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Réannexion de Sauverois vers Mille-Isles

Par Thomas Gallenne

Abus de pouvoir ou protection de la collectivité?

Les frontières des territoires sont-elles immuables ou peuvent-elles changer selon l’évolution des modes de vie, des pratiques et des besoins des êtres humains qui les habitent? Le Guide des annexions publié par le ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT) en 2010 est pourtant clair sur ce point en page 6: «Les limites territoriales municipales ne sont pas statiques et peuvent être modifiées afin de répondre aux besoins de la population en constante évolution, aux réalités physiques, sociologiques et économiques.»

C’est sur ce guide que les citoyens de trois propriétés annexées à Saint-Sauveur en février 2014 se basent pour contester une demande d’annexion par la municipalité de Mille-Isles adoptée le 4 février dernier. Une décision qu’ils qualifient d’abus de pouvoir à l’endroit de l’administration mille-isloise.

Rappelons que ces propriétés étaient situées à Mille-Isles, mais que l’accès se fait uniquement depuis Saint-Sauveur, via le chemin du Lac des Becs-Scie Ouest.

«On s’est battu pendant huit ans pour finalement avoir gain de cause. Et ce qui me sidère c’est que j’ai l’impression que Mille-Isles n’a jamais lu la loi. Or la loi est faite en vertu de l’intérêt des citoyens», martèle avec vigueur et colère, Marie-Lyne Lambert, l’une des résidentes frappée par cette demande d’annexion.

Celle qui a fait une carrière en droit, s’appuie non seulement sur ce guide mais aussi et avant tout sur sa réalité et celle de ses voisins et des citoyens qui vivent dans son secteur: Saint-Sauveur leur fournit l’entièreté de leurs services, qu’ils soient d’ordre municipaux, communautaires, commerciaux et culturels. Des conditions qui selon Mme Lambert sont suffisantes et valables puisqu’elles rencontrent l’esprit de la loi contenu dans le guide des annexions qui stipule en page 6 que «Les motifs

habituellement invoqués lors d’une demande d’annexion concernent principalement la fourniture de services municipaux, l’appartenance socioéconomique ou la régularisation de limites municipales.»

La goutte qui fait déborder le lac

Lors de la demande d’annexion qui a duré des années, un des résidents avait oublié d’inclure dans cette demande, un terrain lui appartenant. Ainsi il se retrouvait avec sa propriété dorénavant à Saint-Sauveur, mais son terrain adjacent, à Mille-Isles. Pour rétablir cette incongruité, ce citoyen a fait une demande auprès de l’administration sauveroise qui a transmis une demande d’annexion à Mille-Isles en novembre dernier. Un mois plus tard, Saint-Sauveur faisait parvenir une demande d’annexion pour trois résidences situées sur le côté sud du Lac des Becs-Scie cette fois, selon les mêmes motifs. Pour le maire de Mille-Isles, c’en était trop. «Quand on a vu ça au conseil, j’ai dit ça n’a aucun bon sens. Non seulement on s’oppose, mais on a assez d’éléments pour démontrer au ministre [Pierre Moreau], que Saint-Sauveur est en train d’agrandir son territoire en pensant que Mille-Isles est achetable à grenaille», lance Michel Boyer, qui balaie du revers de la main les arguments de sentiments d’appartenance des citoyens.

Admettant qu’il y ait eu des problèmes de sécurité dans le passé, il les considère réglés depuis.

Il remet en doute également la légitimité de la décision de l’ancien ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, qui a entériné l’annexion en 2014. D’où sa volonté avec son conseil, de vouloir réannexer les trois propriétés.

M. Boyer ajoute que les ministres précédents, Nathalie Normandeau et Laurent Lessard avaient eux appuyé le rejet de demande d’annexion, ce que réfute catégoriquement Mme Lambert.

Le maire s’appuie sur des questions de pertes de taxes pour justifier la demande d’annexion. «Le départ de ces trois propriétés, c’est 10 000 $ de taxes en moins. Sur 2 millions de budget, c’est 0,5% d’augmentation de taxes que je dois faire payer par les citoyens pour boucler mon budget. Donc, quand on regarde la question socioéconomique, doit-on la voir selon les besoins de trois résidences qui veulent s’en aller ou des 1700 habitants qui restent?

Alors moi ma réponse est claire: si tu travailles dans l’intérêt collectif, tu regardes l’impact sur la collectivité, pas sur les individus.»

Argument rejeté par les citoyens visés par l’annexion. «Là encore le Guide est clair puisqu’il stipule que «les motifs liés à une demande d’annexion ne doivent pas être un moyen pour une municipalité d’augmenter ses revenus de taxation».

Toutefois, il est indiqué à la fin du même paragraphe, que «les motifs liés à une demande d’annexion ne doivent pas non plus servir à des fins personnelles, mais plutôt à des fins collectives», argument avancé par le maire Boyer. Ce dernier cependant ne semblait pas être au courant d’une quelconque consultation, étape qui est pourtant indiquée dans le Guide des annexions.

La décision finale d’accepter ou pas les deux demandes d’annexion faite par Saint-Sauveur ainsi que la demande faite par Mille-Isles pour récupérer les trois propriétés annexées à Saint-Sauveur depuis l’an passé, revient au ministre Moreau qui a un pouvoir discrétionnaire. Cependant le député de Bertrand Claude Cousineau se dit confiant pour les trois propriétaires.

«Ça m’étonnerait beaucoup que le ministre actuel revienne en arrière. Un décret est passé et a force de loi. Pour moi, le dossier est clos. On assiste à un battage médiatique.» Même son de cloche pour le maire Boyer. «Les échos que j’ai c’est que les demandes de Saint-Sauveur seraient refusées, mais qui possiblement ils ne toucheraient pas aux trois propriétés qui ont été annexées», confie-t-il.

Mise en demeure

Les propriétaires visés par la demande d’annexion faite par Mille-Isles ont fait parvenir une mise en demeure à la municipalité, dénonçant son abus de pouvoir et la sommant de cesser toutes procédures de demande d’annexion.

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