Philosophie de service

Par yves-guezou

Tout va bien ici? C’est à votre goût? Deux questions souvent entendues dans les restaus mais qui ne devraient pas résumer la notion de service. Le service en restauration ça doit impliquer du plaisir pour ceux qui le reçoivent et pour ceux qui le donnent.

Non content de parcourir les bonnes adresses gastronomiques des Laurentides, m’y faire servir afin de vous en dévoiler les délicieuses saveurs, j’ai une deuxième vie. Une existence secrète dans laquelle, tout vêtu de noir et, plateau à la main, j’offre aux invités d’un établissement réputé du vieux Montréal l’expérience gastronomique de leur…journée. Faut bien que je compense la solitude liée au domaine de l’écriture par ce contact avec les membres de mon espèce et, parlant de compensation, que je me console matériellement des accès de surdité ponctuelle de mon rédac’chef quand on évoque, en sa présence, l’idée romanesque d’augmentation de salaire. J’exerce cette activité depuis quelques mois et j’y ai appris énormément sur les autres, sur moi-même et l’interaction enrichissante entre les premiers et le deuxième. Servir, dans le domaine de la restauration, tient plus du savoir être que du savoir faire. J’intitule mon papier philosophie de service mais je pourrais aussi bien parler de psychologie, tant est profonde la disposition de l’esprit à se connecter à l’autre. On parle ici d’écoute, d’empathie, d’intérêt envers l’autre, de prise de décision et de passage à l’action: tout un vocabulaire de thérapeute.

Côté cour

En tant que client – ou devrais-je dire invité privilégié – d’un restaurant, je m’attends à ce qu’on s’occupe de moi de manière personnalisée. Le temps que je consacre à ce diner ou souper doit m’offrir un plus par rapport au diner ou souper que j’aurai pu déguster chez moi, un moment de réjouissances sinon ça ne vaut pas le déplacement. Je veux «me faire servir», avec tout le plaisir et la considération que cela comporte, j’ai des attentes.

Côté jardin

En tant que serveur, je me dois de considérer toute personne évoluant dans mon environnement de travail comme plus importante que moi (ce n’est pas un crédo c’est une attitude). Les clients ont rarement accès à cet endroit mais il existe un sas entre les coulisses et la scène, la salle de restaurant ou gisent pêle-mêle, soucis, peines, emmerdes, tristesses et déboires qui n’ont pas leur place sur le plancher. Je dois donc évoluer avec, en tête, la notion de plaisir. Si j’en donne, je vais en recevoir en contrepartie. Et, quand on aime ce travail, cela se fait en toute sincérité.

Le domaine de la restauration, c’est «la business du bonheur.» La bouffe constitue un des plaisirs majeurs dans la vie et tout te qui évolue autour doit incliner dans ce sens. Quand je m’assois au restau, j’ai envie de jaser avec la personne qui me sert, de plaisanter et entamer une communication. C’est cette même personne qui va amener mon expérience vers le plaisir. Lorsque je suis «en service», j’ai envie de connaître mon invité, ce qu’il aime, ce qu’il veut vivre en cet instant, comme si je recevais un ami chez moi. Si je réussis dans ma démarche, il va avoir adoré son expérience, me le signifier et l’on aura ainsi passé un excellent moment, chacun de notre côté du service. C’est gagnant-gagnant-gagnant. Le troisième gagnant c’est pour mon rédac’chef: j’arrêterai de le tourmenter avec des ambitions salariales futiles et divagatrices.

NDLR: Monsieur-le-Chroniqueur-Mondain-et-(occasionnellement)-Gastronomie: il suffit de parler plus fort.

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