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Running

Par Josée Pilotte

Je me suis acheté de nouveaux «running». Ils sont blancs et rouges. Plus blancs que rouges. Tellement blancs, que même les moins intéressés par ma présence baissent les yeux en les rencontrant. Et je ne sais par quel foutu miracle mais… j’ai grandi des pieds! Oui, oui, les pieds m’ont allongé! Ce qui fait que non seulement mes souliers sont trop blancs, mais j’ai la nette impression qu’ils sont trop grands. Je chausse maintenant du 9, soit une pointure de plus que ce que je chaussais les trois dernières décennies de mon existence.

Ouain pis?, me direz-vous….

Je sais que ça agace certains d’entre vous quand je plains ma petite personne. J’m’en fiche. J’aime trop l’inutilité de la chose pour m’arrêter. Ça me donne l’illusion de bavarder de petits riens et de grands pieds, de sujets carrément futiles qui me font tordre de rire.

Je répondrai donc à ceux que ça énaaaarve: «C’est vrai, ce n’est pas si dramatique que ça de grandir des pieds, bien qu’à mon âge je trouve ça tout de même un tantinet étrange de chausser des machins qui ressemblent plus à des chaloupes qu’à de jolies ballerines…»

Toujours est-il que mes running blancs et moi nous en allons dans les vieux pays faire un marathon. Pourquoi si loin? Pour le trip. Une récompense. Une récompense pour tous ces mois à avoir suer du corps et de l’esprit. Une récompense pour avoir toujours été fidèle au rendez-vous, même si certains jours j’avais la nette l’impression d’avoir 92 ans.

Mes running blancs et moi nous en allons dans les vieux pays «jogger mes péchés» à Annecy, au pied des Alpes françaises. Quoique après les avoir joggés tout l’hiver dans le calcium et les nids de poules laurentiens, y doit plus m’en rester ben ben… et c’est parfait: je vais pouvoir m’en refaire une réserve; ça devrait être facile au pays de la baguette, du fromage, du foie gras et du bon vin…

Bon, je m’en vais où avec mes running blancs, je cours après quoi?

Je vais d’abord à ma rencontre, à la rencontre de celle que suis en dehors de sa zone de confort. Je vais à la rencontre de mes limites, que je cherche dans le dépassement. Parce que mon défi ce n’est pas de le faire – ça je sais maintenant que je peux –, c’est de le faire en me respectant.

Pour moi ça va au-delà du défi physique: c’est aussi un défi psychologique. Dans une meute, au milieu de milliers de personnes, ton pire ennemi c’est d’abord toi. Dans une meute, au milieu de milliers de personnes, le premier défi c’est de trouver son propre souffle sans le calquer sur celui de ses voisins, c’est apprendre à se laisser porter par le groupe, mais sans être influencé dans son propre rythme, sans être affecté dans sa propre foulée. Rester soi dans la multitude.

C’est une façon de se rapprocher de la Liberté, d’affirmer son indépendance.

De passer le fil d’arrivée un peu plus «moi».

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