2 ministres parlent à Accès
Par Thomas Gallenne
La famille et les aînés au centre des préoccupations du gouvernement
À une époque où les familles courent toujours plus pour joindre les deux bouts, entre leurs obligations familiales et professionnelles, qu’en est-il de la conciliation travail-famille et du sort que l’on réserve à nos aînés. Accès s’est entretenu sur ces sujets avec les deux ministres concernées par ces dossiers, lors de leur visite dans les Laurentides.
25 000$ pour le vieillissement actif
En visite à Prévost le 19 août dernier, la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, a fait l’annonce d’un versement d’une somme de 24 580$ à la Maison d’entraide de Prévost pour un projet destiné à favoriser le vieillissement actif.
Intitulé «Doux souvenirs…Nos aînés se racontent», ce projet consiste à coordonner les réalisations des aînés de la ville de Prévost en un recueil de souvenirs. L’organisme désire ainsi mettre à contribution l’expérience culturelle et humaine des aînés afin que leur parcours ait un écho auprès des générations montantes et futures.
«25 000$ pour que les ainés se racontent, stimulent leur mémoire et transmettent leur savoir aux prochaines générations, voilà un projet qui cadre parfaitement dans la stratégie de mon ministère», a déclaré Marguerite Blais. C’est aussi une façon de connaître un peu mieux l’histoire du Québec, quelque peu négligée selon elle.
Changer de paradigme
Ce projet participe également au maintien des aînés à domicile, comme tient à le souligner la ministre Blais: «On s’en va de plus en plus vers des services à domicile qui coûtent moins cher que les services hospitaliers, on n’a pas le choix.» Au regard des prévisions démographiques, le Québec connaîtra le vieillissement de sa population le plus marqué, juste après le Japon. «Je souhaite miser sur une approche sociale, bien plus que médicale, insiste la ministre responsable des Aînés. C’est un virage que le Québec est en train de prendre et on n’aura d’autres choix que de changer de paradigme.» Quant au traitement réservé à quelques aînés dans certains CHSLD, ces derniers mois, Mme Blais dit ne pas «comprendre qu’on pose de tels gestes envers des gens aussi vulnérables».
Une responsabilité partagée
Selon elle, la place et le traitement réservés à nos aînés interpellent l’ensemble de la société québécoise et pas seulement le gouvernement, lequel ne pourra résoudre tous les problèmes face à l’accélération du vieillissement. «C’est un enjeu collectif qui engage aussi la responsabilité des familles, avance la ministre. Je sais qu’on s’attaque à un éléphant et qu’on vit dans une société individualiste. Mais je me sens une âme de missionnaire!» Malgré les défis auxquels elle fait face, la ministre compte bien aller de l’avant. «On est en train d’élaborer une politique des aînés et qu’on devrait sortir au printemps 2012, avec ma collègue Dominique Vien, ministre déléguée aux Services sociaux.» Mme Blais ajoute du même souffle: «les organismes communautaires et les tables régionales de concertation des aînés sont des partenaires de premier plan pour le mieux-être des personnes aînées et ils méritent notre plein soutien».
Marguerite Blais rappelle finalement que pour l’année financière 2010-2011, le ministère de la Famille et des Aînés consacre 11M$ à l’amélioration des conditions de vie des personnes aînées.
Yolande James discute
conciliation Travail-famille
La ministre de la Famille Yolande James a rencontré des employés de la Station Mont Tremblant le 30 août dernier. Le communiqué de son ministère indique que «ces rencontres s’inscrivent dans le cadre d’une tournée provinciale qu’effectue Mme James afin de discuter avec les Québécois et les Québécoises des défis liés à la conciliation travail-famille». Questionnée sur ces défis, la ministre s’est cantonnée à «la cassette», revenant sur l’augmentation des femmes sur le marché du travail, l’implication grandissante des pères aux tâches parentales, mais aussi sur la responsabilité des familles envers leurs enfants et leurs aînés. Insistant sur les défis qu’elle avait pu identifier depuis le début de sa tournée, la ministre a éludé la question d’un sophisme implacable: «C’est difficile à cerner car selon la réalité de chaque personne, les défis ne sont pas les mêmes». On peut s’interroger sur la pertinence et l’efficacité d’une telle tournée, à moins que les objectifs soient ailleurs.
Une tournée en catimini?
Interrogée sur la façon dont l’information recueillie durant cette tournée serait traitée, Yolande James a simplement répondu que son ministère s’en occuperait. Y aura-t-il des comités de réflexion, de travail, en concertation avec les partenaires «naturels», reliés directement au dossier de la conciliation travail-famille, tels que les représentants des employés, des entreprises? Semble-t-il que non, rien n’est prévu de ce côté-là. De son propre aveu, la ministre reconnaît d’ailleurs que le ministère de la Famille a le défi de créer un lien avec les entreprises car «il n’est pas naturel».
Il semblerait que celui avec les syndicats ne le soit pas d’avantage. «Vous m’apprenez la chose!», répond avec grand étonnement la vice-présidente de la Confédération des syndicats nationaux, responsable du dossier sur la conciliation travail-famille, Denise Boucher, au sujet de la tournée de la ministre de la Famille. Selon Mme Boucher, la CSN se serait volontiers jointe aux réflexions, si elle en avait été invitée. Elle admet en outre que le ministère de la Famille a un sérieux travail de relation publique à faire: «Cela aurait été la moindre des choses que des partenaires au dossier de la conciliation travail-famille tels que le patronat, les chambres de commerces et les syndicats, participent à cette réflexion.»
Une approche contradictoire
Yolande James ajoute qu’elle va poursuivre sa tournée, se faire une tête sur le dossier de la conciliation travail-famille et prendre des décisions par la suite. «Ce que je retiens pour l’instant de cette tournée-là, c’est que les trois piliers de la politique familiale québécoise (le congé parental, les services de garde et le soutien aux enfants) sont très présents dans les discussions, précise-t-elle. Et on va poursuivre la réflexion sur nos façons de faire, sur ce qui peut être amélioré.»
Toutefois, force est de constater que les familles doivent courir toujours plus, pour faire face à leurs obligations tant familiales que professionnelles. N’est-ce pas encore aux familles de s’adapter aux contraintes professionnelles et non l’inverse? «Le contexte économique actuel au Québec, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée fait en sorte que les employés ont un avantage important dans la négociation de leurs conditions de travail, croit Mme James. Et dans ce contexte particulier, l’employeur doit être en mesure d’offrir un salaire et des horaires satisfaisants.»
«Voyons donc, s’insurge Denise Boucher. De dire ça, cela revient à faire porter le fardeau sur les travailleurs qui doivent »magasiner » les meilleures conditions de travail en fonction de leurs contraintes familiales.» Cette dernière rappelle que la CSN demande depuis les années 2000 que le gouvernement éta
blisse une loi-cadre, afin d’obliger les entreprises à faire un portrait de la situation des employés, en partenariat avec les syndicats. «Souvent, les entreprises sont plus intéressées à établir des normes de type ISO, explique la vice-présidente à la CSN. Mais quand c’est un exercice qui est fait sur une base volontaire, ça ne fonctionne pas. Il faut obliger les employeurs à atteindre des objectifs, en fonction d’un plan établit dans un cadre.»
Sur la question de l’augmentation du nombre de congés payés, la ministre James a déclaré que cela ne faisait pas partie des préoccupations qu’elle a entendu. «Deux semaines de congé par année, le minimum imposé dans la loi, pensez-y cinq minutes, lance Mme Boucher. C’est pas beaucoup.»
Denise Boucher pense que le débat sur la conciliation travail-famille reste tout entier. «Lors de la campagne électorale de 2003, tous les candidats se faisaient gorge-chaude de la conciliation travail-famille, rappelle-t-elle. Depuis, plus rien.»