Accès à Sotchi
Par Mathieu Laberge
Quand la naissance d’un nouveau sport olympique passe par Sainte-Agathe
Présenté pour la première fois aux Jeux olympiques, le ski slopestyle a permis au Canada de remporter deux médailles à Sotchi: celle d’or de Dara Howell et celle de bronze de Kim Lamarre. Derrière ces deux réussites se trouve l’entraîneur Jean-François Cusson. L’importance du travail d’entraîneur va toutefois bien au-delà des résultats sportifs, car c’est en partie grâce à lui que cette discipline s’est développée pendant son adolescence à Sainte-Agathe.
«Les Jeux olympiques ont été une belle aventure et je n’aurais pas imaginé ça lorsque nous avons commencé. Et en plus, ça s’est bien concrétisé avec deux médailles pour l’équipe», a commenté Jean-François Cusson en entrevue à Accès.
Rebelle sur les pistes et dans l’âme
Au milieu des années 1990, la popularité de la planche à neige était à son sommet et l’industrie du ski avait plutôt la vie dure face à ce nouveau venu qui était beaucoup plus attirant aux yeux des jeunes.
«J’ai toujours aimé sauter et j’étais un petit acrobate lorsque j’étais jeune. Dans les années 1980 et 1990, les parcs à neiges n’existaient pas, alors le seul endroit où nous avions le droit de sauter, c’était dans les pistes de bosses», explique celui qui a commencé sa carrière de bosseur au Mont-Gabriel. «Il y avait une liberté d’expression dans le ski de bosses à l’époque, un peu comme le slopestyle d’aujourd’hui.»
À l’image d’un papa qui fait une patinoire pour ses enfants dans la cour arrière de la maison, Pierre Cusson a sorti sa souffleuse pour créer un saut où son fils Jean-François pourrait se pratiquer les soirs de semaine. «Le premier saut faisait environ 15 pieds de haut. Et il m’avait même installé des lumières! Je m’améliorais, alors mon père m’a construit une rampe en bois d’une hauteur de 25 pieds.»
L’année d’après, des amis se sont joints à lui et la rampe s’est agrandie pour finalement atteindre une hauteur de 35 pieds.
Parcs à neige ouverts à tous, une nouvelle révolution
Quelques années plus tard, les parcs à neige des planchistes étaient désormais ouverts aux skieurs. Jean-François Cusson et sa bande ne se sont pas fait prier pour y aller. Les possibilités de créer de nouvelles figures étaient alors décuplées.
«Les juges des bosses n’ont pas suivi le mouvement et ils ne nous donnaient pas de bonnes notes pour nos nouvelles figures. Ce n’est pas de cette façon que je voyais l’évolution du sport. Un été, pendant un camp d’entraînement, nous avons fait un vidéo de figures New School et nous l’avons présenté à des compagnies de ski pour qu’ils fabriquent des skis twin tips (Ndlr: spatules avant et arrière). Et la compagnie Salomon a sauté sur ce projet.»
Le premier US Open de slopestyle est présenté en 1997 et Cusson s’impose avec des skis de bosses aux pieds. L’année suivante, Salomon développe son premier modèle de ski à doubles spatules et la discipline fait son entrée au programme des X Games. L’Agathois remporte la médaille d’or et il ne sera plus jamais de retour dans le circuit de la Coupe du monde des bosses.
L’appel des Jeux olympiques
Jean-François Cusson a partagé son temps entre les compétitions de slopestyle et la production vidéo de ski pendant un bon moment. Entretemps, il est tombé en amour avec le golf et est même devenu professionnel au niveau québécois. Il est toutefois revenu à ses anciennes amours à titre de juge à des épreuves de haut niveau.
Lorsque la discipline a été officiellement admise aux Jeux olympiques de Sotchi, il a reçu l’appel de la Fédération canadienne pour devenir entraîneur. «Je n’ai pas hésité une seconde et j’ai accepté. C’est juste que je trouve ça un peu plate de skier, car je ne suis plus capable de faire ce que je faisais avant. Au moins au golf, je pourrai performer jusqu’à 60 ans», lance à la blague celui qui compte désormais poursuivre de front ses carrières d’entraîneur et de golfeur.
Voilà une histoire qui a certainement sa place au Musée du ski des Laurentides.