Le temps des Fêtes

Par Jean-Claude Tremblay

Chronique d’un X

par jean-claude tremblay

À l’arrivée, les visiteurs étaient accueillis pas une horde de caisses de Laurentides ou de Labatt 50, toutes stationnées sur le perron, attendant froidement le retour de leur propriétaire. Sur les marches de l’entrée, on y entendait de la musique et des rires, et on pouvait sentir cette énergie festive qui se dégageait des fêtes de famille du temps.
À peine le portique passé que les tantes venaient vous embrasser, tandis que les oncles vous enlevaient les bottes pour les mettre dans le bain. C’était en tenue de soirée que les convives se réunissaient pour fêter Noël, cette commémoration qui invitait les gens à décrocher et reconnecter, au moins une fois dans l’année.
Personnellement, c’est sous les nombreux manteaux de fourrure empilés sur le lit que j’aimais aller me réfugier. Je me souviens encore de l’odeur de divers parfums, si réconfortante pour un jeune enfant. Le refuge sacré était cependant de courte durée, puisque je devais me joindre aux réjouissances qui battaient leur plein dans le grand salon si bien décoré.
En contemplant le sapin orné de ses 2000 glaçons argentés, puis de sa fausse neige en canne dont on avait largement abusé, je m’imprégnais de ses retrouvailles annuelles, avec ses jeux imaginatifs, ses danses et ses histoires abracadabrantes. Tout en humant le buffet de tourtières maison, situé devant la crèche de bois et non en carton, je participais activement à ce bal orchestré par des grands-parents comblés. Le temps d’une bénédiction de fin de soirée donnée par papi Eddy, on reprenait la route fatigués, mais heureux comme jamais.
Je discutais de ça avec mon cousin l’autre jour, en philosophant sur le fait que nos grands-parents, en quittant cette terre, avaient emporté avec eux ces rassemblements de notre enfance. Au fond, c’est eux qui étaient la « colle » qui tenait le nid serré, eux qui, comme bien d’autres de cette génération, se faisaient un devoir de rassembler et de cimenter la famille, pour le meilleur et pour le pire.
En leur absence, j’ai parfois l’impression que les publicitaires ont pris la relève, pour nous rappeler l’importance du temps des Fêtes. Dans toute leur proactivité, j’ai même vu des annonces de sapins puis de bébelles de Noël à vendre dans un grand magasin… en octobre dernier! Si ça, ce n’est pas être bienveillant et prévoyant, alors je ne sais pas ce que c’est.
Ce vide comblé est devenu toxicomanogène et il porte un nom : surconsommation. Stimulé par les « marketeux » et promu par les « vendeux », le phénomène de pression sociale, où le besoin d’avoir plus que ce que son voisin est vital, vient souvent avec de tragiques conséquences. Ce cercle vicieux est épuisant moralement, mais surtout financièrement.
Parfois, j’ai peine à croire les chiffres qui disent qu’une majorité de gens vivent de paye en paye. Facebook est rempli de photos de voyages exotiques récurrents, de chars flambant neufs puis de nombreux : « As-tu vu la dernière bébelle que je me suis achetée?! ».
J’avoue, j’ai un haut-le-cœur de la surconsommation. Peut-être ai-je développé une intolérance ou, pire encore, une allergie? Je refuse d’embarquer dans la manipulation publicitaire, qui essaie de me faire croire que sans ces produits miracles, je suis un humain incompétent, brisé et incomplet, voire une mauvaise personne.
Entre-temps, je vois des gens campés deux jours pour se procurer avant tout le monde le nouveau téléphone à 1349 $. Parions que dans cette même file, on entend des lamentations sur les frais de scolarité trop élevés, ou encore sur le salaire minimum qui devrait augmenter.
Je ne dis pas qu’il ne faut plus rien acheter et revenir aux jouets de bois, puis aux oranges dans les (vrais) bas de Noël, mais il me semble qu’une prise de conscience s’impose.
C’est drôle, quand je pense aux Fêtes de mon enfance, je me souviens de quelques jouets, certes, mais je me souviens surtout des relations, et de la chaleur humaine qui régnait dans nos maisons. Je ne vivais pas dans la peur de ne pas recevoir mon jeu vidéo préféré, mais dans l’excitation de retrouver cousins-cousines et amis bien aimés. Il n’en tient qu’à nous de prendre la relève, et de nous responsabiliser.
Croyez-moi, il faut enseigner à qui veut bien apprendre que l’équilibre et la modération ont bien meilleur goût – n’en déplaise aux créanciers, qui ne manqueront pas de vous collecter, en plein mois de janvier.
L’amour durant le temps des Fêtes pour moi, vous savez ce que c’est? C’est ce qu’il y a dans la pièce lorsqu’on arrête d’ouvrir les cadeaux.
jctremblayinc@gmail.com

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