50 ans d’histoire : la Caisse Desjardins de la Vallée de Saint-Sauveur

Par Cedric Leblanc

Tout débuta en 1913, alors que le curé Desjardins administre la première caisse au presbytère, mais après son départ, personne ne prend la relève, aucun bénévole ne se propose, puisque les débuts des Caisses Desjardins reposaient sur le bénévolat et la coopération cela n’obtint pas de succès dans l’immédiat.

Ce ne sera qu’en 1958, que la Caisse de Saint-Sauveur-des-Monts, débutera officiellement ses activités, on le doit à la grandeur d’âme du premier gérant fondateur, monsieur Ludovic J. Grondin, qui oeuvra bénévolement de 1958 à 1962, et qui, même affligé d’une maladie implacable, dont il souffrait la dernière année, se présenta quotidiennement à la caisse pour y travailler.

La caisse avait ouvert ses portes sur le site de la maison de mademoiselle Constantineau, institutrice de 1908-1909, à cette époque il était spécifié dans les contrats d’engagement des institutrices, qu’elles devaient être célibataires… afin de pourvoir être disponibles, mais voilà, Mlle Constantineau devint madame Chartier et Adélard son époux, construisit sa maison tout en reculant la maison et la dépendance de son épouse. C’est dans le salon de monsieur Chartier qu’il loua à la caisse, pour 1$ par mois, que débuta la première caisse. En 1961, les dirigeants de la Caisse décident d’acheter la maison qu’ils agrandissent et rénovent tout en louant deux locaux, un à un agent d’assurances et l’autre à un dentiste… En 1964, l’on procédera à des travaux d’agrandissement tandis que la Caisse déménagera temporairement au sous-sol de l’église. La Caisse continue sa progression alors quelle atteint son premier million en 1971, son cinquième en 1978 et son dixième en 1982, aujourd’hui la Caisse à un volume d’affaires de plus de 450 millions. Survint le 10 no-vembre 1989, alors qu’un incendie éclate lors de rénovations. Tout l’édifice fut détruit, mais le coffre-fort et la voûte résistèrent, et l’actif fut totalement préservé.

La Caisse continuera ses activités dans des locaux temporaires au Carrefour des Trois Villages et l’on déménagera à nouveau dans les locaux reconstruits,toujours au même endroit, le 23 février 1991.

De nos jours la caisse présente une architecture en harmonie avec la modernité tout en respectant le contexte patrimonial des maisons anciennes de Saint-Sauveur. Ce qui est intéressant de noter dans l’histoire de la caisse c’est quelle débuta dans un petit salon, avec des employés bénévoles, et qu’aujourd’hui elle emploie plus de quarante personnes, mais n’a rien perdu de son esprit de coopération qui lui a donné naissance.

De Lévis, au Nunavik

Le 6 décembre 1900, Alphonse Desjardins et quelques concitoyens sympathiques à ses idées coopératives, fondent la Caisse populaire de Lévis.

Elle commence ses opérations le 23 janvier 1901, avec le dépôt d’une pièce de dix cents, pour terminer la journée avec un actif de $26.40. Cette idée de coopérative, géniale et visionnaire, allait devenir le Mouvement Desjardins avec de nos jours plus de 1400 sociétés d’épargne et de crédit et un actif de près de 80 milliards. Alphonse Desjardins et ses employés n’ont pas toujours eu la considération qu’ils méritaient, ils étaient vus comme des énergumènes, des rêveurs, des socialistes et même des individus dangereux. Mais comment ce diable de Desjardins a-t-il réussi à transformer cette méfiance et cette ignorance de si belle façon ? Rien ne laissait deviner dans le vécu d’Alphonse Desjardins, qu’il allait un jour donner naissance à un concept de coopération si fort qu’il peut à juste titre être considéré comme un des catalyseurs de la future révolution tranquille. Alphonse Desjardins après des études commerciales et un pan de cours classique laissé en plan, probablement par manque d’argent, débuta son entrée dans le monde du travail comme militaire alors qu’on le retrouve à la Rivière-Rouge en 1870 pour y contrer l’invasion des irlandais (fenians) au Canada. Peu fait pour le militaire, il se joint comme correspondant journalistique à L’Écho de Lévis. Plus tard il lancera son propre journal L’Union canadienne, il y défend les idées du parti Conservateur fédéral, mais le journal n’aura pas une longue carrière. Alphonse Desjardins est toutefois actif au sein de nombreux organismes à vocation culturelle et économique notamment les sociétés d‘entraide et de secours mutuels, il est fasciné par leurs actions et constitue des dossiers sur divers problèmes sociologiques. Son implication politique lui vaut un poste de sténographe français à la Chambre des communes et c’est à cet endroit, alors qu’il écoute et retranscrit les débats parlementaires, qu’un tournant décisif dans sa vie survint, alors qu‘il assiste au débat sur la loi pour contrer les pratiques usuraires dont étaient victimes les petits emprunteurs qui n‘avaient pas accès au crédit accordé par les banques il trouve sa vocation. Alphonse Desjardins est un homme qui lit beaucoup et qui s‘informe, après la lecture du livre de Henry William Wolff, «People‘s banks, a record of social and economic success» il va communiquer avec l‘auteur, pour qu‘il le guide et il obtient ainsi les noms de plusieurs coopérateurs français, belges, italiens et suisses, tous dirigeants de banques populaires ou rurales. Après une étude exhaustive de tous ces concepts il va créer un modèle nouveau pour le Québec tout en s‘inspirant des règles d‘organisation européenne. Alphonse Desjardins parle à tout un chacun de son projet, mais surtout à son curé, et c‘est là qu‘il faut comprendre que Desjardins, homme profondément religieux, tout comme la société québécoise de cette époque, va être à même d‘unir la pensée catholique de la prévoyance, de l’intempérance avec son concept coopératif «Vous êtes l’homme que je cherche». C’est ainsi qu’il s’exprima, à l’abbé Philippe Grondin: «Ce matin, j’ai fait mon premier vendredi du mois, j’ai communié et j’ai demandé au bon Dieu de me faire rencontrer quelqu’ un qui pourrait être, par la plume et par la parole, le propagandiste de l’oeuvre des caisses populaires. Je commence par être absorbé par les caisses déjà fondées, et mon style est assez lourd et laborieux. Aussi pour promouvoir mon oeuvre, me faut-il un homme jeune, qui sache parler aux jeunes et être compris de tous. Vous êtes le premier que je rencontre, c’est le Sacré-Coeur qui vous envoie ; je vous choisis, vous ne pouvez me refuser». On imagine sans peine l’abbé Grondin quelque peu intimidé par le ton ferme et décidé d’Alphonse Desjardins, mais ses paroles étaient aussi porteuses d’idéal, et l’abbé accepta de participer au projet de multiplier les caisses dans toutes les régions rurales, ce qui donna naissance à la publication du «Catéchisme des caisses populaires» petite brochure qui présentait sous la forme de questions et réponses toute l’information nécessaire sur les buts, l’organisation et le fonctionnement des caisses populaires. Entre les années 1911 et 1968, le catéchisme fit l’objet de pas moins de 15 éditions. Alphonse Desjardins multiplie les conférences, répond à un impressionnant courrier, Alphonse Desjardins malgré l’austérité du regard ,dégage toutes les qualités d’un communicateur hors pair et il a surtout une philosophie et une pensée économique claire et cohérente, il avait observé que les classes populaires étaient victimes de la concentration du pouvoir économique et des multiples abus du capitalisme, il associait la coopération à un idéal de démocratisation et de décentralisation économique et par l’entremise des caisses populaires, il espérait favoriser le développement de l’agriculture, enrayer le flux migratoire des ruraux vers les villes américaines et assurer ainsi la grandeur et la prospérité future de la patrie. «En regroupant l’épargne, les caisses permettront la formation d’un capital national grâce auquel les Canadiens français pourront accroître leur influence et leurs intérêts nationaux». Alphonse Desjardins ne voyait pas ses caisses populaires comme de simples entreprises économiques. Non elles devaient avoir une incidence sur l’amélioration matérielle et morale des classes ouvrières et c’est dans cette pensée que le clergé s’associa à ses caisses étant convaincu des bienfaits de l’épargne et du crédit populaire. Si vous voyagez au Québec, l’église n’est jamais bien loin de la caisse Desjardins… toute la pensée sociale d’Alphonse Desjardins peut être résumée dans le slogan publicitaire adoptée près de quatre-vingt ans après sa mort «conjuguer avoirs et être» c’est ainsi que les idées voyagent dans le temps et quelles s’imprègnent dans l’identité collective.
À cet égard, la Caisse populaire Desjardins de la vallée de Saint-Sauveur, qui fête cette année, son 50e anniversaire, véhicule fort bien les idées sociales et coopératives de son fondateur.

Son engagement communautaire, son aide humanitaire, sa contribution à l’éducation, son engagement envers le sentiment religieux et sa contribution aux activités culturelles, sportives et aux loisirs, méritent considération, tandis que la remise monétaire de $860,000 dollars à ses membres, détermine à juste titre son indispensable présence. Mais si les idées sociales d’Alphonse Desjardins ont perduré avec succès elles vont bientôt tenter de prendre racine dans la toundra du Nunavik alors que chacun des 14 villages inuits du Grand Nord du Québec aura bientôt accès aux services du Mou-vement Desjardins. Pour une société qui est passée du nomadisme au sédentarisme et pour qui l’entraide et la coopération ont permis la survie, voilà un prolongement des plus naturels à leur développement. Présen-tement les inuits encaissent leurs chèques et financent l’achat de motoneiges et autres véhicules dans les coopératives de chacun des villages inuits, sortes de magasins généraux, mais ces avances de fonds pèsent lourd sur les liquidités de ces coopératives, et l’inuit une fois qu’il a encaissé ses billets, les gardent sur lui ou à la maison, ce qui lui cause plusieurs problèmes. Desjardins prévoit offrir des services financiers pour les 1100 inuits du Grand Nord dans un avenir rapproché, présentement près de 600 inuits profitent des premiers centres de service. Nul doute que les idées d’Alphonse Desjardins rejoindront l’inuit dans son identité propre et bénéficieront à toute la communauté.

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