Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson : Deux citoyens contestent une expulsion
Par Luc Robert
Les frères Christian et Stéphane Graton ont porté plainte auprès de la Commission municipale du Québec (CMQ), relativement à un règlement municipal de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson qui les auraient empêchés de filmer légalement les assemblées locales des élus.
Lors de la séance régulière du lundi 18 septembre dernier, le déroulement a été interrompu par le maire Gilles Boucher.
« Le président [d’assemblée], monsieur Gilles Boucher, constate qu’une personne de l’assistance tient un téléphone cellulaire devant lui et prend en vidéo le maire et les élus, sans l’avoir préalablement avisé. Le maire tente d’expliquer le règlement municipal à cet effet, mais n’y parvient pas. Constatant des manifestations dans l’assistance, il ne parvient pas à se faire entendre et à rétablir l’ordre. Il annonce que les agents de la paix seront appelés immédiatement. Étant 19 h 04, les affaires de l’ordre du jour n’ayant pu être traitées, M. Boucher, annonce l’ajournement de la séance ce même jour, jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli dans la salle », est-il précisé au procès-verbal (projet avant approbation).
Intervention de la SQ
Des agents de la Sûreté du Québec (SQ) se sont en effet présentés sur les lieux pour demander aux citoyens de quitter la salle du conseil.
« On s’est fait sortir par la SQ. Les agents ont été très gentils. Nous leur avons expliqué qu’un article du Code municipal du Québec nous permet de filmer les séances publiques. Ils ont dit comprendre nos doléances, mais de porter plainte à la CMQ. Nous avons obtempéré en quittant sans faire d’histoire. Il n’y avait pas de tumulte dans la salle », a évoqué M. Stéphane Graton.
Pour sa part, le maire Boucher a expliqué ainsi les événements du mois dernier.
« Nous avons une opinion juridique concernant la loi. On peut filmer sous réserve : en demandant la permission au président d’assemblée. Les élus et ceux qui posent des questions peuvent être vus, mais pas les autres gens dans la salle. Or, c’était le cas ici. On veut éviter que seuls des petits bouts de vidéos soient ensuite publiés sur les médias sociaux et soient présentés hors-contexte. Nous n’avons rien à cacher », a-t-il précisé.
Selon la loi
Vérification faite auprès de l’organisme provincial, il existe un article de loi du code au sujet des captations d’images et de son en assemblée municipale. L’article 149.1 se lit ainsi :
« Toute personne peut, lors d’une séance du conseil, capter des images ou des sons au moyen d’un appareil technologique. Le conseil peut, en application du paragraphe 2° de l’article 491, prévoir des règles visant à ce que l’utilisation des appareils technologiques ne nuise pas au bon déroulement des séances. Malgré le premier alinéa, le conseil peut interdire la captation d’images ou de sons si l’enregistrement vidéo de chaque séance est diffusé gratuitement sur le site Internet de la municipalité ou sur tout autre site Internet désigné par résolution de cette dernière. L’enregistrement vidéo doit être ainsi disponible à compter du jour ouvrable suivant celui où la séance a pris fin, pour une période minimale de cinq ans. »
Cette description laisse interpréter aux frères Graton qu’ils aurait été dans leur droit d’avoir agi ainsi.
« Il est indiqué sur le site de la ville que leurs séances ont lieu en présentiel. Et pourtant, elles ne sont pas diffusées le prochain jour ouvrable suivant en vidéo, ni plus tard, tel que prescrit par la loi. Nous voulons documenter les commentaires et décisions qui sont prises [par les édiles], pour être certain que tout soit dans l’ordre. Nous serons encore présents à la prochaine séance du 16 octobre et quelqu’un exercera notre droit légal de filmer. Notre plainte suit son cours pour les événements du 18 septembre dernier », a spécifié M. Graton.
Poursuite des procédures
À Québec, la CMQ s’est faite avare de commentaires au sujet de l’expulsion.
« La Commission ne donne pas d’avis juridique. Le cadre légal applicable concernant l’enregistrement des séances du conseil prévoit les règles en la matière. Je ne peux pas commenter une situation particulière comme vous le demander », a répondu M. David Dusseault, du services des communications à la CMQ.
À 19 h 44, la deuxième partie du procès-verbal du 18 septembre (projet avant approbation) relate que « l’ordre [étant] rétabli dans l’assistance, suivant l’expulsion de deux personnes par les agents de la paix appelés à intervenir, le conseil [a repris] sa place dans la salle du conseil. M. Gilles Boucher [a constaté] le quorum à 7 membres et la poursuite de l’ordre du jour à compter du point 4 ».
Précédent
En mai 2017, une captation vidéo similaire s’était produite au conseil municipal de Val-David. La municipalité ayant précédemment revu ses règles de fonctionnement, son nouveau règlement interdisait aux citoyens d’enregistrer, de filmer ou de prendre des photos lors des rencontres publiques de leurs élus, à moins d’obtenir une autorisation écrite. Seuls les médias étaient exemptés de cette interdiction.
Dans une missive envoyée ensuite aux élus, le commissaire aux plaintes, M. Richard Villeneuve, avait prévenu que cette interdiction « ne semblait pas se conformer » au Code municipal, en soulignant que « la Cour supérieure pourrait éventuellement invalider l’article 52, considérant la nature publique des séances du conseil ». Le Ministère avait invité Val-David à revoir son règlement, « pour éviter une contestation en cour ».