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De film en film…

Par jacqueline-brodie

Feux d’artifices crépitant dans la nuit cannoise, pléiade de stars foulant le tapis rouge du Palais, le Festival a pris sa vitesse de croisière.

C’est dans le fracas d’un Robin Hood revu et corrigé par Ridley Scott qu’il s’est ouvert. Film à grand spectacle rempli – à ras bord – de bruit et de fureur, ruisselant de sentimentalité, vidé de sa poésie, il déçoit. Ce Robin Hood nouveau interprété par Russell Crowe, s’il est resté fort en tir à l’arc l’est beaucoup moins en charisme. Le légendaire bandit qui prenait aux riches pour donner aux pauvres n’était pas à ce rendez-vous qui s’étire sur 2 heures vingt minutes..
 

Bonheur avec Tournée du Français Mathieu Amalric, premier film en lice pour la Palme d’Or. Amalric, réalisateur et acteur éblouissant, nous a présenté une œuvre atypique sur un homme en déroute qui tente de fuir sa débâcle dans le spectacle des autres. Les autres, c’est une troupe de New Burlesque dont il pilote, dans le rôle d’impresario qu’il s’est donné, la tournée en France d’une ville de province à l’autre. Et ces authentiques New Burlesque recrutées aux États-Unis, plantureuses, truculentes, insufflent fantaisie et tendresse dans la vie tourmentée de leur «promoteur». Victime et bourreau, l’auteur Mathieu Amalric est sidérant dans son interprétation d’homme perdu.
 

En prise directe sur l’actualité Wall Street 2, l’argent ne dort jamais, projeté alors que les bourses européennes plongeaient de nouveau entraînant l’euro dans la chute, est une suite au premier Wall Street, tourné vingt-deux ans auparavant par le même trois fois oscarisé Oliver Stone. Pavé dans la mare de la cupidité de nos banquiers, courtiers et consorts, le film est brillamment servi par le même acteur incarnant le même personnage que dans la première mouture, Michael Douglas. Intéressant sur le plan documentaire, le film est hélas gâté par une sauce sentimentale qui semble un ingrédient dont nos voisins du Sud ne sauraient se passer.
 

Américain lui aussi mais combien singulier, le Woody attendu est arrivé à point avec sa dernière comédie You Will Meet A Tall Dark Stranger. Histoire de famille, de couples, d’amour, de création et de trahison qui, costumée en vaudeville, se joue de nos grandes peurs: solitude, mort. Dialogues réjouissants, répliques mordantes sur fond de mélancolie, drôle, émouvant, c’est du savoureux Woody Allen que nous avons dégusté.

L’amour au temps de Xavier Dolan

Dix minutes. C’est la durée de l’ovation qu’un public festivalier ravi a réservé à sa dernière découverte, Xavier Dolan, 21 ans auteur de Les Amours imaginaires présenté en sélection officielle, le même jour que le film de Woody Allen. Oeuvre totalement originale, ancrée dans une «québécité» affirmée, insolite, émaillée de fulgurances, un tantinet déstabilisante, jouant sur le thème d’un triangle amoureux, ce second long métrage du brillantissime jeune auteur apporte à notre cinéma un nouveau regard et le rythme de sa génération. Vingt-et-unième siècle oblige.
 

Contraste saisissant avec le très classique La Princesse de Montpensier du Français Bertrand Tavernier, roman d’un amour contrarié d’une grande beauté et infiniment littéraire dans sa représentation d’une page sanglante et passionnée de l’histoire de France en pleine guerre de religion.
 

Assassinats et trahisons d’un tout autre acabit en Asie. Aux amateurs d’hémoglobine, nous recommandons Outrage du Japonais Takeshi Kitano. Grand guignol macabre excessivement esthétisant, il nous offre le spectacle parfaitement orchestré de caïds qui jouent a s’entretuer. Ici on ne fait pas dans le sentiment. Aussi jouissive que soit la performance, on se lasse vite de ces jeux de gachettes et de cadavres. Beaucoup de morts aussi dans Biutiful du Mexicain Alejandro Gonzales Inarritu. Ce portrait d’un milieu social catastrophique d’immigrants illégaux, où chacun exploite plus démuni que soi, est aussi celui du combat d’un homme malade qui tente, à sa manière d’aider les autres à vivre et surtout à survivre dans la misère du ghetto urbain.
 

Inoubliable moment que celui où le cinéaste portugais Manoel de Oliveira nous a présenté son dernier film, le 49e, le tendre conte poétique L’Étrange cas d’Angelica. À cent-deux ans, l’extraordinaire créateur n’a rien perdu de sa vivacité et c’est avec esprit qu’il nous a fait sa présentation. Mémorable aussi, la projection d’une copie restaurée du chef-d’oeuvre de Visconti Le Guêpard à laquelle étaient conviés leurs inoubliables interprètes, Claudia Cardinale et Alain Delon.

Pronostics sur le palmarès à venir. Deux films pour l’instant se dégagent du peloton: The Housemaid du Sud-Coréen Im Sangsoo, portrait implacable d’une société où la richesse autorise la domination la plus totale des individus et Another Year du Britannique Mike Leigh, œuvre tout en tendresse qui dépeint le temps qui passe avec un couple en harmonie avec les saisons de la vie. Deux œuvres diamétralement opposées et également fascinantes l’une par sa cruauté, l’autre par l’humanisme qui s’en dégage.

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