Fermez-les!
Il y a des usages et des coutumes qui diffèrent selon les pays, j’enfoncerais une porte ouverte en le disant! Par contre, ce que je ne pourrai pas enfoncer, ce sont les volets, car ici au Québec il n’y a pas de volets sur les maisons ou autres constructions, et c’est bien là où je veux en venir.
Voici encore une habitude qui m’a beaucoup étonné. La maison, envisagée depuis la nuit des temps comme une protection, un refuge où l’on entrait pour se protéger, cette niche familiale où l’on venait rechercher intimité, vie privée et chaleur, a toujours eu des petites ouvertures, que l’on masquait le soir venu pour éviter que la chaleur ne s’en aille vers l’extérieur. Par la même occasion, on pouvait se préserver plus solidement des dangers et des invasions par effraction, tant le volet était un obstacle infranchissable. Il y a eu des volets sur les maisons des ancêtres ici au Québec, et petit à petit, influence américaine peut-être, depuis le début ou la moitié du XIXe ceux-ci ont disparu. La technologie a évolué sur deux fronts, de meilleurs systèmes de chauffage, d’une part. Et les procédés de fabrication de grandes vitres ont rendu sinon inutiles, du moins superflus les volets, d’autre part. Mais cela fait plus d’une génération que tous les pays occidentaux ont été sensibilisés aux problèmes des économies d’énergie, ainsi qu’à ceux des effractions et invasions de domiciles. Et bizarrement, depuis, rien n’a bougé. Toutefois, en regardant certaines maisons ici dans les Laurentides, on voit très souvent des réminiscences de volets. En effet, bien des maisons d’apparence rustique ont des ersatz de volets, des espèces de fausses persiennes dont on voit bien que si on les déployait, elles ne couvriraient même pas la moitié de la baie vitrée. Ce serait comme un organe devenu inutile, et qui se serait atrophié avec le temps. En général ces faux volets marchent avec des maisons très soignées, fleuries, décorées de manière un peu passéiste, et s’accommoderaient bien d’une paire de nains de jardins en plâtre sur la pelouse. Du point de vue des économies d’énergie, nous avons eu l’occasion de mentionner qu’une maison équipée de volets présentait un bilan thermique bonifié d’une vingtaine de pour cent. Ceci est considérable, surtout quand on sait que le prix de ces volets pourrait être amortis en moins de cinq ans. De plus, la grande standardisation des baies, fenêtres et ouvertures au Québec et en Amérique du Nord, permettrait une adaptation très aisée sur les maisons existantes, rendant l’avantage économique encore plus intéressant, pour ne pas dire phénoménal du point de vue de la collectivité. Rappelons qu’une baie vitrée bénéficiant d’un double vitrage laisse s’échapper quatre fois plus de calories qu’un mur normalement isolé. Avec cette habitude architecturale légitime d’avoir beaucoup de lumière, le phénomène s’aggrave, en toute logique.
Également, une bonne conception de ces dispositifs pourra améliorer le confort aussi bien hivernal qu’estival en permettant de jouer sur l’ensoleillement, juste en montant ou descendant le volet, s’il s’agit de volets roulants. En fait, les volets, qu’on appelle aussi fermetures sont le complément logique d’une maison normale, complément qui a disparu pour des raisons obscures, et que nous serions bien avisés de faire revenir dans la conception de nos maisons. En plus de l’aspect thermique, nous pourrions éventuellement demander aux assurances de diminuer les primes pour effraction ou invasion de domicile, celles-ci étant rendues plus compliquées. Enfin, ajoutons que la robotisation et la domotique ont fait de tels progrès que nous pourrions directement passer aux volets du XXIe siècle, en oubliant les volets grinçants de nos campagnes européennes, pour passer directement aux volets roulants électriques, dont le maniement répond désormais aux injonctions d’un automatisme parfaitement maîtrisé! Je gage que les volets vont bientôt revenir au pays. Et qu’on pourra alors dire: «Fermez-les!».