Sébastien va à la chasse
Pour une viande bio, dont on connait l’origine et les conditions de production, rien ne vaut la chasse, croit Sébastien LeBlanc de Saint-Sauveur. « Au départ, j’y allais pour la nature. Je suis un fan de plein air et de randonnée, été comme hiver et en toute saison. Un jour, mon cousin m’a dit : « hey, toi qui aimes le plein air, viens donc à la chasse à l’orignal avec nous ». »
Prospecter
Pour chasser, il faut d’abord connaître sa proie et son habitat. « On va dans les parcs de la Sépaq. Chaque fois notre territoire change, donc on ne le connaît pas. On y va au printemps, on l’explore et on cherche des signes. »
Bien sûr, des excréments ou des traces de pas peuvent témoigner du passage plus ou moins récent d’un orignal. Mais la plupart des signes sont plus subtils. De l’écorce manquante sur un arbre peut indiquer beaucoup de choses. Sur un feuillu, c’est qu’elle a été mangée l’hiver. Sur une épinette, c’est plutôt un mâle en rut qui s’y est frotté pour y laisser son odeur et prendre l’odeur du conifère. « C’est de reconnaître toutes les petites différences. »
Pendant le rut, les orignaux mâles vont aussi se baigner dans leur propre urine. L’odeur peut donc révéler leur présence. Tout comme des hauts de sapin cassés, probablement par un mâle avec son panache. Tout cela, rappelle Sébastien, se passe dans la forêt vierge et ses beautés naturelles, qu’il prend plaisir à découvrir.
Appâter
À l’automne, lorsque Sébastien retourne sur le territoire pour chasser, il sait donc où chercher. Mais le défi reste grand, ce qui fait partie du plaisir. « C’est l’orignal qui a les avantages. On va dans son territoire. On doit se faire passer pour un orignal. Et à part la vue, tous ses sens sont meilleurs que nous. Donc, tu dois essayer de le berner. »
Son cousin et partenaire de chasse a une casquette brune ornée de deux grandes oreilles. Le duo reste toujours proche, afin de faire croire à une seule masse qui ressemble à un original. Se séparer est une erreur qui leur a coûté quelques proies, raconte Sébastien. « Aussi, il y a juste les prédateurs qui marchent en ligne droite. Mais l’orignal ne va pas faire ça naturellement. Il va zigonner. »
Son odorat, par contre, est imbattable. Il faut donc toujours rester avec le vent de face. « Dès qu’il t’entend, il va essayer de te contourner. Donc tu dois le suivre et le garder dans le sens du vent. » Les chasseurs font aussi des « calls silencieux » : arracher une branche et faire croire qu’un orignal la mange, ou gratter par terre.
L’objectif : que l’orignal s’habitue à leur présence et ne les voit plus comme une menace. « Et c’est là que la game commence. Il ne faut pas faire d’erreur. » Ils peuvent alors adopter plusieurs stratégies : se faire passer pour une femelle afin d’attirer le mâle (ou l’inverse), ou se faire passer pour un mâle dominant afin d’en appâter un autre dans une confrontation.
Puis le « thrill » vient lorsqu’on se demande si l’opportunité est bonne pour tirer. « Je n’aime pas tuer en soi. J’aime le tir, j’aime la traque, toute la chasse fine et le fait de me faire passer pour un gibier », souligne Sébastien.
Cuisiner
Souvent, l’orignal est partagé à quatre. « Un quart d’orignal, ça remplit presque mon congélateur, avec un demi chevreuil. » Sébastien n’achète plus de viande à l’épicerie, à part du poulet. Et ce qu’il chasse est suffisant pour passer l’année. « Quand je retourne à la chasse, s’il m’en reste, je l’apporte et je m’occupe du barbecue. »
Il aime surtout connaître l’origine de ce qu’il mange. « Il n’y a pas plus bio que la viande que je chasse, finalement. Je connais les conditions dans lesquelles elle a été récoltée. » Contrairement à la viande d’élevage, dont les conditions sont parfois discutables, souligne-t-il.
Cependant, la viande de gibier a un goût fort, auquel il a dû s’habituer, admet-il. Ainsi, les différentes pièces demandent une attention particulière selon leur qualité. Pour les pièces plus corsées, on peut utiliser un mélange d’épices savoureux ou les préparer avec plus d’ingrédients : mélange tex-mex, marinade au vin rouge et à l’ail, sauce à la viande, etc. Le goût du gibier va se marier avec les autres saveurs, sans être masqué. « Tu utilises le gibier comme une épice. »
Pour les pièces plus délicates, comme un filet mignon ou un faux-filet, on reste plus simple, avec une marinade d’huile d’olive et d’épices à steak, par exemple, pour garder les subtilités. « Tu t’adaptes selon la qualité de la viande et selon à qui tu veux l’offrir », conclut Sébastien.