Quand nos aînés paient la facture

Par Rédaction

Régine Laurent,présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. PHOTO: Diane Baignée

Austérité

Diane Baignée, collaboration spéciale

Le 15 mai dernier, j’assistais à un colloque à l’Université Concordia sur le thème Impacts de l’austérité sur les conditions de vie et de santé des personnes âgées.

Parmi les conférenciers, Régine Laurent, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Damien Contandriopoulos, professeur à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal, ainsi que le non moins articulé Danis Prud’homme, directeur général du Réseau FADOQ. Ils ont été mes coups de cœur en leur qualité de visionnaires. Leurs propos solides ont su sonner la cloche (encore une fois) en interpellant les instances politiques non seulement en regard de la situation précaire des services rendus aux aînés, mais ont su également brosser un tableau (alarmant) de la situation des services publics des prochaines années.
Le thème du désengagement de l’État providence à l’endroit le la population âgée suffisait à rallier une vingtaine de panélistes. Qu’est-ce que l’austérité au juste? L’austérité signifierait en quelque sorte la priorité donnée à la lutte contre le déficit et à la réduction de la dette publique. Dans les faits, un objectif purement politique au détriment des plus vulnérables.

Un autre visage de la maltraitance : la suppression et l’absence de soins

La combative Régine Laurent définit, quant à elle, que l’austérité est une forme de maltraitance envers les aînés. Plus précisément causée « par des compressions directes qui ne sont ni plus ni moins que de la maltraitance systémique. […] Malgré la bonne foi, rien ne peut suppléer l’insuffisance de personnes, le matériel insuffisant et des lieux physiques inadéquats », conclut-elle avec fermeté.
La maltraitance envers les aînés ne conduirait-elle pas à élargir de plus en plus une brèche béante dans les soins et les contacts humains quotidiens? Moins de bains, de couches, de temps et plus de manger mou coloré et confectionné avec des emporte-pièce pour faire accroire au vrai. Voilà la stratégie de l’austérité. Malgré la meilleure volonté du monde, une infirmière peut-elle offrir des soins de qualité à 175 personnes en même temps? C’est du domaine de la science-fiction! Encore, l’État nie ces faits ou s’en justifie avec des discours maquillés. En revanche, 40 000 personnes de 65 ans et plus sont en attente de soins à domicile. Peut-on y croire?
Saviez-vous qu’il coûte plus cher soigner un adulte maintenant qu’une personne âgée, il y a 10 ans. Le coût réel de tous les services a augmenté dans la dernière décennie, tous âges confondus. Les nouvelles technologies ont un prix. Le gouvernement n’est pas sans savoir ces chiffres et cette évolution, mais n’a toutefois pas corrigé le tir.

La prise en charge des soins par le privé et les proches

Dans une culture où chaque acte dédié aux aînés fait l’objet de minutage et le nombre de patients à voir chaque jour augmente, tout porte à croire que la gestion des services de santé et sociaux correspond en toutes pièces à une gestion des affaires publiques comme dans le secteur privé. C’est pourquoi l’austérité ouvre subtilement la porte à la privatisation et pellette également dans la cour des proches aidants. C’est la réalité. Ce n’est pas un choix du gouvernement, mais d’une société qui se prend en charge.
Jean Carette, connu comme enseignant retraité en travail social, dont la cause des aînés fut depuis des lunes son cheval de bataille, nous rappelle que « les vieux ont une conscience politique ». La preuve, j’ai vu dans la salle bien de nombreuses têtes grises, des intervenants de la communauté, des bénévoles âgés, tous rassemblés pour dénoncer ce que nous savons déjà. Quelques pistes de solution sont avancées ainsi que des volontés campées dans l’espoir d’un changement. Aucun plan d’action pour conclure.

À quand une société amie des aînés?

À quand cette société où le age friendly fera figure de proue? Une tentative échouée s’est produite à Toronto malgré une approche politique voulant gérer les besoins liés au vieillissement. Le programme des Municipalités amies des aînés (MADA) a succombé à la tentation de l’austérité malgré ses objectifs de départ. Dommage et comme dirait M. Prud’homme de la FADOQ : « Si on continue comme ça, on est faits […]. Y’aura plus d’argent pour soigner les baby-boomers »!
Bref, je suis restée sur mon appétit comme plusieurs en me répétant qu’il ne faut pas que le pessimisme m’agrippe.
Assise dans mon fauteuil à Concordia, je me suis demandé que ferait M. Barrette si sa mère vivait actuellement en CHSLD public?
Diane Baignée est travailleuse sociale en pratique privée.
Adressez vos commentaires, questions ou suggestions de sujets à diane.baignee@gmail.com

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