Joël Monzée : « Il faut vraiment remettre l’enfant au cœur du processus »

Par Rédaction

Retour à l’école

Docteur en neurosciences, Joël Monzée est aussi le fondateur de l’Institut du développement de l’enfant et de la famille. Du confort de sa résidence située à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, il continue de travailler à distance et supervise certains CPE et certaines écoles qui préparent leur retour. Nous discutons avec lui des impacts de la crise actuelle chez les enfants d’âge primaire ainsi que leur retour à l’école dès cette semaine.

Une question d’environnement

Selon Joël Monzée, le confinement lui-même n’est pas problématique pour les enfants. C’est davantage la manière dont les parents géreront la crise et le stress qui reflétera la manière dont l’enfant vivra la période. « Si l’enfant est bien entouré de la part d’une maman et d’un papa qui sont aimants, le confinement sera une période où l’enfant pourra rester avec ses parents et passer des bons moments. Ce qui sera problématique, c’est de justifier le confinement et la manière dont on parle de la maladie. Si le parent regarde souvent la télévision et parle continuellement de la maladie et des risques de mourir ou que les grands-parents meurent, ça deviendra problématique. » Ainsi, si les parents sont rassurants et créent un environnement serein à la maison, l’enfant sera bien.

Si ce n’est pas le cas, d’autres enjeux peuvent entrer en ligne de compte. « Si papa et maman sont en difficulté, s’il y a des cris, si ça hurle, si l’enfant est trop souvent sur des jeux vidéo violents, il y aura un degré d’agressivité plus important. Soit l’enfant subira lui-même la violence du parent, soit l’enfant verra la violence entre les parents. » L’environnement dans lequel évolue l’enfant est justement une des raisons qui ont poussé le gouvernement à rouvrir les écoles primaires.

La priorité : l’enfant

En effet, le docteur en neurosciences souligne qu’il y a trois raisons principales pour lesquelles les écoles primaires ont rouvert leurs portes depuis lundi le 11 mai dans la région des Laurentides. La première, c’est l’économie, c’est-à-dire pour les enfants dont les parents travaillent. La deuxième, pour les enfants qui vivent de la violence directe ou indirecte à la maison. Le troisième, pour les enfants qui ont des difficultés d’apprentissage et qui doivent rattraper leur retard.

« Ils [les enfants qui vivent de la violence directe ou indirecte] seront en besoin de réconfort, de liens et de réassurance. Le risque, c’est de tomber dans du scolaire pour du scolaire comme si de rien n’était. Ou de ne pas accepter que l’enfant puisse avoir, un moment donné, trop d’émotions. » Joël Monzée souligne avoir lu un document interne d’une école qui a   été envoyé aux parents. « La direction écrivait que si l’enfant se désorganisait, il serait expulsé jusqu’en septembre. » Or, le docteur en neurosciences souligne que c’est précisément pour ces enfants qui risquent d’arriver à l’école avec une charge émotive importante, qu’on rouvre les écoles. « Ce n’est pas en menaçant de cette manière qu’on va arriver à créer ce lien de confiance. »

Joël Monzée soutient que la réouverture des écoles primaires était effectivement nécessaire d’un point de vue économique. Or, c’est davantage dans l’application de cette réalité que réside le problème. « Au lieu d’accompagner les adultes à faire des tâches adéquates, on leur dit de rentrer en classe et il y a une panique à l’idée de se prêter un crayon ou de se passer une feuille parce qu’il pourrait y avoir du virus. Mais l’énergie, l’angoisse que l’enfant vivra à l’école, est-ce vraiment ça qu’on veut? » Cependant, il est conscient qu’il est difficile de s’adapter aussi rapidement et qu’il ne s’agit aucunement d’une réaction malintentionnée, mais peut-être à repenser. « On ne gère pas une usine de préparation de crabes ou de crevettes. Ce sont des humains avec lesquels les enseignants travaillent. »

Jumeler enseignement et réalité

Le résident de Sainte-Marguerite fait un parallèle avec le temps où il enseignait au primaire en Belgique dans les années 1990 alors que l’Irak avait attaqué le Koweït. Ses élèves entendaient qu’une bombe atomique pourrait tomber sur Bruxelles ce qui déclenchait beaucoup de questionnements et d’inquiétudes en classe. « J’ai alors créé des cercles de paroles avec mes élèves. Je permettais aux enfants de construire du sens sur ce qui n’en avait pas dans leur petite tête. […] Après, j’embarquais dans le scolaire.  t disponibles au niveau émotionnel. »

Il ramène cette situation à celle d’aujourd’hui, affirmant qu’il ne faut pas négliger le fait que les enfants risquent d’avoir été affectés par la crise actuelle et qu’ils auront besoin de parler. Il ajoute que les professeurs peuvent jumeler leur enseignement à la réalité. « Par exemple, on n’a pas le droit de voir grand-papa et grand-maman, alors on peut écrire une lettre pour eux. Ça devient un exercice de français. Pour les plus jeunes, ça peut-être un dessin. Il peut y avoir plusieurs activités scolaires qui viendront soutenir la vie de l’enfant. Il faut vraiment remettre l’enfant au cœur du processus », poursuit-il.

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