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Une affaire d’horizontalité

Par Éric-Olivier Dallard

Quand la platitude d’une campagne électorale (Québec), succédant à l’euphorie d’une autre (États-Unis), nous empêche de rêver plus haut, il est parfois bon de, simplement, détourner un peu le regard. De Parler d’autre chose.
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L’humanisme – mot galvaudé s’il en est – est une affaire d’horizontalité.

Bertrand Cantat, le charismatique leader du groupe rock français **Noir Désir** et assassin de l’actrice Marie Trintignant, est sorti de prison il y a plus d’un an. Il vient de mettre sur internet, disponibles gratuitement, deux nouvelles chansons. C’était la semaine dernière, à l’émission C’est bien meilleur le matin – et c’est la meilleure émission matinale qui existe – animée par René Homier-Roy à Radio-Canada. Cantat, appelons-le maintenant Cantat compte-tenu de cette tendance bien médiatique à ne parler des prévenus et des sportifs qu’en utilisant le nom de famille (ce n’est que dans le sport et le judiciaire que l’on retrouve cette pratique contestable), Cantat donc, se posait en humaniste, en grand pourfendeur devant l’Éternel de tous les retors et exploiteurs de la planète. Il le faisait dans les textes des chansons de Noir Désir, dans ses prises de position… Il était un humaniste en public. On sait maintenant de quel bois il était fait en privé (il protégeait d’ailleurs jalousement sa vie privée, ce qui prend aujourd’hui une nouvelle résonance). L’humanisme est une affaire d’horizontalité, non de verticalité; c’est voir plus loin et non voir plus haut. Il ne faut pas tout mélanger. Par exemple, l’humanisme, ça ne commence pas en faisant bien haut la morale à Fidel Castro. Ça commence quand un touriste perçoit cette indicible tristesse dans la joie, la chaleur et l’exubérance des accords, même majeurs, des musiciens de La Havane et dans les couleurs éclatantes dont les peintres cubains couvrent leurs toiles. Voir cela, le percevoir, c’est aller au-delà. C’est déjà beaucoup plus qu’une diatribe facile et démagogue contre le pouvoir en place et ses abus.

S’époumoner sur toutes les tribunes ne vaut pas un clou sinon. Si «l’inhumanité, c’est se placer au-dessus», comme le déclarait l’écrivain Philippe Sollers sur le plateau d’une émission littéraire française, l’humanisme c’est voir au-delà. Cantat, il ne voyait pas au-delà, du moins dans sa sphère privée. Le tyran dénonçant les tyrans. La belle affaire! Dans un roman remarquable, L’Analyste (traduit d’une façon tout aussi remarquable), le journaliste David Homel dresse, à travers la relation d’un thérapeute et sa patiente à Belgrade, un portrait de ce qu’est la guerre civile, il en décortique les moteurs, il la psychanalyse. Cette phrase, dans ce roman: «À l’exemple d’autres spécialistes avant elle, elle comprit d’instinct la fascination qu’exerce secrètement la torture sur ceux qui se sont donnés pour tâche de l’éradiquer.» Sans doute la prise de position publique la plus célèbre de Cantat fut cette apostrophe qu’il avait lancée, aux Victoires de la musique, à l’homme d’affaires Jean-Marie Messier, le mégalomaniaque: «Si l’on est sur la même planète, on n’est certainement pas du même monde»… Cette apostrophe, aujourd’hui J2M pourrait la lui retourner avec fierté.
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Toujours dans ce livre de David Homel, cette remarque: «Plus la situation d’un pays est déplorable, plus il est difficile d’y entrer». La situation des États-Unis est peut-être maintenant prête à s’améliorer.

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