Crise des médias : Une discussion nationale sur l’avenir de l’information locale

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

La Fédération nationale de la culture et des communications (FNCC-CSN) était de passage à Sainte-Adèle, mercredi 19 février, pour tenir une table de discussion sur la crise des médias et l’importance de l’information locale. La FNCC fait présentement une tournée provinciale sur le thème L’information est un bien public. La discussion était animée par Pierre Tousignant, vice-président secteur communications, et Mathieu Fraser-Lasnier, secrétaire général et trésorier.

Le printemps dernier, a expliqué M. Tousignant, la FNCC a commencé une réflexion sur la crise des médias. Cette crise est d’abord causée par la présence des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), alors que les revenus publicitaires ont migré des médias traditionnels vers ces nouvelles plateformes numériques.

800 M$ de moins

En 10 ans, les médias d’information canadiens ont perdu près de 800 M$ de leurs revenus. Ces pertes se répartissent comme suit :

  • Hebdomadaires : 114 M$ (-56 %)
  • Quotidiens (journaux) : 373 M$ (-71 %)
  • Magazines : 115 M$ (-85 %)
  • Radios : 65 M$ (-22 %)
  • Télévisions : 125 M$ (-17 %)

En 18 ans, le secteur de l’édition de journaux est passée de 14 000 à 5 000 salariés. De 2008 à 2021, 450 médias d’information ont fermé. De 2010 à 2023, le nombre d’hebdomadaires est passé de 175 à 95. Et si 69 MRC étaient desservies par un média en 2010, ce chiffre avait baissé à 65 MRC en 2023.

Parmi les menaces à une information locale de qualité, la FNCC a identifié le mélange des genres et des sources, ce qui soulève des enjeux d’éthique et de crédibilité pour les médias. Aussi, l’essentiel de l’information en ligne a maintenant une apparence de gratuité, ce qui peut masquer les intentions de ceux qui les diffusent et des plateformes où elles sont diffusées. Enfin, les GAFAM ne respectent pas les cadres nationaux, se considérant comme des entités supranationales sans comptes à rendre.

Entreprises privées, mais contenu public

« Une fois qu’on a fait ce constat-là, on fait quoi ? », demande M. Tousignant. Ainsi, l’objectif de la tournée de la FNCC est « d’engager une discussion », afin de garder « la presse vivante aux quatre coins du Québec ». Selon l’ancien journaliste, il s’agit d’un enjeu de société qui nécessite un débat important. « Les médias sont des entreprises privées, mais leur contenu est public. »

« De plus en plus de communautés n’ont même plus aucun média. Notre prétention, c’est de dire qu’une communauté sans média, c’est un peu comme une communauté sans commerce et sans école : c’est une communauté qui s’éteint. Elle se parle moins. » M. Tousignant souligne aussi le rôle de reddition de comptes des médias. En questionnant et en obligeant les élus et les acteurs de la communauté à rendre des comptes, les médias permettent aux citoyens de prendre des décisions informées.

Après sa tournée québécoise, la FNCC produira un rapport « de l’ensemble des régions » qui sera accessible au public.

Pistes de solution

Parmi les solutions évoquées par la FNCC, on souhaite amener les municipalités à adopter la déclaration « Ma ville appuie l’information locale ». Rappelons cependant que, dû à l’inflation des dernières années, les municipalités ont peu de marge de manoeuvre budgétaire. Comme nous le rapportions dans nos pages, plusieurs municipalités ont dû réduire leurs services tout en augmentant leurs taxes foncières dans leur budget 2025.

La FNCC propose aussi l’adoption d’une politique gouvernementale d’achat publicitaire dans les médias d’information. Notons toutefois que tant le gouvernement du Canada que la CAQ ont récemment recommencé à acheter de la publicité sur les plateformes de Meta, mettant fin à leur boycottage commencé à l’été 2023, lorsque l’entreprise américaine avait bloqué les médias canadiens de ses plateformes.

D’autres solutions évoquées par la FNCC et lors des discussions comprennent le déploiement d’un « infofrais » sur les appareils par lesquelles on accède à l’information (cellulaires, tablettes, etc.), de meilleurs crédits d’impôt pour l’achat de publicités dans les médias d’information, et la création de fils d’actualité régionaux, afin de rendre l’information locale plus accessible.

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