L’inceste
La première édition du nouvel hebdo de Quebecor, L’Écho de la Rive-Nord, qui a été lancée tout récemment dans les Laurentides est étonnante, mais pas nécessairement dans le bon sens du terme…
La séparation étanche entre l’information et la publicité, dans un média, a toujours été la pierre angulaire d’un journalisme digne de ce nom, indépendant et d’une certaine qualité.
Cette indépendance est d’ailleurs garante de la pérennité de notre métier: en effet, vous êtes-vous déjà demandé pourquoi l’on consomme des médias? L’on consomme des medias pour le pouvoir que l’information nous donne.
Le jour où l’information que l’on donne cesse de fonder un certain pouvoir – en tant que citoyen, nous donne une prise sur le monde, on cesse de consommer des médias.
Donc. L’article annoncé à la Une de la première édition de L’Écho de la Rive-Nord, porte sur les méfaits des salons de bronzage sous le titre «Qui dit vrai?»
Dans les pages intérieures, l’article censé répondre à la question s’appuie sur une seule source, et pas n’importe laquelle: le propriétaire de quatre salons de bronzage de la région… Quelle crédibilité scientifique a-t-il pour y répondre?… Ah oui!: il a acheté une annonce publicitaire en page Une!
L’imprimatur «scientifique» vient d’un obscur «Institut de recherche sur la radiation non-ionisée» (de Tucson en Arizona), une référence fournie à l’hebdo par le propriétaire des salons lui-même. Nulle part dans le texte il n’est précisé que les dirigeants de cet Institut sont liés à l’industrie du bronzage dont ils font la promotion.
Par ailleurs, aucune source scientifique crédible n’est citée parmi les nombreux dermatologues ou oncologues québécois qui mettent le public en garde contre ces rayons.
Annonçant la mise sur pied de deux nouveaux hebdos sur «la rive-nord de Montréal» (dont l’hebdo en question), des représentants de l’Empire avaient loué l’importance de l’information en région, se vantant de la création d’une vingtaine d’emplois dans le domaine… tout en laissant échapper que journalistes et vendeurs allaient «travailler de pair». S’agissait-il vraiment d’une formulation maladroite, comme l’a soutenu par la suite Quebecor? Ou bien ne serait-ce pas plutôt la formulation qui convient exactement à la situation?! Cet inceste entre la rédaction et la publicité tue l’Information. Les lecteurs ne sont pas dupes, heureusement!
Quebecor, alors que tous les principes écologiques actuels dictent de restreindre notre consommation de sac de plastiques, décide de faire concurrence à Publisac et… d’inonder nos boîtes postales de nouveaux sacs de plastiques contenant leurs «journaux»… Ils se retrouveront bientôt aux côtés d’autres innombrables feuillets publictaires, distribués également dans ce «nouveau» sac publicitaire. C’est bien leur place.