Contrats donnés par appel d'offres sur invitation

Par Thomas Gallenne

Qui sont les bénéficiaires?

Suite à l’article du journal paru le 3 juillet dernier concernant des allégations d’élections clés en main avancées par d’anciens organisateurs de campagne de l’Équipe Linda Fortier en 2009, d’autres questions sont soulevées dans l’octroi de contrats à des fournisseurs de services professionnels.

Conformément à la Loi sur les cités et villes (L.R.Q. c. C-19), une municipalité doit, pour octroyer tout contrat de services, de construction ou d’approvisionnement, à moins d’une exception prévue à la loi, procéder par appel d’offres par voie d’invitation écrite lorsque

le montant de la dépense se situe entre

25 000$ et 99 999$ ou par appel d’offres publics lorsque la dépense est supérieure à

100 000$.

Or, on a appris que la Loi peut être facilement contournée. En effet, l’ex vice-président au développement des affaires à la firme de génie-conseil Roche de 1995 à 2005 Gilles Cloutier a expliqué à la commission Charbonneau qu’il pouvait s’organiser avec d’autres firmes de génie pour obtenir une «soumission de complaisance». La répartition du montant du contrat se faisait alors selon la règle du 80/20: 80% pour la firme obtenant le contrat et 20% pour la firme complaisante ou 60/20/20 si elles étaient trois à soumissionner.

Des firmes collusionnaires?

Selon le procès-verbal de la séance ordinaire du conseil municipal tenue le 15 mars 2010, disponible sur le site internet de la Ville de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, il apparaît que suite a un appel d’offres sur invitation à Axor, BPR-Triax et Roche, c’est cette dernière qui – selon la règle du plus bas soumissionnaire – a obtenu par résolution un mandat pour fournir des services professionnels d’accompagnement pour les infrastructures municipales et civiles en ingénierie. Selon un tableau, la moyenne des taux horaires soumis étaient de 96$ pour Roche, 96,66$ pour Axor et 100$ pour BPR-Triax. «La différence de 66 cents entre Roche et Axor est frappante», souligne avec ironie Gilles Boucher, chef de l’Équipe du même nom et qui se présente au poste de maire à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson.

À la même séance, le conseil a accepté la soumission de Roche pour un projet de réhabilitation et/ou réfection de ses infrastructures d’aqueduc et de voirie sur quatre rues, au montant de 81 594,69$. Roche était le plus bas soumissionnaire devant BPR-Triax

(88 400$), Axor ayant décliné l’invitation. Le tout était conditionnel à l’octroi d’une aide financière par le programme PRECO. On sait cependant que les firmes de génie pouvaient étendre leur pouvoir d’influence au sein des gouvernements afin d’obtenir ces subventions.

Or Roche, Axor et BPR-Triax ont défrayé les manchettes ces dernières années, pour avoir trempé dans des systèmes de collusion bien organisés. Ces firmes ou certains de leurs dirigeants ont d’ailleurs été accusés de fraude, complot, abus de confiance, influence d’un fonctionnaire municipal, pots-de-vin, emploi d’un document contrefait suite à des enquêtes menées par l’Unité Permanente Anticorruption (UPAC).

Des montants substantiels

De mars 2010 jusqu’à avril 2013, sur 18 résolutions apparaissant sur les procès-verbaux de la Ville, Roche est concernée 17 fois. L’autre résolution concerne la firme Génivar le 17 septembre 2012 afin d’émettre un rapport d’expertise sur la mise aux normes du Centre culturel, au coût de 21 500$.

Selon l’état des comptes payés obtenu par l’Équipe Boucher en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et dont nous avons eu copie, il

apparaît que la firme Roche inc. aurait obtenu par résolution du conseil de ville de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson des sommes totalisant 266 319$, entre septembre 2010 et avril 2013.

Du 18 janvier 2010 au 21 mai 2013, la Ville a accordé 16 mandats par résolution et d’autres de gré à gré au cabinet d’avocats  Dunton Rainville, pour un montant total de près de 200 000$, payés en 27 paiements entre juillet 2010 et mai 2013. On se souviendra que l’ancien organisateur de la campagne de l’Équipe Linda Fortier, André Beaulieu, avait dit que Daniel Brazeau, vice-président chez Roche avait «amené dans son sillage» cette firme d’avocats.

Durant cette même période, le cabinet de notaires Voizard, Voizard et Vallée aurait reçu huit mandats par résolutions – tous en 2010 –  dont les montants n’étaient pas pré-établis, et certains autres de gré à gré. La facture totale dépasserait 20 000$.

Selon quelques directeurs généraux de municipalités, il n’est pas rare qu’une ville fasse affaire avec une firme d’avocats spécialisée en droit municipal pour le traitement des contentieux, la connaissance des dossiers étant un atout. En revanche, pour les plus petits contrats concernant des actes notariés par exemple, les municipalités contactées effectuaient une rotation auprès des notaires de leur région pour des questions «d’équité».

L’opposition a assuré qu’elle ne manquera pas de questionner l’administration massonaise au sujet de ces contrats dans les prochaines semaines.

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