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Terroir: réalité, philosophie ou coup marketing ?

Par Éric-Olivier Dallard

plaisir du vin

Lorsque je suis très gentiment interpellé la semaine passée par deux passionnés sur la notion de «vrai terroir» évoquée dans ma précédente chronique, j’esquisse un début de réponse livresque. Je partage avec vous la suite de mes réflexions qui ne font que commencer.

Un «vrai» terroir, c’est la conjonction d’une nature de sol, d’une topographie, d’un macroclimat et d’un microclimat. Cet ensemble développe le plus souvent son potentiel en présence d’un ou plusieurs cépages anoblis par de merveilleuses conditions, et sous l’action d’hommes et de femmes héritiers de savoir-faire ancestraux. Pourtant, ce n’est pas l’Homme qui a placé le médoc à côté de la Gironde, qui a enfoui de l’argile sur le plateau de Pomerol, qui a glissé du granit rose sous le tapis des pentes escarpées du Zinnkoepflé alsacien… Un vrai terroir, c’est donc un cadeau du Ciel et de la Terre.

Toutefois, mon romantisme ne m’emportera pas au point d’oublier le rôle des techniques viticoles modernes et le Wine Making. Dans ce Monde des origines du vin, la science dilue parfois la perception de terroir. Je le regrette. En revanche, les scientistes du vin nous préservent des irrégularités qualitatives en lissant les écarts entre petites années et millésimes exceptionnels. Qui s’en plaindra ?

Pour les vins issus du Nouveau Monde, peux-t-on parler de «vrais terroirs»? Je n’en suis pas encore convaincu. À la limite, je m’accorderai avec ceux qui défendraient l’idée de «nouveaux terroirs», surtout si les cépages autochtones y offrent le meilleur d’eux-mêmes. Or de grandes fortunes nous imposent, le plus souvent, des assemblages davantage marketing que géographiquement authentiques. Car là, plus qu’ailleurs, la viticulture est devenue une industrie chimique standardisée qui permet à la vigne d’accoucher de vertus que Dame Nature a «injustement» réservées pour d’autres latitudes.

Sans vouloir généraliser, les techniques viticoles, vinicoles et la mercatique sont partout poussées à l’extrême pour rejoindre le plus grand nombre. Mais ne vous méprenez pas, j’ai définitivement de l’admiration pour tous ces pionniers qui ont fait le pari de la vigne aux antipodes. Plus encore, je leur suis reconnaissant d’avoir trouvé la recette magique du vin de tous les jours, facile et sans complexe dans tous les sens du terme: un pays, une région (souvent de plusieurs centaines de km?), un cépage ou un assemblage dont les canons de la renommée ont traversé depuis bien longtempsles océans.

En même temps, je ne porterai pas le flanc à la généralisation. Mes sens sont au garde à vous devant un verre de chardonnay néo-zélandais. Mon palais s’extasie face à certains vieux Pinots Noirs de l’Oregon. Mais pour tout le reste ou presque, je préfère pour les belles occasions, la complexité et l’expression d’un bon vieux terroir au saccharose facile. Je préfère l’original à la copie.

Pour conclure, j’ai très envie d’évoquer une dégustation avec Lianne Castravelli, sommelière du Beaver Club, et brillante lauréate de la médaille d’argent du grand concours international des sommeliers qui se tenait en Allemagne le mois dernier. Je lui présentait ce lundi de janvier, une dizaine de grands vins de Bordeaux. Par jeux, et par bonheur, j’alternais un vin de la rive à droite (région de Saint-Émilion) avec un vin de la rive gauche (Médoc et Pessac-Léognan). A chaque vin, nous poussez des ailes. Nous traversions les jalles, la Dordogne et le fleuve, les coteaux et les vallons de la Gironde. Les yeux dans nos verres, nos sens s’imprégnaient de Saint-Estèphe, interprétaient Pauillac avant de supplier Pomerol de nous livrer les secrets de sa délicatesse. Nos papilles s’appropriaient Saint-Julien, s’abandonnaient à Fronsac. Nos mémoires comparatives décidaient de reprendre halène tout près des jeunes vignes du Domaine de Chevalier à Pessac-Léognan pour succomber au souffle d’un Grand Cru de Saint-émilion. Vous l’avez compris, cette partie de ping-pong entre la rive gauche et la rive droite nous a permis de classer, d’organiser, de fixer les caractéristiques propres de chacune des appellations d’origines contrôlées qui délimitent – et protègent – l’identité des vrais terroirs.

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