Malaise aux falaises

Par Thomas Gallenne

Réserve naturelle Alfred B. Kelly

À peine sortie, la nouvelle concernant la gestion éventuelle de la réserve naturelle Alfred B. Kelly par la municipalité de Piedmont suscite la circonspection de la part de certaines personnes qui gravitent autour de ce projet de conservation.

Le 22 novembre 2010, Conservation de la nature Canada (CNC) annonçait en grande pompe l’acquisition de 459 hectares de terrains, dans le but de protéger les falaises de Piedmont et Prévost, paysage remarquable, signature d’entrée dans les Laurentides. Suite à cette acquisition, un comité consultatif de gestion a été mis en place, avec pour mandat de définir un cadre directeur ralliant des principes de conservation, d’éducation et de gestion de la réserve Alfred B.Kelly. Ce comité de gestion est composé de Conservation de la nature, du Comité régional pour la protection des falaises (CRPF), de Protection des Oiseaux du Québec (POQ), de la municipalité de Piedmont et la Ville de Prévost.

Cardin fait-il cavalier seul?

Le maire de Piedmont, Clément Cardin reconnait être en négociation avec CNC pour obtenir la gestion d’une grande partie de la réserve naturelle, pour un bail de cinq ans. «Des 4 km carrés que compte la réserve, 85% sont à Piedmont, rappelle le maire de la place. Et c’est CNC qui nous a fait une offre. » De son côté, Conservation de la nature semble confirmer les propos de M. Cardin. Dans une réponse par courrier électronique, la  directrice des communications – bureau du Québec de CNC, Elizabeth Sbaglia  confirme que son organisme a «demandé aux municipalités de l’assistance en assumant une part importante de la responsabilité civile qui découle de cette accessibilité, de mettre en place les règlements de zonage appropriés, et de participer à l’entretien des lieux.»

Le maire Cardin attend une réponse des représentants de CNC au Québec, Nathalie Zinger, vice-présidente régionale et Joël

Bonin, directeur de la conservation et de l’intendance, d’ici la fin de l’année. «Le conseil municipal devra adopter un plan quinquennal et les fonds nécessaires pour signaliser et entretenir les sentiers», ajoute Clément Cardin. Cependant, ce dernier prévient qu’il y aura des contraintes d’usages. Les randonnées pédestres et en raquettes seront permises. En revanche le vélo de montagne ou les parcs canins seront prohibés.

Dans un communiqué envoyé en début de semaine, le CRPF dit «s’inquiéter d’une approche de conservation des milieux naturels qui fractionnerait le territoire de la future réserve naturelle Alfred B. Kelly en composantes municipales.» Le président du CRPF, Claude Bourque rappelle que les écosystèmes ne se gèrent pas sur la base de critère sadministratifs et qu’une approche globale, régionale, est certes préférable, voire incontournable. Est-il vrai que la question de bail alloué à Piedmont pour gérer une grande partie de la réserve écologique avait été abordée? «CNC a soulevé la question lors de notre première réunion officielle au printemps dernier, mais les points concernaient l’entretien et les assurances, précise M. Bourque. Il n’a jamais été question d’une gestion municipale, sinon on se serait objecté comme on le fait aujourd’hui.»

Une situation gagnant/gagnant

Parmi les déclarations faites par le maire la semaine passée, celle concernant la construction d’un pont qui enjamberait la Rivière-du-Nord a laissé perplexe Serena

D’Agostino (lire article de David Richer) qui questionne la pertinence d’une telle infrastructure quand il en existe déjà deux à quelques kilomètres d’intervalle, se demandant si le pont servirait d’autres intérêts? «Il y a un promoteur qui a des terrains dans ce secteur et qui souhaiterait avoir un accès plus direct», reconnaît M. Cardin. Le propriétaire en question, l’entreprise Sylco Construction dirigée par Sylvain

Cousineau, a acheté le terrain de 300 acres d’ERS l’an passé, pour trois millions de dollars. « Ce terrain a une capacité d’environ 250 maisons », précise le maire de Piedmont, qui laisse entendre que la construction du pont serait prise en charge par le promoteur. «C’est une situation win-win, autant pour le promoteur, la municipalité que pour Conservation de la nature», conclut-il. Claude Bourque était mal à l’aise de commenter ce projet de développement domiciliaire. «C’est certain qu’on rêverait à un don écologique de la part du promoteur, afin qu’on préserve l’ensemble de ce territoire, a-t-il lâché. Et ce don serait assorti d’avantages fiscaux.»

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