|

Le Bourbon Street était le lieu de la consécration

Par Jean-Patrice Desjardins

Rock_bar

Le fameux bar devant la scène où les gens montaient pour danser. Photos : Courtoisie


Rock_eurythmics

Mélangés à la foule du Bourbon, on reconnaît Annie Lennox et David A. Stewart du groupe Eurythmics.


Rock_paradox-1

Sylvain Cossette et son groupe Paradox sont passés au Bourbon.


Rock_chris-tait

La directrice musicale du Bourbon, Danyelle Guirestante, ici avec Chris Tait, chanteur de Chalk Circle.


Rock_sass-jordan

Sean O’Donnell, la chanteuse Sass Jordan et ses musiciens.


Rock_jeff-healey-band

Le guitariste aveugle Jeff Healey en février 1990.

Laurentides rock’n’roll

Établissement majeur dans la diffusion de la musique rock dans les Laurentides, le Bourbon Street Club de Sainte-Adèle a joué un rôle important dans la montée de nombreux chanteurs et groupes rock canadiens. Assez pour se bâtir une réputation, durant ses 30 années d’activité, comme étant la place à jouer pour un groupe qui y trouvait la consécration dans le milieu musical.

Ouvert en 1980 sur la route 117 au sud de Sainte-Adèle, le Bourbon Street Club était l’idée de trois investisseurs, Donny Greenspoon, Tom Kalpakis, et plus particulièrement Sean O’Donnell, directeur général. Le Bourbon Street Club comprenait la grande salle de spectacle avec des bars, dont celui du sous-sol, le « 52 », avec son piano à queue.
Le Bourbon, c’était aussi l’hôtel La Louisiane avec ses 32 chambres, une piscine extérieure, une scène extérieure, mais également un petit bar en entrant à gauche avec four à pizza (pour les fins de soirée).
Durant les premières années, la popularité du Bourbon tenait à son bar placé directement devant la scène. « Les spectateurs étaient vraiment près des musiciens. Parfois, les musiciens montaient sur le bar, les clients aussi », se rappelle Danyelle Guirestante, d’abord barmaid au Bourbon, puis directrice artistique et assistante-gérante jusqu’à son départ en 1995, alors qu’elle donnait naissance à sa fille et démarrait son entreprise de gérance d’artistes.
C’est elle, la passionnée de musique, qui a fait rayonner l’endroit par des choix musicaux audacieux, engageant souvent des artistes parfaitement inconnus, mais qui ont percé par la suite. Elle cite The Tragically Hip qui, ironiquement, donnera son concert d’adieu cette semaine.

L’âge d’or du Bourbon

Au milieu des années 80, le Bourbon vit son âge d’or, malgré la construction d’une scène haute avec une piste de danse, réduisant un peu la magie évoquée par Danyelle Guirestante, mais qui a permis d’amener des plus gros noms de la scène rock.
On engageait alors des bands américains (de quatre à cinq musiciens, en plus des chanteurs). Les groupes jouaient cinq soirs par semaine et on y a vu passer les groupes Transit avec Allan Pratter (maintenant avec The Brooks), Tchuckon avec Slim Williams (aujourd’hui avec Atomic Glam) et Freddie James. À cette époque, les seuls groupes du Québec étaient Hollywood and vine (avec Francine Raymond) et Welcome (Jean-Claude Béliveau).
Les groupe Chalk Circle, Too many Cooks (23 salles combles!), Jeff Healey Band, Paradox (Sylvain Cossette), Jean Leloup, The Tribes, Cameleon winds (avec Sébastien de Motel 72), Les Colocs, Éric Lapointe, Lulu et Rick Hughes, Michel Pagliaro, Les Respectables, The Box, Sass Jordan, Uzeb, Doobie Brothers, Blue Rodeo, The Eurhythmics, Alice Cooper, Georges Thorogood, Alannah Myles, Colin James, The Tea Party, Gowan, Our Lady Peace, Barenaked Ladies et Glass Tiger ont joué au Bourbon! Beaucoup d’artistes internationaux, mais aussi beaucoup de groupes canadiens.
Il faut aussi spécifier que les fameux lundis « Staff night » du Bourbon attiraient beaucoup le monde de l’industrie musicale. « Alors que les autres bars étaient fermés, on y retrouvait les musiciens en congé et des membres importants de l’industrie du disque. Certains contrats de disque ont été conclus au Bourbon », explique Danyelle Guirestante.

Le lieu de la consécration

« Le Bourbon, c’est le premier endroit pour jouer. Il y avait le stage et le bar, la corde de bungee à l’arrière de l’édifice et, à la Saint-Jean, il y avait un gros party extérieur », se souvient Sébastien DeFrancesco qui a joué au Bourbon jusqu’en 2007 avec son groupe Buzz Station. « Le Bourbon, c’était une grosse scène et une bonne sonorisation. Les lundis, on était des rock star. Les gens venaient et revenaient pour voir et revoir un groupe. Il y avait des autobus qui arrivaient remplis de monde, de tous les âges. »
Pour un musicien local, jouer au Bourbon avait quelque chose de valorisant. « Quand tu jouais finalement au Bourbon, tu pouvais dire que tu avais réussi une étape dans ta carrière de musicien », ajoute DeFrancesco.

La fermeture

Au début des années 2000, la vocation du Bourbon avait changé et les groupes de rock ont fait place à un DJ et on y allait surtout pour danser. La clientèle était plus jeune et on ne parlait plus d’un lieu incontournable pour les groupes de rock, même si la scène était parfois exploitée pour des concerts.
« Le concept était épuisé. La Bourbon avait fait son temps. Les mœurs entourant l’alcool au volant ont évolué et le public, plus jeune, n’avait plus les moyens de se payer le taxi vers Montréal », conclut Danyelle Guirestante.
Après une fermeture temporaire de trois mois en 2010, alors qu’on y fêtait ses 30 ans, le Bourbon Street a été démoli en 2014 pour faire place à une résidence pour personnes âgées. L’histoire ne dit pas s’il y a des anciens du Bourbon qui y résident, mais chose certaine, ça brasse pas mal moins dans le secteur durant la nuit.
 

Quelques anecdotes du Bourbon Street

Les propriétaires du Bourbon se sont inspirés de la rue Bourbon à New Orleans, en Louisiane. Une rue qui représentait là fête, la musique, les spectacles. Laisser le bon temps rouler, quoi!

Terry DiMonte, animateur de CHOM-FM, avait surnommé l’endroit « The Burb ». À l’époque, les animateurs radio étaient aussi populaires que les artistes et plusieurs ont fait de l’animation au Bourbon. Notons Alain Montpetit (le film Funky town est inspiré de sa vie), Douglass Leopol, Guy Aubry, Rob Brade et Bob the Born.
La chambre numéro 3 de l’hôtel La Louisiane était réservée aux musiciens. Tous les groupes de passage ont fait le party dans cette pièce.
Le chanteur Garou, après un premier engagement à Magog, a finalement signé un contrat avec Sony Musique avec l’aide de Sean O’Donnell et après un passage au Bourbon.
Parfois, les groupes américains ne réussissaient pas à passer les douanes. Alors, Danyelle Guirestante, directrice artistique du Bourbon, puisait dans sa banque d’artistes locaux qui remplaçaient au pied levé.
Danyelle Guirestante se souvient d’avoir déboursé 2000 $ pour payer l’avion d’un obscur groupe de la Floride. Au départ, elle a eu peur de perdre l’argent, mais c’était un bon investissement. Allen Spratter, qui jouait des cuivres dans le groupe de Michael Jackson, est venu avec son groupe et a tellement aimé l’endroit… qu’il habite aujourd’hui au Québec et évolue maintenant au sein du groupe The Brooks.
Quand on recevait un appel du studio d’André Perry à Morin-Heights, c’était pour annoncer qu’un artiste international venait prendre un verre au Bourbon. Keith Richards, The Police, le réalisateur Bob Rock (Metalllica), Jon Bon Jovi et Brian Adams étaient accueillis à bras ouverts.
Blue Rodeo, dont le créneau musical folk rejoignait un très large public, surtout les anglophones, avait l’habitude de jouer lors du concert extérieur de la Saint-Jean dans la cour du Bourbon.
Le Bourbon s’est essayé avec des spectacles d’humour. Si André-Philippe Gagnon passait bien, le personnage de Hi! Ha! Tremblay de Michel Barrette ne disait vraiment rien au public majoritairement anglophone du dimanche après-midi.

NOUVELLES SUGGÉRÉES

3 Comments

  1. Jeanne Paradis

    que de beaux souvenirs! des bons shows du beau monde et du plaisir

    Reply
  2. Jules Marcil

    wow ca me rameme 30 ans en arriere; le Bourbon c’etait la place. Il y a eu aussi l’auberge du Mont Sauvage a Val David… un endroit de perdition 😉 si nos parents à l’époque avait su ce qui s’y passait. Ils auraient fait pression pour faire fermer la palce 😉 Les gros party sur deux etages, la piscine exterieures, les chambres à l’étage… C’était une autre époque, tres peu deviolence, pas mal de drogues par contre. Mais le Bourbon et les staff night du Lundi… wow ca virait pas a peu pres !

    Reply
  3. Matt Drury

    Pardonnez-moi mes amis francophones, mais…I will make my comments in English as I feel I’ve lost much of my abilities in the French language 🙁 I think need to move back to QC to re-learn French (peut-etre il me faut une blonde francophone, oui?).
    What amazing memories this article brings. I lived about 5 km from the Bourbon, and went there easily 100 times. I remember Sean O’Donnell so well. I saw great bands like Blue Rodeo, Gowan and The Hip, but as a musician myself, the band that blew me away the most on a purely technical level was The Tribes of March. The drummer Sylvain was simply amazing. And what a great, friendly guy he was.
    It makes me quite sentimental thinking about the times there. When I close my eyes, I can picture EVERYTHING about the place. The fence, the entrance, the driveway, the entire parking lot, the bar out in back, the shape of the bar… I wish I had taken photos.
    I miss you, Bourbon.

    Reply

Submit a Comment

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *