L’immigration de Bhoutanais dans les Laurentides
Par julie-laroque
Saint-Jérôme, terre d’accueil
Dans un quartier au sud de Saint-Jérôme où se rangent quelques centaines de semi détachés, un événement bien particulier s’apprête à avoir lieu. Une famille nombreuse patiente silencieusement sur son balcon, le regard perdu dans l’horizon. Anxieux, le grand-père surnommé affectueusement «papa» est immobile à la fenêtre. Les femmes, divinement belles dans leurs saris colorés, arborent leurs plus beaux bijoux. La journée est très spéciale.
En décembre dernier, la famille des Prasai est atterrie à l’aéroport de Montréal après avoir traversé le monde. Apatrides depuis près de 20 ans, ils font partie d’un groupe ethnique bhoutanais, les Lhotsampas, qui quittent peu à peu leurs camps de réfugiés du Népal. Le Canada en collaboration avec le Haut Commissariat des Nations Unies a accepté de recevoir 5000 Bhoutanais qui seront localisés dans quelques villes du pays dont St-Jérôme. La municipalité laurentienne va recevoir pas moins de 300 d’entre eux au cours des trois prochaines années. «Le premier groupe de Bhoutanais est arrivé en décembre, en pleine tempête de neige, sans famille pour les accueillir. Pour les futurs immigrants, la situation sera différente», explique Line Chaloux, directrice de l’organisme d’accueil pour immigrants, Le Coffret.
Aujourd’hui, celle-ci aura le privilège d’assister à des retrouvailles. La famille des Prasai reçoit une partie de leurs proches qui arrive en ce moment du Népal et desquels ils ont été séparés durant sept mois. Line veille au bon déroulement de l’intégration des réfugiés qui devront s’installer dans un appartement et quelques semaines plus tard amorcer des cours de francisation. Plusieurs peuvent s’exprimer en anglais, mais le Népali était la langue d’usage dans les camps.
Marie-France Prévost enseignante depuis près de 30 ans en francisation au Cégep St-Jérôme explique que les débuts avec la première cohorte bhoutanaise n’ont pas été de tout repos pour les professeurs: «C’est assez complexe, car ces gens ont des degrés d’éducation très variés puisqu’ils ont passé presque les 20 dernières années de leur vie dans des camps sans institutions scolaires. Là-bas, les gens s’organisaient entre eux pour assurer l’apprentissage des plus jeunes. Plusieurs d’entre eux sont carrément analphabètes.»
Réunion au bout du monde
Alors que le soleil se couche lentement sur les Laurentides, les enfants s’amusent avec un ballon devant la maison. Nés dans les camps de réfugiés du Népal, leur nationalité est indéfinie, mais de toute évidence, ce détail ne les empêche pas d’avoir du plaisir. Les adultes deviennent, pour leur part, de plus en plus sérieux sur le balcon. Le groupe de nouveaux arrivants se fait attendre. La jeune Pampha, 20 ans, a quant à elle le sourire aux lèvres: «J’ai très hâte de revoir mon oncle et mes cousins!», lance-t-elle dans un anglais approximatif.
Au même moment, un petit autobus blanc tourne le coin de la rue et les plus jeunes se précipitent vers la rue. Les secondes semblent s’éterniser avant que les confrères bhoutanais ne franchissent finalement la porte du véhicule. Puis, tout le monde se retrouve dans les bras les uns des autres. Un silence rempli d’émotion s’installe et des larmes s’accrochent au bord des yeux. Le groupe montre des visages heureux de retrouver leurs parents, mais fatigués de la course autour du monde qu’ils viennent de compléter.
«Quand les gens partent du Népal, il y a trois jours de voyage qui les attendent. Alors, ils perdent la notion du temps et perdent la notion d’espace, puisque le Québec n’est pas connu au Népal, rappelle Line Chaloux. Lorsqu’ils débarquent ici, ils sont assez perdus! Mais je crois que l’intégration va bien se faire. Ils ont de la famille pour les aider.»
La femme qui est derrière l’organisation de l’intégration des nouveaux réfugiés en sol jérômien rassure la famille et leur conseille de se reposer. Elle rappelle que dans deux jours ils rencontreront le service d’immigration. Fiers d’avoir retrouvé leurs proches, ils joignent leur main près du cœur et saluent la dame d’un mot largement utilisé dans les pays d’Asie du Sud: «Namaste!». Line les quitte, satisfaite. «Ce sont des gens très pacifiques, très tolérants et qui ont une patience d’ange. On espère qu’ils vont déteindre un peu sur nous!» D’ailleurs, les Jérômiens peuvent être jumelé à un nouvel arrivant pour s’imprégner de leur culture et, bien entendu, partager la leur. Pour réaliser ce projet, il suffit de s’adresser à l’organisme Le Coffret qui se fera un plaisir de provoquer cette rencontre culturelle.