« L’autosuffisance alimentaire, ça ne se fait pas tout seul »

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Simon Meloche Goulet, de la Cabane à Tuque, et Sébastien Moisan, du Jardin Cent Pépins, partagent leur champ à Mont-Tremblant avec Jérémie Gagnon, de Permex. Comme Jérémie, ils cultivent beaucoup de légumes, des fruits et même des noix. Ce qu’ils ne peuvent produire ou transformer eux-mêmes, ils l’achètent le plus localement possible, directement des producteurs ou d’amis.

« Quand tu parles d’autosuffisance alimentaire, ça ne se fait pas tout seul », souligne Simon. Le savoir-faire à acquérir est tellement diversifié, et le temps aussi est limité, ajoute Sébastien. « Tu fais ça en village, en famille. Et c’est plus l’fun ensemble. »

Changer de paradigme

Pour Sébastien, cette façon de manger s’accompagne d’une qualité et d’une fraîcheur incomparables des aliments. « On mange en saison et en abondance. » Ils vont souvent faire des achats de groupe, avec des voisins, raconte Simon. « Le temps des fraises vient de passer, donc on en a acheté d’un ami producteur. On les équeute et on les congèle. » Cela permet de sauver de l’argent et de passer par moins d’intermédiaires. Sur le coup, ça prend plus de temps, mais après, c’est fait pour l’année, ajoute Simon. « C’est une question de logistique. »

Selon lui, il s’agit avant tout d’un changement de paradigme. « Depuis qu’on est jeunes, on va à l’épicerie et la bouffe est là. Mais la bouffe ne vient pas de là : ce sont des vendeurs. Et on n’a pas vraiment l’information d’où ça vient et de l’impact qu’on a. Donc j’essaie d’aller directement à la source. »

L’objectif est aussi de consommer moins, ajoute Sébastien. Ce dernier a 25 poules, qui produisent des œufs et qu’il abat en fin de saison pour la viande. En plus, elles mangent le compost du jardin, qu’elles transforment en fertilisant pour ce même jardin. « C’est une belle boucle. »

Transformer et conserver

Pour être conservée toute l’année, l’abondance doit être transformée. On peut réduire les fruits en confitures. Sébastien transforme ses salades et ses herbes fraîches en pestos qu’il fait congeler. Aussi, il transforme tout de suite ses brocolis et ses choux-fleurs en soupes et en potages qu’il congèle. « On a essayé de les blanchir, mais c’était plus tannant de les transformer après. »

La déshydratation est intéressante tant pour les herbes que pour les légumes et les fruits, indique Simon. « S’il manque de courant, avec le congélateur, tu peux perdre de la nourriture. Aussi, la texture et le goût vont changer. » Bien entreposés, les produits déshydratés peuvent même se conserver durant des années. « C’est la façon la plus facile de conserver quand tu en as beaucoup. »

Dans une chambre froide, les légumes racines comme les patates, les carottes et les betteraves peuvent se conserver toute l’année durant. « J’ai encore des courges de l’année dernière », illustre Simon.

On peut mettre en conserves les tomates, leurs ketchups et leurs sauces, tout comme les betteraves qu’on fait mariner. « Je vais faire des pickles une année sur trois. Après, j’en ai assez pour trois ans », ajoute Simon. Si on fait une grosse quantité, c’est aussi l’occasion de le faire en groupe, pour partager les efforts… et leurs résultats.

C’est la même chose pour la lactofermentation, méthode de conservation qui ne demande que des légumes, de l’eau, du sel et de la patience. « C’est comme une petite célébration qu’on fait chaque année, avec Jardin Cent Pépins et SymbiOse AlimenTerre depuis presque 10 ans. Je fais toute ma choucroute pour l’hiver là. »

Bien remplir son garde-manger

Avec ces techniques et un peu d’organisation, il est facile d’avoir un garde-manger bien rempli toute l’année. « Et ça fait en sorte que, quand tu ouvres ton frigo, il y a toute une histoire. Ce sont pas mal tous des ingrédients dont on part de la base, ou que ce sont des amis qui fabriquent ou transforment », souligne Simon.

En plus, coupés et transformés, les produits sont déjà prêts à être utilisés. « C’est vraiment plaisant l’hiver. Ça roule avec les enfants. Donc d’avoir accès à ces repas-là, c’est intéressant », indique Sébastien. « Je ne fais pas l’épicerie chaque semaine », ajoute Simon. Sébastien, oui, par contre, pour les produits laitiers, certains condiments, parfois des charcuteries. « Et des chips, comme tout le monde », confie-t-il en riant.

« Il ne faut pas oublier que nos arrière-grands-parents le faisaient. Donc, on est capables de le faire. Il n’y a rien de trop compliqué. Il faut l’apprendre », confie Simon.

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