Les saveurs de la forêt
« Quand j’ai commencé à apprendre ce qu’on pouvait manger en forêt, j’ai comme développé une espèce de passion ou d’obsession », raconte Laurence Burton, qui a fondé l’entreprise Un goût de forêt en 2019. À travers des ateliers et des randonnées guidées, elle transmet aujourd’hui cette passion en faisant connaître les plantes sauvages comestibles du Québec.
Cueillir dans les Laurentides
La cueillette par excellence à la fin de l’automne et durant l’hiver, ce sont les conifères, qu’on retrouve en grande quantité dans les Laurentides, nous dit Laurence. L’auteure du livre Un goût de forêt : Identifier, récolter et régénérer les plantes comestibles du Québec donne l’exemple du sapin baumier, de l’épinette et du thuya, mieux connu sous le nom du cèdre. Les conifères peuvent être utilisés pour faire des tisanes durant la saison froide ou servir d’épices, indique Laurence.
« Parfois, je fais des légumes au four sur une plaque. Puis, je mets des petits bouts de sapin, d’épinette ou du thuya. Un peu comme si tu mettais des petits morceaux de romarin », explique-t-elle. Le thuya peut aussi être utilisé pour aromatiser son café ou apprêté avec du poisson. « Tu l’ouvres en deux, tu mets le thuya à l’intérieur et ça crée un effet de vapeur », dit-elle. « Les conifères, c’est souvent en remplacement du romarin. Mais on dit parfois qu’ils vont avoir un petit côté agrume », précise l’auteure.
Avec le sapin baumier, Laurence fait sécher les aiguilles de sapin, puis les broie dans un moulin à café. Ça devient alors une poudre qu’elle passe au tamis. « La sapin, une fois séché, ça s’en va presque vers le sucré. Je mets ça dans des recettes de crêpes ou de biscuits, c’est vraiment bon. »
Saveurs originales
Ce qui est cueilli dans la forêt peut donc servir à remplacer des aliments que l’on connaît déjà, comme le romarin ou le citron. Mais les plantes sauvages proposent aussi des saveurs uniques. Le thé des bois et le petit thé, des plantes que l’on retrouve aussi dans les Laurentides, offrent « un mélange de menthe sucrée », qui se rapproche même du goût des paparmanes, illustre Laurence. « Je n’ai jamais retrouvé ça à l’épicerie », dit-elle.
L’auteure mentionne aussi le myrique baumier et le poivre des dunes, des épices qui rappellent le poivre, mais qui possèdent leur propre goût unique, et qui sont souvent utilisés dans des marinades sèches. « On va chercher des saveurs qu’il n’y a pas à l’épicerie ou au restaurant. Les gens qui veulent cuisiner avec ça vont vraiment pouvoir faire découvrir des saveurs complètement différentes aux gens », résume Laurence.
Cueillette éthique et sécuritaire
Quand on cueille, il y a des règles et des précautions à prendre, notamment au niveau de la sécurité et au niveau éthique. D’abord, la règle la plus importante, c’est d’être certain de son identification de la plante. L’auteure donne l’exemple du sapin baumier, qui pourrait être confondu avec un autre conifère du Québec qui est toxique, l’if du Canada. « Ça ressemble à un bébé sapin. Donc, dans mes cours, je dis toujours aux gens qu’il faut cueillir sur un grand arbre, avec un tronc bien droit », explique-t-elle. « Il faut être sûr de son identification, parce qu’il y a des plantes et des arbres mortels. Dans le doute, on s’abstient tout le temps. »
Une fois la plante identifiée, il faut rester prudent et s’informer sur celle-ci. Laurence explique que les plantes possèdent des composés chimiques qui peuvent notamment causer des allergies. Les plantes peuvent aussi interagir avec des médicaments ou être déconseillées pour les femmes enceintes. Enfin, il faut faire attention à l’endroit où l’on cueille une plante. « Sur les bords d’autoroute, il y a souvent des plantes intéressantes. Mais plein de polluants se sont accumulés, donc au final, tu te fais plus de mal que de bien. »
Au niveau éthique, il est important d’éviter la cueillette à outrance ou la surconsommation. La fondatrice d’Un goût de forêt donne l’exemple de l’ail des bois. Dans les années 1990, cette plante était devenue tellement populaire que sa commercialisation avait failli entraîné la disparition de l’espèce. L’auteure propose la règle de trois, lorsqu’on cueille une plante : « un pour moi, un pour la plante et un pour les animaux et les insectes ». Cela signifie qu’on « ne prend jamais plus que le tiers de ce qu’on a devant nous ». Laurence appelle aussi les gens à se servir de leur « bon sens », et d’y aller avec leurs besoins et d’éviter le gaspillage.
Laurence Burton donnera une formation dans les Laurentides en décembre. La date reste à confirmer, et sera éventuellement indiquée sur le site web d’Un goût de forêt. « On va travailler avec les épices sauvages boréales. Les gens vont pouvoir faire leur propre tisane boréale et pourront repartir avec leur petit paquet de tisane, s’ils veulent le donner en cadeau pour Noël », précise Laurence au sujet de la formation.
Pour connaître la recette de biscuits à l’avoine au sapin baumier de Laurence Burton, c’est juste ici.