Elles ont repris le contrôle de leur vie

Par Journal Accès

Agressées sexuellement

France Poirier – Elles ne se connaissaient pas, mais elles conservaient toutes les deux un lourd secret. Elles se sont rencontrées dans un groupe de cheminement au CALACS, où elles ont pu enfin se libérer. Elles ont accepté de témoigner.

Christiane, 60 ans, a été agressée sexuellement par deux proches entre l’âge de 8 et 15 ans. Ça s’est arrêté lorsqu’elle a eu un copain. Elle en a parlé à sa sœur, qui en a parlé à des tantes, puis c’est une cousine qui l’a convaincue de dénoncer. « J’étais toujours en retrait, timide, jusqu’au jour où j’ai décidé d’aller en thérapie.
Mon conjoint et mes fils ne savaient rien. La veille de Noël 2013, nous étions chez mon garçon et je leur ai confié ce que j’avais vécu et que je faisais une thérapie pour m’aider parce que, toute ma vie, mon caractère a été affecté par mon passé. J’ai eu beau essayer d’enfouir ça loin dans mes souvenirs, ça remontait. » Le lendemain, jour de Noël, alors que ses deux agresseurs participaient au souper, elle a dit qu’elle faisait une thérapie parce qu’elle avait subi des agressions durant l’enfance, mais n’a pas été capable de les pointer ce jour-là. Tous deux ont fait comme si de rien n’était. « D’en parler et d’être crue m’ont fait du bien. À l’intérieur du groupe de cheminement, l’un des exercices est d’écrire à notre agresseur. Il n’est pas nécessaire d’envoyer la lettre, mais de mettre sur papier fait du bien », explique Christiane qui en a retiré du soulagement. Elle a écrit 27 pages à son premier agresseur et lui a envoyé la lettre par courrier recommandé. « Je voulais être certaine qu’il l’a reçoive. » Puis, elle en a écrit une autre à son deuxième agresseur. L’un d’eux l’a contactée, mais il n’a jamais eu l’idée de s’excuser. « La seule chose qu’il m’a dite c’est que c’était une erreur de jeunesse. Je lui ai répondu : ‘’Et ma jeunesse à moi, qu’est-ce que tu en fais?’’ »
Malgré une plainte, les chefs d’accusation n’ont pas été retenus. « Le procureur a cru mon témoignage, mais la preuve n’était pas assez solide pour poursuivre. Le fait d’avoir dénoncé et de l’avoir dit aux gens autour de moi m’a fait un grand bien, et je vais de l’avant avec plus de confiance », explique Christiane.

L’histoire de Jocelyne

Jocelyne, 59 ans, a subi de nombreuses agressions au cours de sa jeunesse. La première à l’âge de 4 ou 5 ans, par un homme engagé sur la ferme familiale en Gaspésie. Vers l’âge de 8 ans, elle déménage avec sa mère à Montréal où celle-ci commence à sortir et à ramener des hommes à la maison. « Je crois qu’elle se prostituait et, comme je dormais avec elle, faute de place, j’avais connaissance de ce qui se passait. Des hommes dans son lit m’ont agressée. Quand je l’ai dit à ma mère, elle m’a traitée de menteuse ou m’a dit que c’était moi qui l’avais cherché », se souvient Jocelyne.
Sans soutien social ni familial, la petite Jocelyne a rapidement cru qu’elle était un objet et que tout le monde pouvait se servir.
À l’âge de 12 ans, son beau-frère l’agresse. « Il m’a abusée alors que sa femme était à l’hôpital en contraction pour accoucher », explique Jocelyne. En 2005, alors qu’elle travaillait en milieu carcéral, elle a reconnu son premier agresseur sur une photo. Tout ce qu’elle avait enfoui au fond d’elle est remonté. Elle a demandé le soutien du Programme d’aide aux employés. Elle a été suivie par une psychiatre et n’a jamais pu retourner travailler. Celle-ci l’a beaucoup aidée et l’a dirigée au CALACS. C’était en 2013.
« J’ai décidé de porter plainte contre mon beau-frère qui m’avait agressée alors que j’avais 12 ans. Pour les autres, comme j’étais jeune, ma mémoire me faisait défaut à cause du traumatisme, alors il n’y a pas eu de plainte. Mon beau-frère a finalement plaidé coupable et a reçu une sentence de 18 mois à domicile. Il est inscrit à la liste des délinquants sexuels pour une période de dix ans. Je suis fière de ça et le fait d’être crue m’a fait un bien énorme. Pour moi, c’est très important », conclut Jocelyne.

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