(Photo : Nordy - Sébastien Fleurant)

Qualité de l’eau : « C’est la dose qui fait le poison »

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Les PFAS, des contaminants éternels potentiellement cancérigènes, seraient présents dans les sources d’eau des municipalités québécoises, bien qu’en très petite dose. Selon l’émission Enquête du 2 mars, quelques municipalités, dont Saint-Donat et Val-d’Or, ont une concentration inquiétante. Dans les Laurentides, l’eau de Sainte-Adèle tourne autour du seuil proposé par Santé Canada. Mais sur les 463 échantillons prélevés dans 376 municipalités, 99,3 % contenaient des traces de PFAS, révèle une étude de l’Université de Montréal.

Les composés perfluorés (PFAS) sont une famille de molécules d’origine humaine qui sont très stables et qui persistent très longtemps dans l’environnement, indique le site du gouvernement du Québec. Toutefois, leurs impacts sur la santé sont encore incertains et les connaissances scientifiques à leur sujet évoluent rapidement, lit-on.

Vigilance à Sainte-Adèle

Pour la mairesse de Sainte-Adèle, Michèle Lalonde, la situation demande de la vigilance, mais elle n’est pas alarmante. Elle souligne que le premier échantillon pris à Sainte-Adèle avaient une concentration de 32 ng/L de PFAS. Des tests subséquents étaient à 30 ng/L à la source et de 20 ng/L à la sortie (au robinet), ce qui tourne autour du seuil du 30 ng/L proposé par Santé Canada. Notons que Sainte-Adèle puise son eau dans la nappe phréatique, et non dans la rivière du Nord.

« Dans le reportage d’Enquête, ils ne mentionnent nullement le niveau de Sainte-Adèle. Ça laisse présager le pire, ils ont manqué de professionnalisme. Il faut comprendre que ce sont des valeurs guide : ce sont des choses qui font l’objet de discussions. » En Europe, le seuil est à 70 ng/L, donne-t-elle à titre de référence.

La mairesse a déjà rencontré les gens du ministère de l’Environnement du Québec pour discuter des résultats et de la suite. Des échantillons supplémentaires sont au laboratoire de l’Université de Montréal. Les résultats devraient être connus dans quelques semaines. « Nous sommes très vigilants. Sainte-Adèle a toujours été préoccupée par la qualité de son eau », assure Mme Lalonde. La Ville continuera de faire un suivi rigoureux, d’identifier les sources de contamination et de travailler avec la Santé publique.

Présents partout

« Les PFAS sont présents partout dans l’environnement. La population y est exposée par diverses sources. L’alimentation est généralement la principale source d’exposition », apprend-on sur quebec.ca. Beaucoup de produits de consommation en contiennent, dont les mousses utilisées pour éteindre les incendies, des accessoires de cuisine avec une surface antiadhésive, des emballages alimentaires, des produits imperméabilisants ou antitaches utilisés dans les tissus, et des produits cosmétiques et de soins personnels. Selon une étude, même le papier de toilette serait une « source potentiellement importante » de PFAS, rapportait l’AFP la semaine dernière.

Mais ce n’est que depuis récemment que les chercheurs s’intéressent à sa présence dans l’eau potable. Aucune norme n’existe au Québec. Santé Canada, quant à elle, amorce une consultation publique sur la question, et propose un seuil de 30 ng/L. Dans les Laurentides, seule Sainte-Adèle s’approcherait de ce seuil.

« Ça donne le vertige, la quantité de molécules différentes qui peuvent se retrouver dans nos rivières. On connaît le seuil de toxicité de certaines, selon que l’exposition est chronique ou temporaire. C’est vraiment la dose qui fait le poison », explique Philippe Maisonneuve, chargé de projet en qualité de l’eau à la Fondation Rivières.

Connaître notre eau

Fondation Rivières mène présentement une étude sur la rivière du Nord. Mais celle-ci s’intéresse à la qualité bactériologique de l’eau : si des coliformes fécaux s’y trouvent, et si la baignade et les activités nautiques sont sécuritaires. Un peu comme un test sanguin, chaque contaminant qu’on souhaite détecter dans l’eau demande une analyse distincte. Et la détection des PFAS demande des instruments très sophistiqués et des analyses plus coûteuses. De la même manière, « on ne peut pas échantillonner la rivière à chaque endroit, ni à chaque moment. C’est toujours un compromis, pour avoir un portrait représentatif, mais pas d’informations redondantes non plus », explique M. Maisonneuve.

C’est pourquoi Fondation Rivières se concentre sur l’E. coli et ses sources potentielles, comme les surverses lors de fortes pluies. « Notre mandat, c’est que les gens se réapproprient nos rivières et nos cours d’eau. Si on est capables de se baigner et d’avoir un accès public et gratuit, on est plus enclins à protéger nos cours d’eau. »

M. Maisonneuve souligne que, même s’il reste du travail à faire pour bien protéger et connaître nos cours d’eau, beaucoup de progrès ont été réalisés ces dernières décennies. « Avant le Programme d’assainissement des eaux du Québec, en 1978, on ne traitait pas nos eaux usées, du tout. On les rejetait directement dans la nature. » En mai dernier, Radio-Canada rapportait que 81 municipalités du Québec déversent toujours leurs usées dans l’environnement sans les traiter.

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