Série documentaire : L’ordre du Temple solaire

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Le 4 octobre 1994, les pompiers répondent à un incendie à Morin- Heights. En plus d’un dispositif de mise à feu, on retrouvera deux corps brûlés, vraisemblablement des suicides, puis trois victimes, celles-ci assassinées, dont un bébé. Le lendemain, dans les petits villages de Cheiry et de Salvan en Suisse, on découvre des dizaines de corps. En tout, ce sont 53 victimes qu’on retrouve mortes : toutes membres de l’Ordre du Temple solaire (OTS). Mais plus l’enquête avance, plus le mystère s’épaissit.

Ces suicides collectifs mêlés de meurtres jettent la lumière sur une secte ésotérique, aux croyances et aux rituels bizarres, fondée par les gourous Jo Di Mambro et Luc Jouret. Puis on découvre des magouilles financières, un trafic d’armes international, et même une infiltration d’Hydro-Québec. « On n’aurait jamais pu faire une fiction avec ça. Ça n’a pas de bon sens. Il y a tellement de rebondissements », s’étonne encore Jean-François Poisson, réalisateur de la série et co-idéateur avec Sophie Charest.

L’Ordre du Temple solaire

Raconter les vécus

La série documentaire de six épisodes d’une heure est disponible sur Vrai, la nouvelle plateforme québécoise en ligne. M. Poisson note que les documentaires ont gagné en popularité ces dernières années, en adoptant de nouvelles manières de raconter et des formats plus longs. « L’avantage d’avoir plusieurs heures, c’est qu’on ne raconte pas juste les faits. On peut raconter les histoires, les vécus. Les personnages ont tous des vécus uniques. »

Il donne l’exemple des enquêteurs, qui sont confrontés à quelque chose de complètement irrationnel et qui, à un certain moment, avouent même leur impuissance à expliquer ce qui s’est vraiment passé.

Réaliser le documentaire a pris deux ans de recherches, de lectures et d’entrevues, explique le réalisateur. Il y a eu plusieurs rencontres avec d’anciens membres de l’OTS, qui ont accepté de parler mais sous le couvert de l’anonymat. « Beaucoup ne voulaient pas parler. Ils sont encore traumatisés. »

Un endoctrinement insidieux

Beaucoup de moments dans la série sont saisissants d’horreur. Personnellement, le plus difficile a été cette cassette vidéo, dont on nous montre des extraits, où on voit les victimes partager un dernier repas, juste avant le massacre.

Pour M. Poisson, ç’a été les témoignages des familles des victimes. « Il y a des familles qui n’ont pas de réponses, et qui n’en auront jamais. Quand quelqu’un entre dans une secte, il laisse sa famille derrière. C’est ça le plus difficile. »

Il souligne aussi que plusieurs membres ne se sont jamais remis des évènements. « Même si tu n’étais pas endoctriné, tu faisais partie d’une communauté, d’un groupe. Tu croyais en quelque chose. Certains membres cultivaient seulement des légumes biologiques. Et du jour au lendemain, les journalistes te courent après comme si tu étais un lunatique. C’est sûr que tu es en détresse. Tu pensais avoir trouvé quelque chose de bien », illustre le réalisateur.

M. Poisson rappelle que les dangers de l’endoctrinement et de ses procédés sont toujours d’actualité. « C’est insidieux. On s’étonne souvent que les victimes sont des gens intelligents, éduqués. Mais ça n’a rien à voir avec l’intelligence. Ç’a à voir avec des gens extrêmement manipulateurs. Les gourous sont très sensibles, ils sont capables de voir les failles des gens et de les manipuler. Et ça ne se fait pas du jour au lendemain. »

Ça commence par des formations, puis vous montez les échelons, alors qu’on vous accueille parmi les initiés : un groupe restreint qui « comprend vraiment ». Tout le long du processus, on vous isole de plus en plus, on vous fatigue et on teste votre loyauté, explique le réalisateur.

« Dans le temps, c’était l’ésotérisme. Maintenant, c’est la croissance personnelle. Mais c’est un peu la même chose. […] On essaie de vendre le bonheur. Tout le monde veut ça, le bonheur. »

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