L’attraction désastre
Par Josée Pilotte
Mercredi, je mangeais ma toast au beurre de peanuts bien tranquillement assise devant mon ordinateur lorsqu’il m’est apparu «live» et plein écran: le zizi de Rémi-Pierre Paquin.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est le pseudo-bum qui jouait dans la succulente série Les Invincibles. Une vidéo olé-olé diffusée sur YouTube cette semaine suscite de grandes rédactions: elle montre le comédien en train de batifoler avec une jeune poulette visiblement très saoule et «nia-nia» sur les bords.
Personnellement je pense que c’est un «stunt» destiné à créer une effervescence autour de l’animateur d’une possible prochaine émission, un stunt plutôt amusant pour un mercredi matin pluvieux. Mais peut-être que je me trompe aussi sur toute la ligne. Il n’en reste pas moins qu’en ce moment cette pollution d’images qui se baladent librement sur le Web n’est pas banale du tout. Nous assistons à un phénomène d’«hameçonnage» du vide par le vide.
Parce que l’hameçon c’est de plus en plus le ver de terre que Rémi-Pierre Paquin a entre les jambes. Et parce que l’hameçonné, à force de se nourrir de futilité, ben…
Le vide et le vide.
Ce vide, dont nous nous nourrissons donne le vertige, il donne le vertige parce qu’on sait plus ci c’est vrai ou pas. Nous pataugeons entre deux eaux, entre la réalité et la fiction. Freakant, quand on y pense, freakant freak-show. L’on ne peut certainement pas se plaindre du fait que le règne des apparences soit aussi pervers et qu’il ait autant de pouvoir d’attraction sur les esprits puisque nous en redemandons. Encooooore!
Nous sommes à l’ère des apparences, à l’ère où celles-ci peuvent vous coûter votre emploi. Comme ce professeur qui du fin fond du Québec a eu le malheur de picoler entre copains le week-end. Sa photo s’est évidemment retrouvée sur Facebook (parce qu’on aime ça se voir sur Facebook)… et sur la photo monsieur le professeur fait plus qu’avoir une bière à la main: il tient de l’autre «une chose» qui pourrait ressembler à un joint, je dis bien «qui pourrait».
Résultat: monsieur le professeur a perdu son emploi puisque les apparences étaient contre lui.
Avouons que c’est tordu, c’est crasse, c’est d’une insoutenable immoralité. C’est une hypocrisie sans nom. On s’entends-tu qu’un prof a le droit de «peut-être» fumer un joint un samedi soir dans le fond de sa cour sans que le buzz soit exposé à la planète entière? On s’entends-tu qu’à coup de «peut-être» et d’images, y’en a une maudite gang de fumeux de gauloises qui vont perdent leur job?! Pis, on s’entends-tu que ce n’est pas de nos affaires!? Que sous nos airs de vierges offensées on aime ça boire notre café avec le zizi de Rémi drette-dans-la-face, sur notre écran. On est pervers et l’on alimente notre propre perversion. On s’entends-tu qu’on s’comprends-tu?
Au fond, que ça soit «stagé» ou non, on s’en fout éperdument: le principal c’est qu’on assouvisse notre soif de voir.
Nous sommes une société qui considère son destin suffisamment important pour le montrer aux yeux de tous. Nous sommes une société qui considère son destin suffisamment important pour vouloir avoir 3000 amis sur Facebook. Nous sommes une société qui considère son destin suffisamment important pour vivre sans filtre, nus comme des êtres libres. Nous sommes en perpétuelle représentation d’une pièce de théâtre dont nous sommes les héros.
On est à la fois acteur et spectateur de notre propre vie. Une vie, ou un style de vie, qu’il est de notre devoir de questionner.