Sablière Bouchard: le téléroman se poursuit

Par nathalie-deraspe

Après les pressions exercées pour faire fermer la sablière, les manifestations, les interventions lors des conseils municipaux, la demande d’avis juridique et son explication détaillée, la municipalité de Val-David a demandé à ce qu’un panel d’experts du ministère de l’Environnement et de la firme GSI informe les citoyens sur la non-toxicité des boues de papetières déversées sur le site de la Montée Gagnon.

Attendus de pied ferme, les quatre experts invités ont eu à en découdre avec une salle aguerrie, sceptique et méfiante à l’endroit de chacun des intervenants, y compris le maire Pierre Lapointe et le modérateur de la soirée, François Gohier, hué à plusieurs reprises durant la période de questions qui s’est étendue jusque tard dans la soirée. Les divers rapports d’analyse des boues ont été scrutés à la loupe et plusieurs n’ont pas manqué de relever leurs moindres faiblesses. Les interrogations étaient nombreuses, y compris celles ayant trait à la fertilisation comme tel de la sablière, une opération qui contreviendrait, selon certains, au règlement 590, qui interdit tout épandage d’engrais sur le territoire de la municipalité. Le maire a indiqué que le règlement n’avait pas force de loi puisque le Protocole signé entre Paul Bouchard et la municipalité date de 2003, soit quelques années avant l’adoption de cette nouvelle réglementation.

Debout devant les boues

Malgré leur nette préparation au point de vue technique, les experts ont vite été dépassés par les événements. Au fur et à mesure que la soirée avançait, chacun se rendait bien compte que la question des boues, malgré l’inquiétude qu’elle suscite, est à toute fin pratique secondaire. L’artiste et écologiste René Derouin n’a d’ailleurs pas tardé à le rappeler. «Ces propos de spécialistes concernent davantage l’industrie des papetières et l’industrie agricole», a-t-il mentionné en brandissant une lettre qu’il s’apprête à porter à l’attention des ministres Beauchamp et St-Pierre, desquelles il espère une rencontre. L’icône valdavidoise a renchéri en indiquant que la municipalité est en état d’urgence. La sablière entraînent la pollution par le bruit, la perte de réputation, la dévaluation des propriétés, la destruction des routes, menace les écoliers (les fardiers passent à quelques pieds de l’école) et met en péril les seules industries reconnues à Val-David, le plein air, la culture et le tourisme, a-t-il fait valoir. Propos soutenus par le Comité de citoyens pour la sauvegarde de notre qualité de vie, qui a fustigé le maire d’avoir omis d’informer la population à temps à propos des boues. «Cette soirée d’information n’aurait jamais dû avoir lieu puisque Paul Bouchard n’a jamais eu de droits acquis, a déclaré son porte-parole Jean Langevin, au lendemain de la rencontre. Il y a une inertie totale d’un conseil municipal dirigé par une suprématie depuis trente ans.»

La polémique subsiste

Avec force et détails, les agronomes du MDDEP et de la firme GSI ont tenté de démontrer l’innocuité des boues, sans succès. Le Dr Lapointe à eu beau affirmer qu’il en mettrait non seulement sur sa pelouse, mais sur son potager, qu’on continuait d’évoquer la contamination de ces fertilisants, si minime soit-elle. La Suisse n’interdit-elle pas ce genre de pratique par principe de précaution, a-t-on rappelé. Si c’est si bon, pourquoi n’en vend-on pas dans les pépinières, a relancé un autre interlocuteur. Question d’odeur, paraît-il. La Direction de la Santé publique a d’ailleurs émis un avis indiquant qu’il faudrait justement limiter ces odeurs ainsi que le camionnage entraîné par ces dépôts de fertilisants, ce à quoi le public a applaudi.

Pour Raymond Van Coillie, qui a dirigé des dizaines d’études d’impacts des papetières en tant que directeur de l’Environmental Effect Monitoring pour Environnement Canada, on assiste une fois de plus au syndrome pas dans ma cour. Même Waste Management refuse les boues de papetières. «C’est éternellement la même chose. L’environnement, c’est pas moi, c’est les autres. Un enfant pourrait s’intoxiquer en jouant dans ces boues dix minutes par jour, trois par semaine, durant les mois d’été, c’est vrai. Même si le risque zéro n’existe pas, celui-ci est tout à fait acceptable, même dans le principe de précaution», allègue le spécialiste. Pour ce qui est du camionnage, le maire a indiqué qu’il appliquerait dorénavant le Protocole à la lettre, alliant à la fois la haute technologie et le facteur humain. Aux dernières nouvelles, il passait encore un camion à toutes les deux minutes ou moins, soit plus de sept fois que ce que prescrit le document. Le 20 juin, la municipalité rendra publique sa décision de poursuivre ou non le propriétaire de la sablière en vue de sa fermeture définitive.

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