Un Canadian Tire à Saint-Sauveur?
La rumeur courait depuis plusieurs semaines. Accès la confirme: le Conseil municipal de Saint-Sauveur se penche actuellement sur une demande de permis visant l’implantation d’un Canadian Tire à la sortie 60, derrière l’établissement Bâton rouge, en bordure de l’autoroute 15.
De nombreux citoyens et commerçants se sont montrés inquiets de l’arrivée de cette entreprise dans le paysage sauverois (voir encadré à la fin de ce texte).
Pierre Desjardin, développeur reconnu pour ses nombreuses réalisations dans la région (on lui doit notamment les Factoreries de Saint-Sauveur) se souvient d’ailleurs de sa première rencontre avec Michel Lagacé, maire de l’endroit, pour lui présenter le projet: «Il m’a regardé comme si je débarquais de Mars et m’a dit: « Un Canadian Tire à Saint-Sauveur? Je pense que vous seriez mieux d’oublier ça! »» C’était mal connaître M. Desjardins et l’énergie qu’il déploie dans ses projets: «C’est vrai que le plan déposé à l’Hôtel de ville n’a plus grand chose à voir avec les premiers dessins architecturaux du projet. Saint-Sauveur ne fait ni cadeau ni passe-droit: il a fallu se plier aux multiples exigences relatives à l’urbanisme et à l’environnement…»
L’exercice de se plier aux exigences municipales donne un résultat étonnant en regard de ce à quoi la bannière a habitué le public: la hauteur du bâtiment, les types de matériaux utilisés (beaucoup de bois), récupération des eaux de pluie pour réalimenter la nappe phréatique… tout cela donne un Canadian Tire unique, un premier prototype qui pourrait inspirer des bâtiments du même genre dans l’Ouest canadien. Pour la chaîne, il s’agit d’un petit magasin.
«Je ne peux pas empêcher un commerce de s’établir sur notre territoire s’il le désire, explique Michel Lagacé… Mais je peux exiger qu’il se plie à nos règlements!»
Le terrain où s’implanterait Canadian Tire est zoné commercial depuis 2006, date à laquelle, selon le schéma d’aménagement du territoire de la MRC des Pays-d’en-Haut – qui tenait compte des exigences provinciales en matière de contraintes entropiques –, aucune résidence ne pouvait plus être construite en bordure des autoroutes. Le propriétaire du terrain a alors demandé un changement de zonage, puisqu’il ne pouvait plus rien faire de ces terrains: «Lui refuser ce changement aurait équivalu à une expropriation forcée, explique le Maire. Nous n’avions pas le choix. C’est comme pour l’émission du permis: en autant que nos normes soient respectées, le Conseil doit émettre le permis; il n’a pas de pouvoir discrétionnaire… Sinon, ce serait l’arbitraire le plus complet!»
Le seul choix qui demeurait pour la Ville si elle avait voulu éviter la venue de telles surfaces aurait été l’acquisition du terrain en question: «Nous avons déjà deux millions de pieds carrés de parc au centre-ville, rappelle le Maire. Il faut savoir aussi que les commerçants contribuent beaucoup aux revenus de la Ville, ce qui permet à nos citoyens d’avoir un taux de taxation qui demeure bas en regard de la valeur de leur propriété et des services qu’ils reçoivent…»
Pour Pierre Desjardins, à Saint-Sauveur on a plusieurs fuites commerciales en faveur de Saint-Jérôme et lorsque l’on se dirige vers le sud, ce ne sera pas qu’un seul commerce que l’on visitera: «Si notre client regarde pour Saint-Sauveur ou ses environs, c’est que son étude de marché est concluante. Pour avoir été impliqué dans la réalisation du projet des Factoreries (Tommy, Nike…), il y a eu beaucoup d’inquiétudes à l’époque… Pourtant aujourd’hui, ce complexe est une attraction touristique pour la municipalité et alimente également les commerçants du village.»
Inquiétudes commerçantes,inquiétudes citoyennes
Pour Gilbert Gauthier, propriétaire du Comptoir Kanuk, établi depuis 30 ans sur la rue Principale, la nouvelle n’a rien de réjouissant: «L’on ne peut plus parler de Village, c’est fini… Et le pire, c’est qu’on ne peut rien faire! C’est tout un état d’esprit, un cachet, un charme qui s’envolent avec l’arrivée d’une telle surface… Et qui va payer? D’abord les petits commerçants… En plus, si l’on ajoute l’installation des deux institutions financières à l’entrée du Village, comme c’est prévu…»
Des arguments que réfute M. Lagacé: «Pour les inquiétudes citoyennes, je les comprends. Mais je veux que les citoyens réalisent que c’est aussi une opportunité de développement, et que, comme tout le développement qui s’est fait jusque là, il n’enlève rien au Village. Pour les inquiétudes des commerçants, je donnerai l’exemple de l’arrivée de Loblaw’s… À ce que j’en sache – et c’est mon voisin! – les affaires de Chartier ne se portent pas plus mal… La saine concurrence, ça profite toujours au consommateur. Je ne les ai pas inventées, moi, les grandes surfaces! En comparaison, sachez que Les 3 Villages ont
au moins 1000 m2 de plus que ce qui est déposé actuellement à la Ville pour l’emplacement derrière Bâton rouge.»
Le Conseil municipal se penche actuellement sur la proposition de Canadian Tire, selon les plans dont Accès a obtenu copie et présente dans cette édition. Une décision pourrait être rendue prochainement.
Quelques réactions à la venue éventuelle de Canadian Tire
à Saint-Sauveur…
«Quel mauvais plan de match… je peux à peine y croire, ils ne peuvent pas faire ça… c’est économiquement non viable à mon avis.»
– François Plouffe
«On a pas vraiment besoin de ça à St-Sauveur. Quand-même! Il y a déjà assez de pépines dans le village qui choquent le paysage. C’est des grandes surfaces en ti-ti, les Canadian Tire…»
– Christiane Perreault
«Non! J’déménage en ville si c’est le cas… Pourquoi pas un Costco tant qu’à y être!?! J’ai besoin d’encre à l’occasion pour mon imprimante; ça prend définitivement un méga Bureau en gros!! Ça va finir où cette surconstruction pour combler les besoins de surconsommation de quelques-uns?!? Et pourquoi pas un beau gros cinéma de 18 salles style le Colossus de Laval?… Ce serait très chic!»
– Jean-Claude Provost
«De toute façon on peut en parler tant qu’on veut. C’est déja trop tard. Tout est sans doute accepté. Ça gâchera bel et bien la vie des petits commerces et notre vue. Ça fera encore plus de locaux commerciaux vides. Je ne sais pas ce qu’ils vont faire ici. Avez-vous vu le village ou la ville ces derniers jours? Un vrai village fantôme. Demandez l’avis des commercants. Pas facile en ce moment de payer les fins de mois…»
– Caroline Ross