montagne de premier choix?
«Les étapes que l’on suit actuellement dans la région sont tout à fait normales», tient à préciser François Trudeau, du Comité québécois des sentiers. Et ce spécialiste en marketing sait de quoi il parle, pour avoir sillonné les sentiers de vélo de montagne parmi les plus prestigieux d’Amérique du nord. Selon lui
, le processus de la «légalisation» des sentiers prend une dizaine d’années.
Travailler ensemble
Une fois que ce potentiel est reconnu, la collaboration entre les différents partenaires (politiques, économiques, spécialistes du milieu cycliste) est «inévitable et nécessaire» selon les dires de M. Trudeau.
Avoir une masse critique
L’objectif à atteindre est d’avoir une variété de réseaux de sentiers officiels dans différents secteurs des Laurentides. «Chaque réseau devrait offrir différents niveaux d’habiletés, s’étendant sur 12 à 25 km minimum», poursuit le spécialiste.
Pour l’atteindre, il faut commencer par un inventaire des réseaux locaux et inter-municipaux officiels et officieux, par les MRC. Cette étape a été effectuée pour l’essentiel, dans les Pays-d’en-Haut.
Suite à ça, il est nécessaire d’identifier et de prioriser des sentiers dont l’utilisation quatre-saisons réelle et potentielle est élevée. Également, de nouveaux projets intégrés de sentiers spécifiques au vélo, incluant des vocations 4 saisons, dans tous les secteurs de la région, devraient être prévus.
Respect de l’environnement
«Cette dimension est centrale dans ce genre de projet, rappelle François Trudeau. Cela implique des études d’impact réelles et implique l’utilisation des techniques de construction et de réfection de sentiers durables, selon les normes IMBA (International Mountain Biking Association).»
Une gouvernance proactive
Pour le spécialiste, l’harmonisation des politiques d’acquisition aux fins de parc est nécessaire, en ciblant en priorité les sentiers pertinents lors de projets de lotissements. «Des études démontrent que l’intégration de réseaux de sentiers dans des projets de développement immobilier ajoute de la valeur immobilière, ajoute François Trudeau. On a un bel exemple dans le secteur des Blue Hills à Morin-Heights où des sentiers pérennisés ont été intégrés au projet de développement.»
Un autre aspect de l’officialisation des sentiers passe par la négociation et l’établissement de droits de passage légaux sur les sentiers existants. «Cette négociation devrait être entreprise par les municipalités et/ou les MRC avec les propriétaires de terrains privés, poursuit M. Trudeau. Des mesures incitatives telles que des crédits de taxes ou d’autres avantages fiscaux pourraient être consentis aux propriétaires de terrains privés où passent des sentiers.» Cette prise en charge légale des sentiers offrirait une protection aux propriétaires privés via l’assurance des municipalités ou des MRC.
Une fois officialisé, un réseau est publicisé via des supports papiers ou virtuels.
Tout au long de ce processus, la collaboration de toutes les parties prenantes (cyclistes, pouvoirs locaux, secteur économique, et bien sûr propriétaires terriens) est essentielle.
«Au delà du sport, le vélo de montagne s’inscrit naturellement dans l’identité, dans la culture des Laurentides», conclut François Trudeau.