Les enfants rois, des enfants «proies!»
Par nathalie-deraspe
À qui la faute?
Dans une société où les enfants rois font souvent partie du quotidien des parents et des professeurs d’aujourd’hui, une question se pose : À qui la faute? Les responsables de l’éducation de ces enfants sont souvent pointés comme les coupables de ce comportement. Toutefois, André H. Carron, professeur à l’Université de Montréal et titulaire de la chaire Bell en recherche interdisciplinaire sur les technologies émergentes et directeur fondateur du Groupe de recherche sur les jeunes, propose un autre fautif à cette cause.
Selon lui, la société de consommation dans laquelle nous élevons nos enfants n’est pas blanche comme neige. Il affirme qu’«il y a eu une transition dans la société, qu’il y a de moins en moins d’enfants et que ceux-ci sont sujets à une plus grande importance au sein de sa famille.» Les enfants étant souvent uniques et du même fait gâtés, ils n’ont plus toujours la notion des limites. Étant à l’affût de la nouveauté et des technologies, ces derniers ne sont plus que rois, mais bien proies dans une société où la consommation est encouragée.
L’arrivée des nouvelles technologies
André H.Carron, admet qu’énormément de choses convergent vers les nouvelles technologies de nos jours. «Il est facile pour un parent, «booké» à la minute près dans son agenda, de recourir aux nouvelles technologies pour faire plaisir à leur enfant». Évoluant dans un milieu où les jeux vidéo, les téléphones cellulaires et les portables sont à la mode, les gamins souhaitent faire partie de ces pratiques. Puis, afin de se déculpabiliser, les parents donnent et donnent encore plus à leur tout petit.
Les deux visages de la technologie
Ce chercheur en technologie soutient que le phénomène des nouvelles technologies a souvent un double sens dans la croyance des parents. M. Carron avoue que lorsque la technologie entre dans une maison, elle apporte généralement un élément de sécurité. «Les parents ont l’impression d’avoir un meilleur contact avec leurs enfants et de la sorte être en mesure de les rejoindre en tout temps». L’autre facette des nouvelles technologies se rapporte aux côtés affectifs que celles-ci peuvent procurer. «Par exemple, un parent écrira des courriels à son enfant lorsqu’il n’est pas à la maison», précise André H. Carron. Ces dernières offrent en conséquence une belle main de cartes aux enfants qui désirent jouer avec les sentiments de leur procréateur pour obtenir un bien technologique. L’encadrement et le respect des règles parentales doivent à ce moment venir en jeu afin de rester en contrôle de la situation.
Il faut jouer le jeu
Expert en la matière, M.Carron affirme que les parents peuvent à leur tour se servir des nouvelles technologies pour développer un certain contrôle sur leur enfant. «Pour un enfant âgé d’environ 3 ans, la télévision est un instrument magique où une image apparaît et disparaît. Alors, pourquoi ne pas lui apprendre à la faire disparaître et s’il le mérite la faire réapparaître», suggère-t-il. De l’ordinateur aux jeux vidéo, les technologies sont immensément attirantes pour les jeunes, il est ainsi important pour les parents de les utiliser comme moyen de contrôle et non le contraire.
L’éducation d’un enfant est souvent loin d’être facile. C’est pourquoi, et encore une fois, l’encadrement et le respect des limites sont les mots d’ordre pour une famille équilibrée.
Les enfants rois: qui sont-ils?
Les enfants capricieux et inattentifs sont de plus en plus nombreux dans les classes du Québec, notamment celles des Laurentides. Ces derniers, étant généralement difficiles à contrôler, sont pointés du doigt en tant qu’enfants rois.
Dans une société où les parents travaillent beaucoup et qu’à leur progéniture se balade plus souvent entre la halte scolaire et l’école qu’à la maison, les enfants deviennent parfois beaucoup moins soumis à l’autorité, surtout à celle qui est extérieure à leur parent. Afin de venir en aide autant aux parents qu’aux professeurs de cette nouvelle génération du trône, Sophie Fortier, psychologue à la Commission scolaire des Laurentides nous ouvre les yeux sur ce phénomène.
Mais qui sont vraiment les enfants-rois?
«Un enfant au comportement prétentieux, qui demande beaucoup d’attention et pour qui les crises font parties de leur quotidien est l’image typique d’un enfant-roi», admet Mme Fortier. Ceux-ci ne connaissant souvent pas le mot patience et étant habitués d’obtenir leurs quatre volontés sur un plateau d’argent ne sont habituellement pas de tout repos dans une classe d’une vingtaine d’élèves. Ce comportement est malheureusement souvent plus présent qu’on le pense et est le résultat de plusieurs causes. «Certains parents aujourd’hui ont plus de difficulté à dire non, à mettre des limites qui doivent être respectées» explique cette psychologue. Ce type d’éducation fait en sorte que les enfants «gâtés» ne sont pas habitués à vivre une quelconque frustration et ont ainsi une difficulté à composer avec une autorité telle que celle de leur professeur.
Que peut-on faire?
«Une des premières choses à mettre en œuvre avec ce type d’enfants est un encadrement constant», propose Sophie Fortier. Les règlements et les conséquences d’un mauvais comportement sont des aspects à travailler lorsqu’en tant que parents ou professeurs nous sommes confrontés à l’attitude des enfants rois. Les principales figures d’autorités pour l’enfant doivent s’allier et présenter à celui-ci les mêmes limites. «Pour avoir un travail efficace, il faut que ce soit autant à l’école qu’à la maison» affirme cette psychologue. Le travail d’équipe est d’une immense importance et «il est tout aussi essentiel que les parents prennent conscience qu’il faut mettre un cadre et des limites à leur enfant». Mme Fortier soutient aussi que «ce n’est pas parce que l’on contraint son enfant qu’on le punit, il faut le préparer à la vie d’adulte où l’on ne fait pas toujours ce qu’on veut.»
Un phénomène de société
Sophie Fortier pose une certaine emphase sur la société dans laquelle on élève nos enfants. «Les parents travaillent beaucoup et vont souvent acquiescer aux demandes de leur enfant par simple culpabilité», admet-elle. Nous sommes dans une société où tout va très vite et où le temps est précieux, étant souvent sur le qui-vive, maman et papa ont ainsi souvent peur de déplaire à leur enfant et faire face à leur réaction.
Encadrement, constance et limite sont en conclusion les mots d’ordre pour régler les problèmes de comportements des enfants rois.
Les professeurs d’aujourd’hui ont du pain sur la planche lorsqu’il est question de gérer une classe d’enfants souvent différents les uns des autres. Entre les enfants rois, les hyperactifs, les lunatiques, ceux dans la moyenne et les surdoués, il est difficile de trouver un juste milieu pour leur offrir un enseignement répondant aux besoins de chacun.
Afin de mieux comprendre les réalités de l’enseignement, Julie Corbeil, professeur de 6e année à l’école de La Vallée de Saint-Sauveur, Martin Robert, professeur d’anglais à l’école Fleurs des Neiges de Saint-Agathe, et Yves Parentaux, attaché de presse de l’alliance des professeurs de Montréal et conseiller syndical lèvent le voile sur ce qui se passe vraiment dans les classes de vos enfants.
Depuis la dernière réforme exigeant une diminution des élèves dans les classes, les enseignants notent toutefois une hausse des enfants ayant un trouble d’apprentissage, de comportement et de déficit d’attention. Yves Parentaux avoue que les écoles posent souvent l’étiquette de l’enfant roi aux enfants qui ont en réalité un vrai trouble d’apprentissage. «Certains professionnels de l’éducation croient souvent que le petit garçon au fond de la classe qui demande autant d’attention est un enfant gâté et capricieux, pourtant ce dernier a peut-être seulement besoin de lunettes.» affirme M. Parentaux. Les diagnostics trop rapides peuvent malencontreusement entraîner des retards d’apprentissages chez beaucoup d’élèves. «Avant de qualifier un enfant de roi, il est très important de le regarder agir, de s’assurer que son comportement n’est pas dû à une autre cause.» atteste cet attaché de presse de l’alliance des professeurs de Montréal. Ce dernier admet aussi qu’il est vrai que les classes regorgent d’enfant à problèmes, mais qu’il y a par contre probablement moins d’enfants roi qu’on ne le croit. Pour sa part, Julie Corbeil atteste que le nombre d’enfants en difficulté ne fait qu’augmenter avec les années. «Ce n’est plus les classes d’il y a dix ans», affirme-t-elle en riant. Selon Yves Parentaux, les médecins remarquent aussi une augmentation de cas détectés lorsqu’il est question de trouble de comportement ou d’apprentissage. «Auparavant, ces enfants passaient sous le chapeau des enfants rois, mais c’est un véritable problème neurologique.» De plus, n’ayant plus le pouvoir de faire redoubler les enfants en difficulté sous prétexte de ne pas faire de mal à leur estime, Julie Corbeil et Martin Robert avouent que cette nouvelle loi de la réforme n’aide en rien le nombre de comportements déviants dans les classes.
Une implication des parents s.v.p.
Une même réponse est donnée lorsque l’on pose la question : pourquoi croyez-vous qu’il y autant d’enfants rois ou en difficulté d’apprentissage dans les classes d’aujourd’hui? Celle-ci dépeint la réalité de plusieurs parents n’ayant plus l’énergie, le temps et le courage d’éduquer leur enfant tel qu’ils le devraient. Martin Robert, enseignant depuis dix ans, admet que plusieurs parents remettent souvent l’éducation de leur enfant entre les mains des écoles. Le milieu scolaire devient ainsi la cible de plusieurs préjugés et mauvaises opinions de la part des parents si jamais leurs enfants ne suivent pas le moule supposé. Toutefois, de leur côté, les deux professeurs interviewés affirment que l’éducation d’un enfant se fait avant tout à la maison, et que la participation des parents est primordiale. «C’est difficile pour un professeur de pouvoir s’impliquer à l’éducation de certains enfants lorsque les parents sont fermés à la critique et ne participent pas en retour.» admet Julie Corbeil. C’est pourquoi les enseignants insistent sur le fait que le respect des limites et des autres font partie du rôle parental avant tout.
De l’amour et de l’attention
Bien que les enfants en difficulté ne soient pas la grande majorité des élèves dans les classes, ceux-ci prennent beaucoup de place et demandent énormément d’attention de la part des professeurs. En guise de conclusion, Julie Corbeil, Martin Robert et Yves Parentaux invitent les parents à aimer leur enfant et à leur démontrer. «Ils ont un énorme besoin d’attention qui doit être comblé de manière affective et non matérielle» soulève Monsieur Parentaux. Alors jouez, dansez, coloriez, chantez avec vos enfants!