Jacques Orhon : Pionnier de la sommellerie au Québec
Par Joëlle Currat
L’histoire du sommelier Jacques Orhon, qui fera aimer le vin à la population québécoise, débute à l’hôtel La Sapinière, à Val-David, et se poursuit à l’École Hôtelière des Laurentides. Il raconte son épopée dans un nouveau livre : L’Odyssée d’un sommelier.
La vie de ce sommelier de renom, globe-trotteur et auteur est truffée d’aventures plus fabuleuses les unes que les autres. Jacques Orhon a voulu relater ses rencontres avec des personnalités de tous bords, son approche pédagogique élaborée au fil du temps et ses voyages dans les plus célèbres domaines viticoles du monde. Son histoire est intimement liée à celle de l’évolution de la culture du vin et de la sommellerie au Québec, une profession qui, dans les années 70, était à peu près inexistante.
Celui qui a participé à la création d’une association canadienne de sommeliers professionnels, dont il a été le président pendant 14 ans, a animé plusieurs chroniques sur le vin à la télévision dans les émissions Vins & Fromages, Des kiwis et des hommes et Vins du monde. Il a également enseigné pendant trente ans la sommellerie aux plus grands, parmi lesquels François Chartier et Élyse Lambert. Après avoir écrit 23 ouvrages et guides sur les vins, il vient de sortir L’Odyssée d’un sommelier, une autobiographie présentant les meilleurs millésimes de son parcours personnel et professionnel.
Amoureux du Québec
Arrivé de France il y a 50 ans, Jacques Orhon mentionne à plusieurs reprises dans son plus récent livre L’Odyssée d’un sommelier combien il aime le Québec. Il y a trouvé son havre de paix. Tout a commencé en 1976 à l’hôtel La Sapinière de Val-David dans les Laurentides, une région qu’il affectionne tout particulièrement et où il vit depuis lors.
« Mon livre traite essentiellement de l’engouement des Québécois pour le vin dans les dernières décennies, explique le sommelier. De courts récits représentent les étapes significatives de l’évolution de la culture du vin dans la province. » Quels sont les changements notables qu’il a pu constater depuis ses débuts ? « La curiosité du public et son envie d’en savoir plus sur le vin a orienté ma vie vers la pédagogie. J’ai enseigné l’œnologie dans des écoles, lors de conférences ou dans des émissions de télévision. Trente ans plus tard, les Québécois sont devenus de vrais connaisseurs ! »
Les préférences de l’expert
Il est tentant de demander à un sommelier de renom quel est son vin préféré, et tout aussi difficile pour celui-ci d’en choisir un seul. « Je réponds souvent à cette question en disant : mes vins préférés sont ceux qui sont élaborés à partir de l’intelligence du cœur et du terroir. J’en mentionne plusieurs dans mon livre, dont un vin blanc suisse nommé La Petite Arvine fabriqué par une vigneronne d’exception. J’aime les vins qui sont le fruit d’un artisanat, au sens noble du terme », dit Jacques Orhon.
Il avoue que plus il avance en âge, plus il apprécie des vins qui contiennent moins d’alcool. « À trente ans, des vins à 14,5 degrés nous conviennent. Quand on en a le double, on préfère ceux qui contiennent deux degrés de moins. » Il donne une astuce pour sélectionner un vin de tous les jours au bon rapport qualité-prix : acheter un « petit » vin d’un grand producteur. « Je pense par exemple à un Syrah produit dans la vallée du Rhône par la maison Ferraton, reprise par le producteur bien connu Chapoutier. Il se détaille à environ 15 $ et fait 12,5 degrés. »
Devenir vigneron
Quand on est passionné par le vin et qu’on est sommelier, n’est-il pas logique à un moment donné de vouloir posséder soi-même son propre vignoble ? « J’ai commencé à y penser il y a une dizaine d’années. Je pensais retourner en France ou aller en Italie pour y acheter une exploitation viticole. J’ai une affection particulière pour l’Italie, puisque c’est là que j’ai remporté le plus beau prix de ma vie, au grand théâtre de Vérone. Finalement, j’avais décidé d’acquérir une vigne dans le sud de la France, puis j’y ai renoncé. Au-delà de considérations financières et matérielles, il y a les conditions climatiques devenues désastreuses dans cette région, notamment à cause de la sécheresse, explique-t-il. Une autre raison qui a mis fin à mes démarches, c’est d’avoir constaté une baisse de la consommation d’alcool chez la population en général. Et puis c’est beaucoup de travail, et je ne suis plus tout jeune ! »