Poursuite de 15 M$ contre des CHSLD des Laurentides
Par Aurélie Moulun
Le 8 novembre, deux familles s’ajoutaient à la poursuite intentée envers des CHSLD des Laurentides et le gouvernement du Québec, qui est passée de 9 M$ à 15 M$.
En septembre dernier, trois membres avaient déposé une poursuite civile. Emmanoel Makris, Vickie Vassiliki Makris et Patrick Dumont ont vécu le décès de leur père ou de leur mère en résidence ou en CHSLD en 2020 dans des conditions « lamentables », explique Patrick Dumont, un des demandeurs dans la poursuite. À la poursuite s’ajoutent désormais François Bourassa, fils de Louise Caron, et Daniel Lefrançois, fils de Ghislaine Murray.
Chaque famille réclame 3 M$ en dommages compensatoires et punitifs, ce qui porte la poursuite à 15 M$. La poursuite vise la Maison Wilfrid-Grignon à Sainte-Adèle, le Groupe Santé Arbec, le CHSLD Pavillon Philippe-Lapointe à Sainte-Agathe-des-Monts, le CISSS des Laurentides et le gouvernement du Québec.
Plus de poids à la poursuite
M. Dumont considère que l’ajout de ces deux familles aura un impact considérable sur la poursuite. « On a été mis en contact via notre avocat, Me Gérard Samet. Comme les familles avaient des histoires similaires aux nôtres, on a fait une rencontre le 28 octobre dernier », raconte M. Dumont au Journal. Ces familles auraient d’ailleurs des preuves à l’appui, ajoute-t-il. Les événements vécus par les deux nouvelles familles se seraient également déroulées à la Maison Wilfrid-Grignon, d’après Patrick Dumont.
« C’est sûr que ça change la donne. Ça ajoute du poids à la poursuite. Ça démontre à quel point il manquait d’équipements, de formations et que nos aînés vivaient dans un état lamentable », souligne-t-il.
M. Dumont est un vétéran des Forces canadienne. « Les gens vulnérables, il faut les protéger. Je suis un gars très fier. Je veux honorer ces aînés, ces combattants qui sont tombés. C’est important, je ne veux plus jamais que cela se reproduise, jamais », lâche-t-il à l’autre bout du fil.
De son côté, M. Paul Arbec, président-directeur général du groupe Santé Arbec, explique qu’il ne peut se prononcer sur la situation compte tenu de la poursuite. Nous avons aussi tenté de rejoindre le Pavillon Philippe-Lapointe duquel nous n’avons pas eu de réponse au moment d’aller sous presse. Le CISSS des Laurentides, pour sa part, ne souhaite pas accorder d’entrevue sur le sujet.
Des aînés « passés à l’abattoir »
Emmanoel et Vicky Makris sont les enfants de Despina Pafou, résidente à la Maison Wilfrid-Grignon. Elle serait décédée le 17 mai 2020 « sans pouvoir revoir sa famille; éloignée de ses proches aidants, sans recevoir les soins appropriés et totalement isolée », lit-on dans la poursuite déposée en septembre. M. Makris a d’ailleurs fait parvenir une lettre au Journal. « Les personnes tuées dans ce massacre ont laissé des trous indescriptibles dans des familles entières, laissant derrière elles des traces inimaginables de culpabilité du survivant, de douleur incessante, de souffrance émotionnelle et d’autres dommages inconcevables. Car on a laissé impunis ce qui était essentiellement des crimes commis contre nos parents et nos proches », écrit-il dans sa lettre.
Patrick Dumont est le fils d’André Dumont, résident du CHSLD Pavillon Philippe-Lapointe depuis 2016. D’après la poursuite, « les circonstances de la tragédie subie par feue Despina Pafou sont identiques à celles connues par feu André Dumont ». Pour le demandeur, « c’était l’omerta. Il y avait un grand manque de transparence entre les employés et les familles. Pour moi, les baby-boomers sont juste passés à l’abattoir, sans aucune compassion ni empathie », déclare-t-il au Journal.
Deux nouvelles familles
Ghislaine Murray, mère de Daniel Lefrançois, aurait également subi de la négligence de la part du personnel. « Elle m’a raconté qu’elle avait demandé de l’assistance à une préposée pour aller à la toilette et qu’elle attendait depuis 1h30. J’ai finalement joint une employée qui m’a répondu d’appeler le lendemain pour faire une plainte. Je n’en revenais pas de cette réponse. L’employée a fini par monter à la chambre, car j’ai insisté, et c’est là qu’elle a découvert ma mère dans ses excréments depuis 1h30 », raconte Daniel Lefrançois dans une entrevue avec TVA Nouvelles.
Même son de cloche de François Bourassa, fils de Louise Caron. « Ma mère m’a raconté qu’elle n’avait pas eu de bain depuis trois semaines et quand elle a eu la chance d’en avoir un, ils l’ont mis dans l’eau froide. Ma mère a vécu 12 ans avec moi et en la confiant à cette résidence pour aînés, on ne s’attendait pas à vivre des choses comme ça », indique-t-il dans la même entrevue.
Une poursuite pour demander le changement
En plus des dommages compensatoires et punitifs monétaires, Patrick Dumont souhaite voir les choses changer dans les CHSLD et les résidences. Il demande notamment le maintien des recommandations faites par la coroner Gaétane Kamel dans un rapport rendu en mai dernier. « Ça devrait être une personne par chambre. Pas quatre », indique M. Dumont. Il veut également voir des purificateurs d’air dans chaque chambre. « On sait que la COVID se propage par aérosols. C’est important le respect des consignes sanitaires. »
Dans sa lettre, Emmanoel Makris souhaite également apporter un changement. « J’espère qu’un jour, les leçons tirées de la pandémie seront prises à cœur qu’elles seront appliquées de manière responsable et avec beaucoup de soin. Et qu’elles ne se répéteront jamais. »
« Je veux honorer ceux qui sont décédés et changer les choses. Il ne faut pas que ces situations se reproduisent. Je suis prêt à aller jusqu’à la Cour suprême s’il faut », lance avec conviction Patrick Dumont.