Lac Rond de Sainte-Adèle
Un projet immobilier d’envergure sème l’inquiétude
Un vaste projet immobilier pourrait menacer la santé du lac Rond et un paysage de carte postale légendaire. Une séance d’information tenue lundi suscite pour le moment plus de questions que de réponses.
Selon l’Institut de la statistique du Québec, les Laurentides compteront 600 000 âmes en 2016, une augmentation de 20% par rapport à 2006. Cette croissance se traduit par un développement immobilier galopant, qui commande une réflexion en terme de vision d’avenir et surtout, de protection du territoire.
Car le paysage a été malmené ces dernières années et les histoires d’horreur se sont succédées: fermeture sauvage des pistes du parc Dufresne par un promoteur immobilier, longue lutte pour aboutir à la création d’un parc protégeant le massif des Falaises et guerre ouverte contre les antennes de transmission cellulaire qui hérissent nos plus beaux sommets, sans parler du gâchis de la saga de la maison Lupien à Sainte-Adèle.
Heureusement, il semble que l’initiative Les Laurentides dont je rêve, lancée par le journal Accès en 2009, fait des petits. Visiblement, des groupes de citoyens n’hésitent plus à faire entendre leur voix. Ce fut le cas lorsqu’on a voulu implanter un Canadian Tire à Saint-Sauveur, et depuis quelques jours, on s’inquiète ouvertement d’un projet immobilier qui pourrait changer le visage de Sainte-Adèle.
Une menace pour le lac Rond?
Car l’annonce de ce projet de condos, entre une zone protégée (voir autre texte) et le complexe hôtelier du Chantecler, suscite de l’inquiétude. Jusqu’à 1200 unités de logement pourraient voir le jour sur une superficie de 200 hectares, du mont Loup-Garou jusqu’au lac Rond, à l’emplacement de la montagne 1, juste à côté du Chantecler. Un enlaidissement probable du panorama et une menace pour le lac Rond.
«C’est un lac très fragile, explique Louise
Lemyre de l’AELSA (Action Environnement lac Sainte-Adèle). Il est exposé au bassin versant qui transporte déjà beaucoup d’engrais, de sédiments, d’eaux usées venant du stationnement du Chantecler. S’il y a une densification de la circulation dans la montagne, les abrasifs, le sel et le sable vont se retrouver directement dans le lac. Nous ne sommes pas opposés au projet, mais il faut respecter le capital récréo-touristique du lac et surtout, protéger l’environnement dans un esprit de développement durable».
Le danger immédiat, c’est que la municipalité procède à des changements de zonage sans consulter la population. À l’occasion d’une rencontre survenue en fin de journée le lundi 29 octobre, le propriétaire du Chantecler Jacques Goupil et des représentants de la firme Dessau ont présenté des croquis du projet et se sont engagés à faire une présentation publique le 7 novembre. Le directeur-général de la ville de Sainte-Adèle, Pierre Dionne, a alors affirmé qu’il espérait que le projet soit inclus dans l’adoption d’un plan d’urbanisme dès la prochaine séance ordinaire du Conseil, le 19 novembre.
Le maire de Sainte-Adèle, Réjean Charbonneau, a quant à lui indiqué que la tenue d’une séance d’informations sera annoncée d’ici vendredi. Elle devrait donc avoir lieu dans la semaine du 12 novembre, un délai fort court pour permettre aux citoyens de prendre connaissance du dossier et de donner leur avis: «Nous avons un projet assez concluant et évident, on aura pas besoin de consulter longtemps. Après avoir pris le pouls de la population, le conseil va se brancher». Quant aux impacts environnementaux, le maire rappelle qu’il existe des procédures. «C’est automatique avec le ministère de l’Environnement. Le projet ne commencera pas avant l’été ou l’automne 2013», conclut-il.
À quand un plan de développement durable?
En fait, la question de fond, c’est l’absence de plan de développement durable. L’AELSA demande une consultation publique. «Il faut éviter les erreurs irréversibles et ne connaît pas encore les intentions réelles du Chantecler» affirme Mme Lemyre.
Tout en précisant que la SPFSA entretient de bonnes relations avec la ville de Sainte-Adèle et la Chambre de commerce, Louis Vadeboncoeur, président-sortant de la SPFSA, abonde dans le même sens: «Il est possible de développer sans hypothéquer les générations futures, soutient-il. Il faut une vision de développement durable, non seulement pour Sainte-Adèle, mais pour toute la MRC. Une réserve naturelle, c’est aussi un moteur économique. La promotion des Laurentides passe par l’accès à la nature».
Conseiller municipal sur le comité d’urbanisme et siégeant au conseil d’administration de la SPFSA, Pierre Morabito déclare qu’«il y a consensus au comité consultatif en environnement, mais une véritable consultation entraînerait des coûts importants et prendrait de 10 à 12 mois. Comme nous serons en élection à l’automne 2013, nous ne voudrions pas que l’on nous accuse de se servir l’argent municipal pour mousser notre réélection. Mais ce sera une démarche importante à faire en début de mandat pour l’équipe qui sera élue en novembre 2013».
Une solution serait de jumeler le flanc du mont Chantecler donnant sur le lac à la Réserve naturelle existante: «Cela protégerait à perpétuité le lac Rond, le paysage et le capital touristique, croit Louise Lemyre. De plus, le Chantecler aurait droit à un reçu d’impôt en faisant don d’une partie de ses terrains».