Ma mère est chez le coiffeur

Par stephane-desjardins

Pas loin d’un chef-d’œuvre!

Je n’avais pas eu autant de plaisir au cinéma depuis C.R.A.Z.Y. Peu de films québécois m’ont ému comme ce « Ma mère est chez le coiffeur ». On s’approche des hau-tes sphères de notre cinématographie nationale. Tout près du chef-d’œuvre que fut Les Invasions barbares.

Le dernier film de Léa Pool constitue donc tout un moment de cinéma. Mais, il offre ce plaisir avec douceur et sensibilité. Un film de fille, mais qui ne s’adresse pas qu’aux femmes. Un drame, mais aussi une bonne histoire. Dans laquelle tout le monde peut s’y retrouver. À commencer par les babyboomers, qui y verront leurs jeunes années, celles du début de leur vie adulte. Mais, surtout, la génération X. Dont l’enfance a commencé dans le milieu des années 1960. Époque où se déroule cette histoire de modernité mais aussi d’universalité.

La cinéaste a donc choisi le point de vue d’enfants pour illustrer un drame familial intense. Tout se passe entre adultes. Mais c’est la perception d’Élise (Marianne Fortier), une adolescente, qui mène le récit de bout en bout. La jeune comédienne, révélée dans le film Aurore, offre une prestation époustouflante, d’une sensibilité et d’un professionnalisme inouïs pour son âge. Tout aussi bons sont les deux jeunes garçons, qui incarnent les petits frères d’Élise, Élise Dupuis et Hugo St-Onge. La prestation de ce dernier, le cadet de la famille, est bouleversante par moments. Le petit garçon interprète le difficile personnage d’un enfant qui a des difficultés d’apprentissage. Et qui se replie progressivement dans son monde intérieur, blessé par le départ de sa mère et l’incompréhension de son père. Car tout le film joue autour de ces deux adultes, déchirés par leur propre drame, qui entraînera leurs enfants dans des territoires difficiles et inconnus. Tout commence par un incident anodin. C’est le début des vacances, souligné par le soleil et, évidemment, la toune de Pierre Lalonde. Élise est occupée à jouir enfin de ces moments de liberté tant espérés. Mais elle entretient des doutes sur certains comportements de son père (Laurent Lucas), qu’elle ne comprend pas. Un jour, elle surprend une conversation téléphonique entre son papa et un copain golfeur. Des mots dont elle ne saisit pas la portée. Mais elle sait que quelque chose cloche. D’instinct, elle passe le récepteur à sa mère (Céline Bonnier). La crise éclate immédiatement dans un couple qui traînait déjà de la patte. La maman, une journaliste reconnue (la cinéaste s’est inspirée de la vie de Judith jasmin pour peaufiner le personnage), s’envole illico pour Londres, laissant en plan le papa et ses trois enfants. Ce sera un traumatisme pour toute la famille.

Le père, un médecin spécialiste, doit composer avec sa nouvelle situation sans perdre les pédales… et sa relation avec ses enfants. Les choses vont se compliquer. D’autant plus que les trois jeunes vont vivre des expériences propres à leur âge et à leur condition.

La principale qualité du film réside dans la sensibilité avec lequel le scénario fut écrit et transformé en images. On ne tombe jamais dans la sensiblerie ou la nostalgie. Les pièges habituels sont évités avec habileté. La reconstitution de l’époque est maniaque. À tel point que Lucie, ma blonde, m’a dit en sortant du cinéma qu’elle s’était souvenue de certains aspects qu’elle avait oubliés à propos de sa propre enfance! Le récit présente les choses avec naturel. Maniant les armes habituelles au septième art avec doigté, l’humour, la musique, la mise en scène, Léa Pool démontre à quel point les enfants peuvent passer au travers des pires épreuves et s’en sortir sans trop de casse. Enfin, presque tous les enfants.

Le jeu de certains comédiens adultes mérite d’être souligné. Particulièrement celui de Gabriel Arcand, en Monsieur Mouche, un rôle difficile car muet (littéralement). On voit Arcand trop peu souvent au cinéma. Aussi celle de Céline Bonnier, qui surfe difficilement sur la vague de ces femmes pionnières de la modernité, émancipées et professionnelles, qui doivent composer avec les rôles traditionnels et les exigences de leur carrière florissante. Bonnier incarne une Wonder Woman qui ne s’en laisse pas imposer par la vie. Mais qui souffre, évidemment, d’une situation pratiquement sans issue.
« Maman est chez le coiffeur » est un film magnifique. Qui ouvre magistralement la saison estivale au grand écran. Loin devant plusieurs autres films à l’affiche présentement.

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