(Photo : MRC d'Argenteuil)
Dans la MRC d'Argenteuil, le ruisseau Avoca fait partie d'un territoire faisant l'objet d'un claim minier.
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Sans acceptabilité sociale, c’est oui ou c’est non?

Par Ève Ménard - Initiative de journalisme local

Depuis les 18 derniers mois, le nombre de claims miniers dans les Laurentides a augmenté de 71 %, rapportait le Journal dans l’édition du 12 octobre dernier, au sujet de l’activité minière.

Questionné à ce sujet pendant la campagne électorale, le premier ministre François Legault affirmait, lors du débat des chefs du 22 septembre, que sans acceptabilité sociale, il n’y aurait pas d’exploitation minière. Cette affirmation ne convainc toutefois pas les élus. La définition de l’acceptabilité sociale étant variable, on s’inquiète de la manière dont la définit le gouvernement.

Sofiane Baba, professeur de management stratégique à l'Université de Sherbrooke.

Sofiane Baba, professeur de management stratégique à l’Université de Sherbrooke.

Pouvoir aux citoyens ou au gouvernement?

En 2019, la MRC d’Argenteuil a tenu des forums citoyens pour « mesurer l’acceptabilité sociale » de la population en matière d’activité minière, explique le préfet, Scott Pearce. L’idée était de comprendre les préoccupations des citoyens et de réfléchir collectivement aux critères de détermination des TIAM (territoire incompatible à l’activité minière). Les résultats révèlent que la population souhaite une plus grande préoccupation environnementale, plus de protection des milieux naturels et un durcissement des critères.

À la suite de cet exercice consultatif, le conseil de la MRC d’Argenteuil transmet au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation un schéma d’aménagement incluant les territoires incompatibles à l’activité minière. 

« Nos TIAM couvraient environ 87% du territoire. On protégeait les milieux de villégiature, les milieux naturels sensibles et l’ensemble de la zone agricole », énumère M. Pearce. Ces ajustements ont été refusés par le gouvernement, expliquant qu’ils ne respectaient pas les critères et exigences visant à assurer une cohabitation harmonieuse de l’activité minière avec les autres utilisations du territoire tel qu’établi par le gouvernement.

Les demandes de modifications étant le fruit de consultations publiques et d’une réflexion collective dans la MRC d’Argenteuil, c’est à se demander qui donc détermine l’acceptabilité sociale? 

« Une activité minière peut durer 10, 15 ou 20 ans. Elle doit demeurer acceptable pendant toute cette durée. » -Sofiane Baba

« Apparemment ce n’est pas nous », déplore le préfet. « Je ne sais pas qui c’est. Nous avons fait le travail, nous avons consulté les citoyens, mais ensuite, on nous a refusé nos TIAM. »

L’acceptabilité sociale : Une relation fluide

Il est difficile de mesurer ou de définir l’acceptabilité sociale, puisque le concept est subjectif, dans le sens où ce n’est pas quelque chose que l’on peut prévoir, constate Sofiane Baba, professeur de management stratégique à l’Université de Sherbrooke. Dans le cadre de ses recherches sur l’acceptabilité sociale, il s’est penché notamment sur l’hydroélectricité, des infrastructures pour la gestion des déchets, le secteur minier et la foresterie.

Globalement, on pourrait définir l’acceptabilité sociale comme un « jugement collectif, ou l’assentiment d’une population ou d’une communauté à un projet. » Présentement, le professeur distingue deux manières de voir le concept. D’abord, il y a une vision « très figée dans le temps », où l’acceptabilité sociale est acquise ou ne l’est pas. Au contraire, Sofiane Baba conçoit le concept davantage comme « une relation dynamique et fluide, où les choses évoluent. Les gens regardent des documentaires, ils s’instruisent et peuvent changer d’idée, positivement ou négativement », explique-t-il. « L’acceptabilité sociale, c’est aussi quelque chose qu’on doit garantir tout au long d’un projet, pas seulement au départ pour aller chercher un permis. Une activité minière peut durer 10, 15 ou 20 ans. Elle doit demeurer acceptable pendant toute cette durée. »

Concernant l’activité minière, M. Baba soulève un enjeu particulier : souvent ceux qui explorent ne sont pas ceux qui feront de l’exploitation minière. Le professeur constate que très souvent, le premier groupe est présent à court terme seulement. « Ils ne mettent donc pas beaucoup d’efforts dans le développement d’une relation basée sur la confiance et le dialogue avec la communauté locale. Ensuite, viennent des promoteurs qui subissent un peu les conséquences néfastes de cette première attitude », détaille-t-il.

S’y prendre plus tôt

Il existe des outils actuellement pour consulter publiquement et tenter de mesurer l’acceptabilité sociale. On peut penser au BAPE qui selon M. Baba, est probablement le meilleur processus de consultation publique. Il existe certaines méthodes et une plus grande conscientisation à l’égard de la participation citoyenne. D’ailleurs, le professeur associe de près le concept d’acceptabilité sociale à celui de la démocratie participative. Il croit qu’aujourd’hui, les citoyens ne veulent pas seulement élire un gouvernement tous les quatre ans, mais aussi se prononcer sur les projets en cours de route. Selon Sofiane Baba, depuis 20 ans, l’acceptabilité sociale ne fait que prendre de l’ampleur. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette réalité, comme la prépondérance des enjeux environnementaux, la conscience citoyenne ou encore la présence des médias et des réseaux sociaux pour faire entendre la voix de la population.

Pourtant, les pratiques demeurent variables, tout comme les discours, constate le professeur. Il n’existe pas de cadre législatif rigide qui définit quand et comment mesurer l’acceptabilité sociale. À travers ses recherches, Sofiane Baba identifie tout de même une pratique gagnante : le fait de s’y prendre tôt chez les promoteurs. 

« Aller en consultation publique, aller à la rencontre de la population avant même d’aller dans les instances officielles. Lorsqu’une communauté découvre un projet à la radio ou dans la presse, un sentiment de peur se crée et naturellement, c’est suivi de méfiance. De mon point de vue, les promoteurs s’y prennent encore souvent trop tard et vont en consultations publiques pour éteindre des feux qui auraient pu être gérés en amont et être évités. »

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