Sylvain Miron ou la détermination d'un homme

Par Thomas Gallenne

C’était lundi le 8 août. Deux jours après son arrivée à Saint-Sauveur. Je tenais absolument à le rencontrer en personne. J’avais manqué le rendez-vous à Oka, l’occasion de parcourir les derniers milles avec Sylvain Miron et de partager un moment privilégié. L’occasion d’échanger quelques paroles, de partager sans doute des moments de silence aussi. Et surtout, de vivre un moment fort, au cœur des émotions.

Et à n’en pas douter, elles n’ont pas manqué, tout au long de ces 5300 kilomètres qui séparaient Vancouver – son point de départ, et Saint-Sauveur, ici, dans notre région. Un point d’arrivée, peut-être, car il fallait bien se donner un objectif, mais certainement pas une fin en soi, bien au contraire. Le commencement d’une nouvelle vie, pour un homme transfiguré.

C’est un Sylvain Miron, le teint hâlé faisant ressortir son sourire éclatant et ses yeux clairs, que je rencontre pour la première fois. Malgré une poignée de main franche, l’homme reste un peu gêné. J’amorce la conversation sur un ton badin, histoire de se jauger. Puis nous entrons dans le vif du sujet. Comment a-t-il vécu ces dernières semaines?

«Mon arrivée à Saint-Sauveur, ça été un petit velours, je dois dire», avoue le cycliste qui venait de compléter les 5300 kilomètres qui le séparaient de Vancouver. Et au passage, je tiens à remercier encore Alain Daviault pour toute l’aide qu’il a apportée à l’organisation de cette étape finale. Le travail d’approche qu’il a effectué avec les municipalités, pour préparer la sécurité sur le parcours, ce fut exceptionnel.»

Son départ depuis Stanley Park à Vancouver, en Colombie-Britannique, Sylvain Miron l’avait visualisé de nombreuses fois. «Mais quand je suis parti, ça a été encore plus beau que ce à quoi je m’attendais, admet-il. Et en repensant à ce périple, je me dis que cela prenait bien du courage.»

Le cycliste dit avoir été choyé par la météo, n’ayant essuyé qu’un seul orage digne de mention. Quant aux avaries, il n’a compté qu’un seul bris mécanique l’ayant obligé à interrompre brièvement son voyage. Chaque matin, il prenait son déjeuner et se préparait pour son étape du jour, en totale autonomie. «En moyenne, je parcourais 150 kilomètres par jour, ce qui m’imposait un certain rythme, explique l’athlète. À la fin de chaque étape, je retrouvais ma conjointe Isabel qui elle conduisait un motorisé.» Si la première semaine dans les Rocheuses a été très physique, avec du relief, Sylvain admet avoir eu le temps de gamberger en arrivant dans les Prairies. «J’ai commencé à utiliser mon iPod, et pendant que je roulais, les émotions ont commencé à sortir encore plus, quand j’entendais des chansons  me faisant penser à ma fille Andréane», raconte le cycliste.

Dans ces moments très particuliers, le sportif va connaître des sensations singulières. «De faire un effort en roulant, je sécrétais des 

endorphines, lesquelles se mélangeaient aux émotions que je ressentais en pensant à ma fille, raconte le père de famille. Je pouvais pleurer et tout de suite après avoir un regain d’énergie. C’est fou comment l’être humain peut aller puiser une telle force.» Selon lui, le courage, la persévérance et la 

détermination sont les trois 

éléments pour réussir à surmonter de telles épreuves. A-t-il eu un quelconque doute durant son périple? «Jamais, répond Sylvain Miron, catégorique. Je me suis préparé physiquement et psychologiquement pour ce voyage. Après le décès d’Andréane, nous avons reçu ma famille et moi, beaucoup de soutien de la part de spécialistes. Et par la suite, pour mon projet, j’ai continué d’être coaché, d’être entouré et suivi par des professionnels, en vue de préparer mon défi. Je n’ai jamais douté de la réussite de ce projet car j’étais très bien préparé, tant physiquement que mentalement. Et pour relever ce genre de défi, ça passe à 30% par le physique et 70% par le mental.»

Le vélo comme exutoire

Après le suicide d’Andréane, la famille 

Miron-Ladouceur a vécu les pires moments que l’on peut imaginer. Si Isabel Ladouceur, sa conjointe, est passée par l’écriture pour canaliser ses sentiments, c’est par le vélo que Sylvain a surmonté cette terrible épreuve. «Le vélo a été mon exutoire, avoue-t-il. J’ai vécu une période de grande dépression après la mort de ma fille. Mais quand je faisais du sport, je me sentais bien. Le vélo m’a aidé à aller mieux, et c’est devenu une véritable passion. Quand tu arrives près de la fin du voyage, t’as pas envie que cela s’arrête, même si c’est rempli d’émotions.»

Une source d’inspiration

Durant son voyage, que l’on suppose aussi intérieur, 

Sylvain Miron dit avoir reçu 

beaucoup de messages d’encouragement mais aussi d’admiration. «Se faire dire qu’on est une source d’inspiration est plus satisfaisant que de ramasser 25 000$, reconnaît le résident de Sainte-Anne-des-Lacs. Et comme je l’ai dit le samedi soir de mon arrivée, au Polar Bear, le suicide demeure très tabou. Et mon intention est de continuer de parler de la prévention du suicide, car le suicide n’est pas une option.» Maintenant qu’il est arrivé au bout de son « défi de l’espoir », Sylvain Miron a le sentiment du devoir 

accompli, mais il y a plus. «Aujourd’hui, je n’ai jamais été aussi heureux de ma vie, malgré la perte de ma fille, avoue-t-il. Je vais continuer à faire des conférences, pour transmettre le message.» Le voyage ne semble pas s’être achevé à Saint-Sauveur donc. Bonne route Sylvain Miron!

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