L’édito de la rédaction
Par Thomas Gallenne
19 ans d’Accès
Comme à chacune de ses dates d’anniversaire, Accès prend le temps d’arrêter le temps pour regarder sa situation actuelle, voir le chemin parcouru et regarder vers l’avenir. Force est de constater que la vie de ce « petit journal » n’est pas banale. Né de la volonté et de la vision de deux jeunes femmes de la région, le journal, à son origine, était le reflet de leur caractère : frondeur, fonceur et un tantinet irrévérencieux. Je me souviendrai encore longtemps de la réaction de Mary-Josée Gladu et de Josée Pilotte lorsqu’elles ont reçu la visite de deux charmants messieurs qui venaient leur proposer de les racheter, ou sinon elles seraient mangées toutes crues. « Merci messieurs, mais nous ne sommes pas intéressées. Bonne journée! », a lancé l’une. « Tu vois la montagne en face? Je vais la tasser! », a répondu l’autre. Le ton était donné.
Et pendant toutes ces années, le journal Accès a tenu le coup, contre vents et marées.
Nous ne referons pas ici l’historique du bouleversement qu’ont connu les médias régionaux. Mais il faut admettre que le journal Accès s’est cramponné, alors que d’autres se sont noyés et ont sombré, corps et âme.
Après avoir surfé sur la vague culturelle – le journal Accès, durant ses huit premières années, était avant tout un hebdo propulsant beaucoup la culture, ce qui lui avait valu l’appellation de « Voir des Laurentides » – la direction prenait la décision d’affaires de changer la vocation d’Accès vers un journal couvrant beaucoup plus l’actualité régionale.
Ce changement s’incarnait avec l’embauche d’Éric-Olivier Dallard à la tête de la rédaction. Nous étions en 2006.
Les années qui vont suivre vont justement être celles de cette tempête où les deux grands groupes que sont Québecor et Transcontinental vont se livrer une lutte sans merci pour conquérir les parts de marché et couper l’herbe sous le pied de la concurrence.
La politique de dumping publicitaire va fragiliser le marché et achever les journaux les plus faibles. La biodiversité médiatique va en prendre un coup pour son grade au passage.
2013 marque le changement à la barre de la rédaction avec votre humble serviteur, dont la tâche va être de maintenir le cap, et de poursuivre la mission du journal Accès, soit celle de demeurer un journal indépendant, reflet des préoccupations qui touchent nos communautés, et mettre de l’avant les enjeux qui touchent nos territoires.
Porter des causes, nous l’avons constaté, aura été payant pour tous.
Sans s’enorgueillir, soulignons tout de même que l’initiative Les Laurentides dont je rêve aura permis de soulever des questions fondamentales et de susciter le débat citoyen autour d’enjeux qui nous tiennent à cœur comme le plein air, et de faire en sorte que les élus prennent pleinement conscience de ces enjeux-là, les embrassent, se les approprient et finalement se commettent politiquement.
On n’a qu’à penser à la Société du Parc Régional des Pays-d’en-Haut, créée en 1998, qui change de nom en 2014 pour celui de la Société de plein air des Pays-d’en-Haut (SOPAIR).
Sa mission est dorénavant d’être « un organisme de consultation et de concertation qui veut assurer la conservation, la pérennité, l’accès et le développement des sentiers de plein air et autres espaces récréatifs sur le territoire de la MRC des Pays-d’en-Haut ».
Une mission qui entre en droite ligne avec les valeurs défendues depuis tant d’années par le journal.
Les événements se bousculent, le rythme s’accélère
Le journal Accès aura connu ces trois dernières années une sorte de crescendo. Tout d’abord, face à l’avènement des nouvelles technologies de l’information, des médias électroniques et des réseaux sociaux, les hebdos régionaux n’ont d’autre choix que d’embarquer dans le train techno qui file à toute vitesse. Où de dépérir.
C’est ainsi que les hebdos indépendants faisant partie de l’Association Hebdos Québec saisissent l’opportunité d’implanter un nouveau système d’édition des journaux, qui permettra de développer la mise en ligne sur tablette.
Nous sommes en septembre 2015 et la sortie de l’édition tablette Accès+ est prévue en février 2016.
Petite révolution interne dans le monde de l’édition d’hebdomadaires régionaux, mais gros défis.
Finalement, la première édition d’Accès+ sort le 9 mars 2016, non sans une grande fébrilité et des cernes sous les yeux.
Dans l’entrefaite, une autre grosse nouvelle secoue le journal : Mary-Josée Gladu, cofondatrice et coéditrice du journal, annonce son intention de quitter le journal. Josée Pilotte deviendra l’unique propriétaire d’Accès au printemps 2016.
Et comme si 2016 n’avait pas connu suffisamment de rebondissements et de bouleversements, voilà qu’une grosse nouvelle tombe le 1er décembre : Josée Pilotte rachète le Journal des Pays-d’en-Haut – La Vallée, institution fondée en 1967 et le fusionne à son journal pour créer un seul et unique journal : Accès Le journal des Pays-d’en-Haut est né.
Le calme après la tempête, vraiment ?
On pourrait penser qu’après ces années de tempête, le calme soit revenu? L’avenir nous le dira.
Un journal comme Accès Le Journal des Pays-d’en-Haut fait le pari que sa communauté va continuer de le supporter comme elle l’a toujours fait. Ses lecteurs, ses annonceurs aussi.
Cependant, une chose est sûre : nous devons rester vigilants. Car le ciel n’est pas tout bleu, ni pour les hebdos régionaux indépendants ni pour la démocratie locale en général. Et leurs sorts sont intimement liés.
Alors que la situation des hebdos régionaux a été fragilisée ces dernières années, une nouvelle menace pointe à l’horizon.
Il s’agit du projet de loi 122 qui, s’il est adopté, lèverait l’obligation aux municipalités de publier leurs avis publics dans un média régional imprimé (articles 51 et 90 du projet de loi).
Dans son mémoire déposé en février dernier dans le cadre du projet de loi 122, la Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec soutient que :
– Le droit d’accès du public à l’information municipale serait directement atteint.
– La transparence des administrations municipales serait diminuée, tant dans les grands centres urbains que dans les petites localités.
– Modifier le mode de publication des avis publics maintenant reviendrait à signer l’arrêt de mort de plusieurs journaux, et il engendrerait des conséquences négatives sur le commerce, la vie municipale et sociale, et ce, dans toutes les régions du Québec.
La Coalition regroupe 178 journaux rejoignant chaque semaine 6,5 millions de Québécois, avec un taux de pénétration dans les foyers très élevé.
« Pousser l’information vers le citoyen et non pas l’inverse », voilà la force de la presse locale écrite. Placer les avis publics sur le site Web des municipalités renverserait le paradigme : les citoyens auraient alors la responsabilité de chercher eux-mêmes l’information, semaine après semaine.
Et c’est sans parler des chiffres qui démontrent clairement que l’information locale atteint le lecteur via les médias traditionnels dans une proportion écrasante face aux supports virtuels.
Le poète Jacques Prévert a écrit que l’« on reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va ».
Il est grand temps que nous prenions soin de nos médias écrits régionaux, avant qu’ils ne disparaissent complètement.
Car c’est un peu de nous, de notre expression, de notre couleur, de notre liberté qui disparaîtra.