La Commission Mourir dans la dignité clos sa tournée à Saint-Jérôme
Par nathalie-deraspe
La Commission Mourir dans la dignité a terminé sa tournée provinciale par une visite de la capitale régionale. Les commissaires ont profité de leur passage à Saint-Jérôme pour voir le travail qui se faisait à la maison de soins palliatifs de la rivière du nord.
Plusieurs mémoires ont été présentés au cours de la journée. Palliacco des Sommets, un organisme à but non lucratif situé à Mont-Tremblant, recommande que les personnes en fin de vie aient le choix de l’endroit où être soignées et mourir, en plus d’avoir le choix de recevoir ou non les traitements suggérés. L’organisme aspire à ce que tout individu puisse bénéficier de tous les traitements possibles, peu importe sa situation financière. « La notion de choix nous apparaît être la pierre angulaire de la dignité. On devrait toujours laisser à la personne en fin de vie le pouvoir de ses derniers moments », peut-on lire dans le document.
La Table de réflexion et d’action de retraités et d’aînés, plus communément appelée la TRARA, se fie sur les expériences de la Belgique et des Pays-Bas pour asseoir certaines de ses recommandations. Unanimement, les membres du comité ad hoc, composé de 8 personnes, se sont prononcés en faveur de la légalisation du suicide assisté. Cela, moyennant certaines conditions. Il semble opportun aux yeux de l’organisme, d’encadrer ces pratiques en établissant des critères bien définis et de confier à une équipe de professionnels dûment formés, le support à offrir à la personne nécessiteuse et à son entourage.
Pour la Table régionale des aînés, plusieurs choses doivent être entreprises avant d’aller de l’avant avec l’euthanasie ou le suicide assisté. Il faut d’abord et avant tout s’assurer que la personne malade a signifié sa volonté de mettre fin à ses jours et ce, dans un contexte de libre arbitre. Selon l’organisme, il faudrait de plus procéder à au moins deux évaluations médicales et enfin, s’assurer que la personne bénéficie d’un accompagnement qui réponde à ses besoins et à ceux de ses proches de la part de professionnels. Bien que tous les membres de la Table aient été invités à se prononcer sur la question, seuls quelques-uns d’entre eux ont répondu à l’appel.
De son côté, la Maison de soins palliatifs de la rivière du Nord craint des dérives. « L’expertise en soins palliatifs de même que l’accès à certains soins spécialisés étant inégaux, cette solution pourrait être demandée et autorisée plus rapidement dans les équipes moins bien pourvues. » Par conséquent, l’organisme estime qu’il serait dangereux d’autoriser de telles mesures.
C’est ce que défend André Fortin qui, en son nom personnel, est venu offrir un long plaidoyer en faveur de la vie. Ce dernier craint tout autant des dérives du système et va jusqu’à craindre que des médecins soient tôt ou tard tentés de précipiter certains malades vers la mort afin de pouvoir bénéficier de leur fin de semaine. « Même si les statistiques démontrent que le taux de suicide est en diminution, une manchette nous disait récemment qu’il y a eu un record de 13 millions d’ordonnances pour des antidépresseurs en 2010. Est-ce que faciliter la mort de personnes désespérées va régler le problème? » questionne-t-il dans son mémoire.
Peu de gens passent à l’acte
En réponse à ces interrogations, le commissaire et député Laurier Fortin, a précisé que dans les pays où l’euthanasie ou le suicide assisté est légal, plusieurs personnes remplissent les questionnaires mais seules 10% des gens qui ont traversé toutes les étapes nécessaires au processus se rendent au bout de leur démarche. « Ça devient comme une police d’assurance sur sa mort. Cela permet pour certains de mieux accepter la maladie. »
En fin de journée, un rescapé d’un accident automobile est venu offrir un témoignage chargé d’émotion. Normand Michaud a failli perdre la vie. « Quand je me suis retrouvé attaché sur une civière, je ne l’ai pas trouvé drôle. Personne ne veut entendre le mot suicide. Pourquoi est-ce que ce serait légal pour un médecin de donner une dose fatidique de morphine et que pour d’autres individus, ce serait illégal? »
Certains en ont profité pour ramener le cas de Robert Latimer, obligé de se rapporter tout le reste de sa vie. On se rappellera, ce père de famille a été incarcéré après avoir mis fin aux jours de sa fille lourdement handicapée. « Va-t-on laisser le soin des sentences aux mains des procureurs? », a lancé Élyse Phaneuf, du Regroupement pour le transport adapté et collectif des Laurentides.
« Dans quelle limite ai-je le droit de demander la mort? , a lancé Martin Fortier C’est pas parce que je décide de quelque chose que c’est une bonne chose. »
Voilà bien ce qui résume les travaux de cette commission. Une Commission qui aura entendu plus de 400 personnes et groupes d’intérêt. Un débat polarisé s’il en est. « Ici comme ailleurs, on ressent une grande responsabilité, a confié la députée de Hull et adjointe parlementaire au ministre des Relations internationales, Maryse Gaudreau, qui a remplacé en fin de course le député de Jacques-Cartier Geoffrey Kelley, nommé au gouvernement il y a un peu plus de deux semaines.
La Commission Mourir dans la dignité aura battu tous les records en terme d’assistance. « On a ri, on a pleuré, on a vibré », poursuit Maryse Gaudreau, encore éprouvée par la générosité des Québécois à partager leur vécu. « Cela fait abstraction au climat politique à Québec, note-t-elle. Nous sommes reconnaissants. On va s’arranger pour ne pas décevoir. Certains ont des inquiétudes et pensent qu’il y a un billet, mais il n’y a pas de commande. On s’est mis en mode écoute. »
La présidente de la Commission a souligné que la région était choyée d’avoir une maison de soins palliatifs de cette qualité. Pallia-Vie a été le seul établissement à avoir été visité au cours de cette imposante tournée. « Ce que je retiens de Saint-Jérôme, c’est le grand dévouement des gens. Comme si cette maison faisait un peu partie d’eux. »
Le rapport des commissaires devrait être déposé d’ici la fin de la prochaine session ou au plus tard à l’automne.