J’ai serré la main d’un tueur

Par nathalie-deraspe

On aura tout dit de l’homme et de son péché. Et comme s’il ne lui suffisait pas d’avoir l’air de quelqu’un de parfaitement normal, il a fallu qu’il s’agisse d’un être adulé par ses patients et respecté par ses pairs. L’horreur à la puissance dix.

Je l’ai rencontré en octobre dernier, alors que l’Hôpital régional célébrait la réussite de sa clinique d’insuffisance cardiaque, mise sur pied par nulle autre que Guy Turcotte. Le cardiologue avait joint l’équipe de spécialistes en 2003.

Les patients autrefois habitués de faire l’aller-retour à l’hôpital pour des séjours allant jusqu’à plusieurs semaines, pouvaient désormais compter sur un suivi serré. Cela évitait du coup les complications dues à leur maladie. Depuis son ouverture en janvier 2008, l’hôpital a comptabilisé 40% moins d’hospitalisation. Les séjours ont pu être réduits de moitié.

Ce jour-là, Serge Ouimet et sa femme Nicole ne tarissaient pas d’éloges envers le médecin. M. Ouimet était la preuve vivante qu’il s’agissait d’une excellente initiative. Une véritable affection se dégageait du médecin envers son malade. Guy Turcotte était visiblement fier des résultats obtenus. Le médecin semblait avoir une jovialité toute naturelle. Son regard était réconfortant, sa poignée de main, généreuse. J’ai quitté l’établissement avec le sentiment heureux de savoir que des gens avaient vraiment le cœur au ventre. Vous me direz que c’est normal, pour des cardiologues…
«Je revenais d’un voyage de 4 jours, lance Clément Cardin, maire de Piedmont. Comme à l’accoutumée, je passe par le chemin Baulne et j’aperçois les barrières de sécurité. J’ai tout de suite demandé aux policiers ce qu’il se passait. Je n’ai pas eu le courage de demander de quelle façon les enfants sont décédés. C’était déjà trop de savoir qu’ils avaient été assassinés. Jamais j’aurais pensé qu’une job de maire pourrait aller jusque-là.»

Les policiers de la Régie inter-municipale de police de la Rivière-du-Nord sont intervenus rapidement. Une ambulance est arrivée en renfort presqu’au même moment. L’inquiétude des grands-parents laissaient présager le pire.
«C’était une course contre la montre, raconte le capitaine Aldé Pelletier. Il ne fallait pas que la mère apprenne la nouvelle par le biais de la télévision ou de la radio. On est allé chercher quelqu’un d’autre de la famille, on a planifié les services d’Urgences-Santé et on souhaitait ne pas avoir de questions. Il valait mieux laisser passer un peu de temps.»

Plusieurs des informations qui ont filtré n’ont jamais été validées par les services de police. Comme cette lettre qu’aurait l’assassin. D’abord manuscrite, puis électronique. L’homme démontrait des signes vitaux. Le transfert a été effectué rapidement vers Saint-Jérôme, pendant que des équipes se chargeaient de retracer la mère. La Fraternité des policiers a assuré le suivi psychologique des premiers policiers arrivés sur les lieux. La Régie ne possède aucune politique ou protocole en ce sens, nous dit son président Sylvain Demeule.
Élèves en deuil

L’école Champ-Fleuri a érigé un petit espace à la bibliothèque afin que les amis d’Oliver puissent se recueillir. Dès dimanche, la commission scolaire de la Rivière-du-Nord a fait les démarches nécessaires pour soutenir les enseignants et les parents d’enfants de l’école. «Les enfants arrivent avec ce qu’ils entendent, explique la secrétaire-générale adjointe, Pauline Cousineau-Gagnon. Dès dimanche, on avait des équipes d’intervention déjà réservées pour être sur place rapidement.»

Du côté de l’Hôpital, l’heure est à la consternation. Pour les employés comme pour les bénéficiaires, le fantôme de Guy Turcotte risque de hanter encore longtemps les couloirs de l’établissement. Et aujourd’hui, le Québec entier se pose une seule et même question : comment une chose pareille est-elle possible?

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