Photo : Anna Dupuis Zuckerman
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Comment reconstruire ce qui est perdu?

Par Simon Cordeau

Samedi 17 septembre se tenait une journée d’échange et de réflexion sur le thème : Faut-il reconstruire le centre commercial du Domaine-de-l’Estérel? Le 13 mai dernier, celui-ci avait été démoli, même si sa partie avant était classée immeuble patrimonial.

« On a eu beaucoup de soutien de la population, qui est en faveur de la reconstruction », se réjouit Dr Robert Lavigne, fondateur de la Société d’histoire de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson et d’Estérel (SHSME). Une centaine de personnes ont participé. « Les gens étaient enthousiastes. »

Reconstruire, mais comment?

Dans un communiqué émis le 17 mai, la société Olymbec, propriétaire du terrain, s’engageait à reconstruire le centre commercial du Domaine-de-l’Estérel et à faire la lumière sur la démolition « accidentelle, involontaire et tout à fait déplorable » de sa partie avant.

« Nous affirmons clairement à la communauté que nous souhaitons faire tout ce qui est possible pour réparer au mieux ce qui apparaît irréparable, ce qui inclut la reconstruction du bâtiment patrimonial dans le cadre de notre futur projet de re-développement », avait déclaré Richard Stern, président d’Olymbec.

« Mais ils n’ont pas annoncé quel type de reconstruction ils vont faire », nuance Philippe Lupien, architecte et professeur à l’École de design de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Selon M. Lupien, la nouvelle loi 69 sur la protection du patrimoine, adoptée l’année dernière, est insuffisante. Un propriétaire qui démolit un bien patrimonial s’expose à des pénalités, sans plus. « Dans des projets comme celui-là, on est exposés. D’autres promoteurs ailleurs pourraient faire le calcul que, même si les pénalités sont élevées, ils ressortent gagnants avec la valeur du terrain. Il y a un danger présentement à permettre un précédent. »

C’est pourquoi il est impératif de reconstruire, croit-il. « Les architectes ne construisent pas des bâtiments : ils font des plans. La valeur est dans les plans, comme une composition de musique. Donc on peut les rejouer, comme une symphonie. Et celle-ci reste aussi vraie, qu’elle soit interprétée maintenant ou il y a 200 ans », illustre M. Lupien.

Lors de la journée de réflexion, un comité de reconstruction a été créé, pour « assurer la conformité de la reconstruction ». « On aurait aimé que ce soit le gouvernement qui le fasse. Mais nous, la société civile, on a décidé d’ouvrir la porte à tous les experts qui veulent se joindre à nous pour aider le propriétaire à rebâtir », invite M. Lupien.

Exemples de reconstruction

Les cas de reconstruction patrimoniale sont nombreux dans l’histoire moderne. M. Lupien donne l’exemple récent d’un pub à Londres, démoli par un promoteur pressé. « Le promoteur s’est présenté au bureau des permis, prêt à payer la pénalité. Mais le conseil de Westminster a exigé à la place qu’il reconstruise le pub brique par brique, qu’il refasse les céramiques et les meubles intérieurs, etc. » Ainsi, le pub a rouvert l’année dernière.

Un site archéologique

Selon M. Lupien, la construction du Domaine-de-l’Estérel par le baron Empain à la fin des années 1930 est « héroïque » pour l’époque. « C’était un type de construction très révolutionnaire en Europe, à la fine pointe de ce qu’on faisait au niveau technologique. Et on l’a fait en plein milieu de la forêt, au Québec, avec à peine quelques routes pour s’y rendre. Des bâtiments de cette envergure-là, il n’y en a pas beaucoup. Pas juste à Sainte-Marguerite ou au Québec, mais en Amérique et dans le monde », illustre l’architecte.

À la suite de la démolition en mai, il subsiste encore quelques vestiges, comme les fondations. Mais pour M. Lupien, c’est le tas de débris qui pourrait renfermer le plus de secrets. « Ça devient exactement comme un site archéologique. » L’analyse des débris pourrait nous en apprendre sur les techniques de construction et les matériaux utilisés.

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